Retour sur le Say on Climate adopté à l’assemblée il y a presque une semaine. Si l’amendement venait à être maintenu dans la version définitive de la loi sur l’industrie verte, les conseils d’administration des sociétés cotées devraient consulter de façon obligatoire les actionnaires sur leur stratégie climatique. Décryptage avec Corinne Lepage, associée chez Huglo Lepage Avocats, et Julien Aucomte, associé chez August Debouzy.

Après le Say on Pay, le Say on Climate qui s’imposera aux assemblées générales des sociétés cotées. Vote consultatif des actionnaires sur leurs stratégies climatiques, ce mécanisme a été voté par les députés dans la nuit du vendredi 21 au samedi 22 juillet derniers. “Si l’amendement est maintenu dans la version finale de la loi, la France serait le premier pays au monde à rendre ce vote impératif, souligne Julien Aucomte, avocat associé de l’équipe corporate d’August Debouzy. Pour la place de Paris, c’est un message politique et un élément fort.” Rien de nouveau sous le soleil pour autant. “Ce n’est pas une révolution”, selon Corinne Lepage, avocate associée du cabinet Huglo Lepage Avocats. Il existe des quantités de textes (CSRD, loi climat résilience…) qui font obligation aux entreprises d’avoir des plans sur le climat et des stratégies de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Mais selon l’ancienne ministre de la Transition écologique, le Say on Climate est également un vecteur de communication important à destination des actionnaires des entreprises et du grand public. Et un moyen supplémentaire pour atteindre l'objectif de l'Union européenne. L’effort demandé aux Européens de diminuer de 55% leurs émissions de GES d’ici à 2030 par rapport au niveau de 1990 (Fit for 55) contraint les États et les entreprises à “rentrer dans une logique comptable”.

Certaines firmes n’ont pas attendu que le législateur s’intéresse au Say on Climate pour faire voter leurs assemblées générales. En 2020, Total avait appelé ses actionnaires à voter un projet de résolution pour ajouter dans ses statuts une mention sur l’inclusion de ses stratégies visant à aligner ses activités avec les objectifs de l’accord de Paris dans le rapport de gestion. C’est finalement Vinci la première société à faire voter, en avril 2021, une résolution consultative relative à son plan de transition environnementale. Ces industries suivent peut-être les recommandations de juristes qui, comme Julien Aucomte, pensent que s’opposer aux grandes tendances de société n’a jamais fonctionné sur le long terme. “On ne peut pas lutter contre la lame de fond qu’est la prise de conscience du changement climatique. C’est un des nombreux exemples cas de casuistique morale dans notre société”, analyse l’avocat. Et de poursuivre : “Il faut accompagner ce que l’on ne peut combattre.” Julien Aucomte voit dans le Say on Climate une occasion pour les sociétés de prendre la main sur le sujet climatique. “Le Say on Climate permettra au conseil d’administration de parler d'une voix claire et de couper l’herbe sous le pied des fonds activistes qui n'ont souvent pas d'autre but que de déstabiliser les entreprises par des projets de résolutions désorganisées.” Sur le plan juridique, a priori, rien ne fait pas obstacle à l’instauration du dispositif, comme l’a estimé Le Haut Comité juridique de La Place Financière de Paris (HCJP). Si certains juristes ont tiré la sonnette d’alarme quant au risque de heurt avec le principe de la séparation des pouvoirs du conseil d’administration et des actionnaires consacré dans le célèbre arrêt Motte de 1946, l’associé d’August Debouzy, lui, considère que la formule d’un avis obligatoire mais simplement consultatif constitue un bon compromis. “Nous ne pensons pas en l’état actuel de notre législation et la relative nouveauté de ces sujets qu’il soit bon d’assortir à un avis négatif des sanctions financières pour la société.”

Pour Corinne Lepage, le Say on Climate s’inscrit dans la logique de deux textes communautaires notamment : la future directive sur le devoir de vigilance et le texte à venir sur les allégations environnementales. L’avocate qui donne également des cours sur la justice climatique à Sciences Po connaît bien les problématiques de responsabilité pour les sociétés pour le passé ou l’insuffisance des mesures prises pour l’avenir. “Ce sont plus de 2 400 procès intentés dans le monde qui mettent en cause sous des angles très divers les politiques climatiques des entreprises et des États.” Les contentieux climatiques deviennent une préoccupation majeure renchérit Julien Aucomte : “C’est LE sujet du moment.” Le Say on Climate participe du même mouvement. “Les sujets ESG et climatiques, ce sont des problèmes de fond qui pénètrent toute l’économie. Le droit des sociétés n’avait pas forcément l'habitude de prendre en compte les préoccupations sociétales, mais le sens de l’histoire l’y amène”, décrypte-t-il.

L’ancienne locataire de l’hôtel de Roquelaure estime que le Say on Climate met aussi sur le tapis la question des actifs échoués, ces investissements qui perdent de leur valeur en raison de l’impact des changements liés à la transition énergétique. “Le risque pour les actionnaires, c’est de se retrouver en face d’actifs qui ne valent plus rien.” Il y aurait déjà des actions menées contre des administrateurs au motif que leur inertie à agir face au climat a conduit à transformer les actifs de la société en actifs échoués. Rendez-vous en octobre prochain pour une nouvelle discussion du texte entre députés et sénateurs.

Anne-Laure Blouin

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