Adieu acronymes abscons. Désormais les mouvements politiques s’inspirent des codes de la publicité lorsqu’ils se créent ou changent de nom. Pourquoi une telle mode ?

Jadis, lorsque des responsables politiques souhaitaient créer un parti, ils ne s’embarrassaient pas de consultants spécialisés dans le naming ou la communication. Ils jouaient au bingo.

La stratégie du bingo

La règle était simple. On posait sur la table une multitude de termes : parti, mouvement, fédération, union, rassemblement, République, France, français, national, populaire, démocratique, social, gauche, indépendants… Et l’on assemblait le tout. Ce qui donnait naissance à des acronymes tels qu’Union des démocrates pour la République (UDR), Rassemblement pour la République (RPR), Union pour un mouvement populaire (UMP), Union pour la démocratie française (UDF), Union des démocrates indépendants (UDI), Mouvement républicain populaire (MRP), Parti de gauche (PG). À la clé des acronymes institutionnels censés donner une image de sérieux parfois éloignée des Français car difficilement compréhensible pour les novices. Depuis une petite dizaine d’années, la tendance change. Il suffit de prêter attention au nom des nouveaux mouvements politiques.

Parti ou produit ?

À gauche comme à droite, la mode est désormais au nom simple comportant, dans la mesure du possible, un seul mot. Reconquête !, Les Patriotes, Les Républicains, Agir !, AJ !, Libres !, Horizons, Renaissance, Demains, Générations… "Cette stratégie marque un changement de vision de la part des dirigeants politiques, estime la sémiologue Élodie Mielczareck qui constate que la classe politique actuelle s’inspire clairement des codes de la publicité en optant pour des noms simples et générateurs d’impact. Certains mouvements utilisent même le point d’exclamation. Le nom devient slogan."

"La classe politique s'inspire des codes de la publicité en optant pour des noms simples et générateurs d'impact"

Au-delà de l’aspect esthétique, il s’agirait de casser les codes de la politique traditionnelle et pyramidale en cherchant à s’adresser à des individus plus qu’à des électeurs. Autre point important pointé par la sémiologue, "le fait que le nom du parti permette de qualifier facilement les militants sans forcément avoir une étiquette idéologique". Désormais, ils se déclarent marcheurs, insoumis, patriotes, républicains… Ce qui, pour reprendre un terme dans l’air du temps, fait plus inclusif. Après tout, qui se déclare anti-républicain, soumis ou immobile ?

Une nouvelle façon de faire de la politique ?

Derrière cette nouvelle manière de baptiser les partis se pose une question philosophique : changer l’étiquette, est-ce changer le fonctionnement ? Oui, estiment les philosophes et les sémiologues constructivistes. Non, prouvent les faits. Les nouveaux mouvements politiques ont beau miser sur le rebranding, ils ne parviennent pas davantage à séduire l’électeur consommateur.

Le nombre global d’encartés dans les partis est en baisse, la participation aux élections n’augmente pas et l’image de la politique ne s’améliore pas. Ainsi, selon le baromètre du Cevipof datant de février 2021, seuls 16% des Français ont confiance dans les partis politiques, une proportion qui n’a jamais été aussi basse. Les communicants ont beau renommer le produit, le fonctionnement interne des partis ne change pas et reste globalement marqué par la discipline, les éléments de langage, le culte des chefs ou la doctrine. Et ce n’est pas un point d’exclamation qui changera la donne.

Lucas Jakubowicz

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