C’est un grand classique des mouvements populistes : trouver de pauvres boucs émissaires puis les livrer à la vindicte populaire dans l’espoir de grappiller quelques voix. Dans la France de 2023, l'extrême droite vise les personnes un peu trop basanées, la Nupes les milliardaires.

En ce début d’année, ces derniers en prennent pour leur grade. Marine Tondelier, nouvelle secrétaire nationale d’EELV rêve ouvertement d’une "France sans milliardaires" et qualifie les ultra-riches de "vampires" qui se préparent à vivre dans l’espace ou dans des bunkers. Dépassé sur sa gauche, Jean-Luc Mélenchon surenchérit en déclarant : "Nous avons dans notre pays la pire des offenses, le premier milliardaire du monde", à savoir Bernard Arnault, "qui n’a pas inventé quelque chose d’utile aux autres êtres humains". Sa diatribe a ensuite dérivé vers des considérations proches de celles d’un adolescent révolté : "Les riches sont responsables du malheur des pauvres", "accumuler de l’argent est immoral". Le patron officieux de la Nupes, millionnaire se vantant de gérer son patrimoine comme une fourmi, est un bien curieux redresseur de torts.

Le procédé permet de plaire à sa base. Mais pas de changer les choses et de gagner les élections

Certes, les inégalités croissantes sont un fait établi. L’optimisation fiscale, la financiarisation de l’économie, la porosité avec les décideurs politiques aussi. Mais les créations d’emplois, le financement des innovations de rupture, le mécénat, le maintien d’un tissu industriel et de la place de la France dans le monde sont aussi à prendre en compte. Alors, bons ou mauvais les milliardaires ? N’entrons pas dans le débat.

Ce qui est à retenir de ces attaques est plus préoccupant. Naguère la gauche française était incarnée par des responsables cartésiens qui privilégiaient la pédagogie, la concertation, le dialogue pour arriver à leurs fins. Cette approche existe encore en Allemagne où Verts, socialistes et patronat augmentent les salaires en bonne entente. De même aux États-Unis où l’administration Biden, pourtant proche de Wall Street, augmente les impôts des plus riches qui, globalement, adhèrent. Dans l’Hexagone, les dirigeants de gauche essaient avant tout de plaire à leur base de plus en plus rétrécie et radicale. Ce qui amène leurs chefs à une course à l’échalote pour être le plus hardcore possible. Qui gagnera la course ? Qui criera le plus fort ? Marine Tondelier qui veut dépasser Sandrine Rousseau ? Jean-Luc Mélenchon qui veut garder son leadership ? Des seconds couteaux qui veulent exister ou prendre date ? Des socialistes qui veulent donner des gages ? Une chose est certaine, le gagnant régnera sur une machine à la carrosserie rouge vermillon. Mais incapable de modération et de compromis. Dommage, les élections se gagnent au centre…

Lucas Jakubowicz

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