Présent dans plus de 150 pays, Medtronic compte à son actif plus de 49 000 brevets déposés et réalisait en 2020 un chiffre d’affaires de 28,9 milliards de dollars. Florence Dupré, la présidente de l’entité française, explique pourquoi le leader des technologies médicales prône le droit à l’erreur.

Décideurs. À quoi ressemble la culture de l’innovation chez Medtronic ?

Florence Dupré. Pour nous, innover représente plus qu’un état d’esprit, un processus itératif.  Ce n’est pas tant la destination qui importe, mais le chemin qu’on emprunte pour y parvenir. Ce chemin prend rarement la forme d’une ligne droite. Dans un monde comme le nôtre, il est au mieux sinueux ou semé d’embûches, au pire complètement bouché. Et pourtant, il faut trouver le moyen de continuer d’aller de l’avant, de trouver une autre manière de faire que celle initialement envisagée. Aussi, nous attendons de nos équipes qu’elles s’autorisent à expérimenter et donc à se tromper. Nous nous attachons à leur insuffler une culture de l’essai en récompensant les progrès, en valorisant la capacité à regarder ce qui n’a pas fonctionné, à se corriger, à persévérer.

Faut-il en déduire que l’innovation cela s’apprend ?

En tout cas, les soft skills requises me semblent se rapprocher grandement de celles liées à l’agilité, la notion de droit à l’échec en plus. Il faut le marteler : dans une entreprise, l’innovation dépend de la capacité de ses collaborateurs à apprendre de leurs erreurs, à grandir ! Je suis très axée sur le développement des personnes. Travailler sur les compétences et le comportement des équipes, accompagner les managers, cela prend nécessairement du temps. Mais toujours moins que d’attendre que ne surgisse, comme par magie, l’innovation du siècle ! D’où toute l’importance des dispositifs qui œuvrent à mettre l’innovation au cœur de la vie quotidienne. Medtronic propose, par exemple, à ses collaborateurs de travailler pour des start-up, de jouer pour elles le rôle de mentor ou de consultant. Grâce à ce programme, nos équipes se développent et gagnent en fibre entrepreneuriale.

Être une femme change-t-il le rapport à l’innovation ?

Intuitivement, j’aurais envie de vous retourner la question : pourquoi l’innovation devrait-elle être genrée ?! En y réfléchissant, cependant, je pense que les femmes nourrissent une sensibilité plus forte à la diversité. Or, pour moi, cette dernière représente la condition sine qua non de l’innovation. Difficile, en effet, de faire évoluer le monde, de le transformer, de rompre avec d’anciens schèmes de pensée sans une pluralité de points de vue. Les femmes disposent également d’une expérience de l’adversité singulière qui les prédispose, peut-être, à se remettre davantage en question, à développer une plus grande capacité de résilience.

"Une innovation n’a de sens qu’à condition de trouver son public"

Qu’est-ce que pour vous une innovation qui a du sens ?

Une innovation n’a de sens qu’à condition de trouver son public. Quand on a une idée, la tentation est grande de céder à l’impatience, de la pousser fortement, au risque d’arriver trop tôt. Le vrai exercice de l’innovation consiste à comprendre les enjeux de ses partenaires et imaginer la meilleure réponse à leur apporter. C’est pourquoi je me reconnais beaucoup dans la notion de servant leader qui invite à mettre le client au cœur des préoccupations des entreprises. Si celles-ci traitent leurs collaborateurs comme des clients, en les mettant en condition de grandir, il y a de fortes chances qu’ils donneront le meilleur d’eux-mêmes pour se mettre à leur tour au service des besoins des clients.

Quelle figure du leadership pensez-vous incarner ?

Je m’attache à être la plus authentique possible, à ne pas trahir qui je suis sans pour autant cacher mes défauts. Par exemple, j’ai tendance à aller vite, ce qui constitue un véritable atout pour passer à l’action. En revanche, cela risque d’amoindrir ma capacité à embarquer puisque convaincre de la pertinence de telle ou telle autre idée nécessite forcément du temps et de la patience. Heureusement, mon entourage veille et tire, quand il le faut, le frein de sécurité ! En tant que dirigeante, il me semble important de demander conseil, d’encourager le fait de dire. J’espère ne jamais ressembler à Créon, l’oncle d’Antigone dans la pièce de Sophocle. Un leader qui n’entend plus car les autres n’osent plus parler.

Propos recueillis par Marianne Fougère

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