Actionnaire historique d’Airbus, le fonds TCI conteste le projet d’Airbus de venir à la rescousse d’Atos en investissant dans sa filiale Evidian : un rôle qu’il considère ne pas être le sien. Explications.

Tout a commencé lorsque René Obermann, président d’Airbus, a décidé de prendre une participation minoritaire de 29,9 % au capital d’Evidian : la future entité cyber et cloud d’Atos.

C’était sans compter sur Christopher Hohn, fondateur du puissant fonds activiste TCI, un des principaux actionnaires privés d'Airbus​, qui intervient auprès du conseil d'administration de l'avionneur européen pour contester ce projet, avec des arguments de taille.

Un dialogue mal engagé ?

La direction d’Airbus déclenche la fronde ce 27 février 2023 même si  "la société s’est engagée et continuera de dialoguer avec TCI et d'autres actionnaires sur tous les sujets pertinents, y compris la nature et la justification de l'accord stratégique et technologique potentiel à long terme que nous explorons actuellement avec Evidian".

Pour Chris Hohn, le projet d'entrée à 29,9 % du capital d'Evidian relève de l’interventionnisme politique plus que d’un investissement stratégique, davantage destiné à sauver un acteur tricolore, en difficulté depuis plusieurs mois, au détriment de l'intérêt d'actionnaires privés (Airbus étant détenu à hauteur de 25,9 % par les Etats français, allemand et espagnol). Sans compter un ticket de près de 1,2 milliard d'euros, qui est évoqué, selon différentes sources, moyennant une valorisation globale de 7 milliards d'euros d'Evidian, dont 3 milliards de dette. D’ores et déjà, TCI ne changera pas de position, et ce, quelles que soient les promesses de dividendes ou de rachat d'actions qui devraient être privilégiés par Airbus.

Christopher Hohn invoque plusieurs raisons de son désaccord : "Airbus a des milliers de sous-traitants, ont-ils besoin de les racheter ? Rachètent-ils Safran ? Non. Ils peuvent nouer des relations contractuelles classiques avec leur fournisseur, ils peuvent recruter des compétences. Vous pouvez avoir un certain contrôle de vos salariés, pas d'une entreprise dont vous détenez moins de 30 %. Dès lors, quel intérêt ?"

Actionnaire de plus de 3 % du capital d’Airbus, soit une participation de près de 4 milliards d'euros, le fondateur de TCI insiste : "Peut-on même penser que les prestations d'Evidian soient si exceptionnelles ? Sont-ils meilleurs que Microsoft, Google ? Compte tenu des difficultés d'Atos, on peut en douter ", poursuit Chris Hohn. Prendre un ticket minoritaire dans Evidian, c'est surtout "la garantie pour les actionnaires d'Airbus de devoir supporter la dette qui sera transférée dans Evidian, sinon quel serait l'intérêt d'une telle scission ? C'est aux actionnaires d'Atos d'assumer une augmentation de capital, pas à ceux d'Airbus ", affirme-t-il.

Une motion en 16 points déposée contre ce projet

En vue de l’assemblée générale qui aura lieu le 19 avril prochain, TCI a déposé une motion en 16 points. Le dirigeant du fonds affirme aussi qu’il reçoit d'ores et déjà des marques de soutien d'investisseurs : "S'ils ne répondent pas à la motion que nous avons déposée, ils iront à l'encontre de leurs obligations". Si le fondateur de TCI n'en est pas à demander une refonte de la direction de l'avionneur il se dit préoccupé, dans son courrier du 20 février, par le fait que le conseil d'administration ait "permis une potentielle transaction d'avoir lieu".

Enfin, rappelons que dans le secteur aérien, de nombreuses sociétés aériennes sont détenues par des Etats. Il semble donc délicat d'ignorer l'importance des pouvoirs publics dans l'écosystème d’Airbus.

Laura Guetta

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