Critique, la situation de la justice ? Oui, reconnaît le rapport sur les États généraux de la justice paru le 8 juillet. Mais pour les entreprises, l’espoir est permis : le texte souligne l’efficacité de la justice commerciale française, propose de l’élargir et de solliciter financièrement les entreprises, de renforcer l’interprofessionnalité et de discuter confidentialité. Pour le Cercle Montesquieu, l’AFJE et Paris Place de droit, c’est un bon début.

Des mois d’attente, un dialogue porté de façon officielle par les autorités, et un avant-propos catégorique : “L’institution judiciaire se porte mal.” Le tableau dressé par le rapport sur les États généraux de la justice, dans les tuyaux depuis l’automne dernier et présenté le 8 juillet, est assez sombre. Porteur d’espoir, également, chez les juristes d’entreprises. “Nous sommes touchés, positivement, par le pragmatisme du rapport, les thèmes abordés, les propositions opérationnelles formulées”, résume la directrice juridique internationale de Broadcom et présidente du Cercle Montesquieu, Laure Lavorel. Côté avocats, même impression : Jacques Bouyssou, avocat et secrétaire général de Paris Place de droit, se réjouit d’observer un changement de mode de pensée dans l’approche. L’état des lieux dressé est complet, “courageux”, de l’avis de Jean-Philippe Gille, à la tête de l’Association française des juristes d’entreprises (AFJE). Il devrait permettre aux acteurs de se positionner. Les entreprises, elles, en tant que justiciables, “ne peuvent pas se satisfaire d’un service public de la justice à bout de souffle”.

Fausse gratuité

Tous trois se réjouissent de la place accordée à la justice commerciale, jusqu’à présent plutôt délaissée. “On reconnaît sa spécificité, ses besoins, son rôle dans l’attractivité de la France”, explique Jacques Bouyssou. La qualité de son approche professionnelle, aussi. Il faudra également réfléchir à la spécialisation des juges consulaires. Mais là où le rapport souligne la nécessité de restaurer la confiance en la justice, Laure Lavorel, Jacques Bouyssou et Jean-Philippe Gille estiment que la justice commerciale est fiable. Elle fonctionne, malgré le manque de moyens, grâce à des juges consulaires engagés, désintéressés, qui ont compris leur rôle de prévention. Elle fonctionne si bien, d’ailleurs, que le rapport propose d’élargir son périmètre, avec la mise en place, à titre expérimental, d’un tribunal des affaires économiques pour l’ensemble des acteurs, y compris les professions libérales et agriculteurs.

“Il ne faut pas craindre des dérives sous prétexte que l’on réinterroge des principes"

L’idée d’une participation au financement de la justice fait aussi son chemin. Le sujet était porté par les associations, qui se félicitent de le voir repris dans le rapport. “La gratuité est un leurre, lance Laure Lavorel. Les entreprises sont responsables, on sait ce que vaut le service.” Pour l’améliorer, elles sont prêtes à mettre la main au portefeuille car “plus les décisions sont rapides, mieux nous pouvons nous adapter”. Les avantages seraient nombreux : offrir un barème modulé de façon proportionnelle, donner davantage de visibilité à la médiation et au règlement amiable, et responsabiliser les parties – plus efficacement qu’avec un article 700 “très indemnitaire”. Une forme de justice privée qui pourrait inquiéter ? Pas pour Jean-Philippe Gille : “Il ne faut pas craindre des dérives sous prétexte que l’on réinterroge des principes, surtout dans la sphère de la justice économique.”

Espace pour la confidentialité

Autre point positif du rapport : qu’il aborde, en “finesse et simplicité”, la question de la confidentialité des avis des juristes d'entreprise. Laure Lavorel a bon espoir que le sujet puisse de nouveau être discuté. Le président de l’AFJE qui, il y a quelques semaines, disait attendre de la nouvelle mandature présidentielle qu’elle ait le "courage politique d’agir car il est incompréhensible d’être dans un état de sous-développement juridique par rapport aux pays concurrents", y voit une question “fondamentale et évidente” et note que le rapport reconnaît l'urgence de la traiter. Le rapport ne fait que poser le sujet. À intégrer dans la loi de programmation pour la justice annoncée par Élisabeth Borne 7 juillet ? “Le rapport pose le sujet. La solution n'est pas encore définie mais on pourrait trouver un espace pour la confidentialité au sein de la loi.” Le momentum est peut-être là. D’autant que la confidentialité “participe de l’attractivité du pays”, complète Jacques Bouyssou. Sur ce point, la France a accumulé un retard “qu’il devient urgent de combler”.

Drapeau commun

Sur la question de l’interprofessionnalité aussi, le rapport est un “appel très positif”. Jacques Bouyssou y voit une “nécessité citoyenne, face à une menace qui pèse de plus en plus fort sur l’État de droit”. La communauté du droit doit se rassembler autour de ses valeurs communes. Les entreprises y gagneraient : un avocat qui devient directeur juridique, un juge qui a été avocat, ce sont des juristes qui gagnent en empathie, et en compréhension des enjeux de chaque partie.

Des points faibles, alors ? “Nous restons sur notre faim sur les questions de numérisation”, glissent Jacques Bouyssou et Laure Lavorel. Pourtant, la pandémie a montré à quel point le sujet comptait. La France n’a pas su se construire une forte culture du numérique. Elle ne parvient pas, non plus, à avancer sur la place du droit dans l’économie. Le point est brièvement abordé dans le rapport, mais “peut-être qu’il nécessiterait d’être traité indépendamment”, reconnaît Laure Lavorel. Reste que le rapport n’est qu’un rapport. La base est bonne, l’exécution devra suivre. Le Cercle Montesquieu, l’AFJE et Paris Place de Droit se disent prêts à formuler de nouvelles propositions. Et à rester unis sous un drapeau commun. Le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a lancé lundi 18 juillet ses consultations avec citoyens et acteurs du monde judiciaire. Elles devraient servir de base à l’élaboration de la loi de programmation pour la justice, attendue pour l’automne.

Olivia Fuentes

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