Les dernières années ont été riches en événements pour les risk managers : Covid, catastrophes naturelles, cyber-attaques, instabilité politique… Oliver Wild, président de l’Amrae depuis juillet 2020, revient sur l’impressionnant succès des Rencontres à Deauville qui ne faiblit pas après deux années à distance, ainsi que sur les risques auxquels les entreprises sont le plus exposées.

Décideurs. En février 2022, l’Amrae a enfin retrouvé Deauville pour ses Rencontres annuelles. Qu’en retirez-vous ? 

Oliver Wild. Nous avions un défi à relever au regard de la pandémie, qui est toujours là, et de multiples inquiétudes des participants. Nous nous sommes donc assurés de la mise en place d’un protocole sanitaire adapté et étions prêts à différents scénarios d’évolution de la situation. Nous étions déjà ravis de pouvoir organiser cet événement en présentiel, et le lieu (CID de Deauville) se prête bien aux restrictions sanitaires. Nous avons travaillé d’arrache-pied pour que les risk managers et les partenaires se sentent en confiance. Tout le monde avait très envie de se retrouver après deux ans sans ces rencontres. Les risk managers voulaient échanger sur leurs expériences et les partenaires renouer les liens avec le milieu, la période étant difficile pour les assurances. Aux dires de tous, ce fut une réussite, et nous nous en félicitons bien sûr ! 

"Prenons les risques d’un nouvel élan" était le slogan de cette nouvelle édition. Pourquoi avoir choisi ce thème ?

L’esprit des Rencontres est de renouer le dialogue, et non de ressasser le passé. Comment aller de l’avant ? C’est ça le "nouvel élan" : ne plus parler du Covid, s’ouvrir à des sujets plus larges, identifier les enjeux de demain et savoir comment les aborder au mieux… Toujours en donnant une grande part à l’innovation. 

Depuis trois ans, le fil conducteur est de bâtir de nouveaux modèles lorsque cela est opportun, les anciens classiques ne fonctionnant pas forcément. Il s’agit de dire haut et fort que le risque n’est pas un gros mot. Il faut prendre des risques pour avancer : pour l’innovation, la jeunesse, les nouveaux modèles d’affaires… Il y a toujours une part de risque. Il faut en prendre, mais de façon maîtrisée bien entendu, d’où l’intérêt du risk management. C’est d’autant plus important quand on travaille sur les enjeux climatiques et que l’on doit aller vers des solutions plus durables.

Quel bilan dresser de ces deux dernières années de pandémie en matière de risques ?

La pandémie fait partie de ces crises majeures qui touchent tout l’écosystème planétaire. Elle a été un "crash test" pour les risk managers et leur a permis de démontrer l’utilité de leur fonction, certaines entreprises n’en étant auparavant malheureusement pas convaincues. La crise sanitaire a forcé les sociétés à mettre en place des dispositifs particuliers pour gérer par exemple la supply chain et le travail à distance, assurer la continuité de l’activité et la sécurité des collaborateurs… Autant de dispositions qui ont porté leurs fruits et qui sont nées d’une bonne identification des risques et de leur bonne gestion. Selon moi, la crise sanitaire a été plutôt bien gérée et a mis en lumière la valeur ajoutée du risk management. Elle a permis de prendre conscience du fait qu’il est important d’identifier en amont les risques qui peuvent survenir au moment d’une crise, et ce, afin de bien la gérer. Il faut toujours un plan de continuité d’activité et de redémarrage.

La crise du Covid-19 a permis à la gestion des risques d’innover. Au sein de l’Amrae, nous avons partagé de nouveaux outils dont certains ont été développés en amont de la pandémie et d’autres pendant, par exemple un outil d’analyse et de suivi quasiment plus perfectionné que ce qu’avait le gouvernement ! C’est incroyable de voir la rapidité avec laquelle la communauté du risk management a su s’adapter.

"La crise du Covid-19 a permis à la gestion des risques d’innover"

Et quid de l’assurance ?

On ne peut plus seulement s’appuyer sur l’assurance… Et cela légitime encore plus le risk manager dans le sens où il faut parfois apprendre à voler sans filet de sécurité. Pendant la crise, l’assurance n’a, en effet, pas pu répondre à toutes les demandes, notamment concernant les pertes d’exploitation sans dommage. Je pense que cela a aussi changé la manière d’appréhender l’avenir. Le marché de l’assurance avait commencé à se tendre avant la crise, certains assureurs se retirant de certains risques.

Les entreprises et les risk managers sont plutôt résilients : ils ont rapidement préparé d’autres solutions que l’assurance, comme le fait d’avoir recours à des dispositifs d’autoassurance. Cela demande d’avoir une compréhension très fine de ses risques. Cela permettrait à l’assurance de sécuriser son marché grâce au partage plus fin des risques. L'occasion pour les assureurs de se pencher sur tout le travail d’analyse des risques qui a été fait par les entreprises pour mettre en place tous les dispositifs permettant de mieux les maîtriser. Autrement dit, entreprises et assureurs doivent s’asseoir autour de la table pour créer un vrai produit d’assurance répondant aux besoins des entreprises.

L’année dernière, nous avions pas mal parlé des captives d’assurance. Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Le calendrier de la réforme du cadre fiscal des captives d’assurance a été quelque peu bousculé. Bercy a finalement décidé de notifier Bruxelles de ses intentions avant de présenter la mesure définitive au Parlement français dans le projet de loi de finances pour 2023. C’est une bonne idée puisque cela porte le sujet directement sur le plan européen, ce que n’ont pas fait le Luxembourg et l’Irlande. Nous devrions avoir assez rapidement les retours de la Commission européenne, ce qui permettrait d’avoir tous les dispositifs prêts pour les renouvellements du 1er janvier 2023.

Le système sera d’autant plus robuste ensuite, et ne pourra être critiqué pour des considérations de concurrence. Mais il n’y a pas de raison que le sujet n’avance pas en 2022 puisqu’il y a déjà un alignement sur le sujet entre Bercy, Matignon et l’Élysée.

"La guerre en Ukraine renforcera l’analyse du risque pays par les entreprises"

Il est également important de noter qu’historiquement une captive est perçue comme un outil fiscal. L’Amrae a oeuvré pour expliquer que cela était avant tout un outil de risk management. Il peut s’agir d’un avantage fiscal, mais ceci n’est alors que le fait d’une mécanique financière. Les assureurs devraient être satisfaits de la mise en place de captives par les entreprises puisque cela signifie que ces dernières portent elles-mêmes leurs risques, qu’elles en ont donc une maîtrise certaine. Cela permet aussi aux assureurs de construire avec leurs partenaires une offre assurantielle adaptée.

Ce nouveau partage de risques est évoqué à l’Amrae depuis maintenant plusieurs années. La captive met également en place un cercle vertueux : "Si je porte moi-même mon risque, je vais investir pour le maîtriser." Je ne m’imagine pas les mécanismes assurantiels de demain sans intégration d’une partie d’autoassurance, dont la captive. Mais il va falloir ouvrir ce type de dispositif à l’ensemble des entreprises, quelle que soit leur taille.

En matière de risques, que faut-il craindre de la guerre en Ukraine ? Quels points d’attention ? Le risque géopolitique revient ainsi sur le devant de la scène…

L’Amrae s’est penchée très rapidement sur le sujet pour partager des informations et analyser les conséquences du conflit entre la Russie et l’Ukraine. La situation évolue néanmoins tous les jours. Nous avons ainsi déjà organisé quatre webinaires à destination de nos adhérents pour leur donner des clés de lecture de la situation et de leurs polices d’assurance s’ils ont une activité dans la région, mais aussi des outils et des réflexes à avoir, même s’il demeure une grande partie d’inconnue.

La situation éveille forcément les esprits sur le risque politique et géopolitique et permet aux entreprises de faire le point sur leurs activités dans la région. Les risk managers sont étroitement impliqués car cette crise peut entraîner des conséquences majeures sur la supply chain. Des tensions sociales risquent également d’apparaître dans les pays les plus touchés, par exemple, par l’arrêt des exportations de blé d’Ukraine, pouvant entraîner des émeutes de la faim et la flambée des prix alimentaires. Il y a enfin le risque d’un effet domino important. La guerre en Ukraine aura des conséquences économiques majeures, avec les problèmes d’inflation, de solvabilité ...

"L’approche du simple abandon d’une activité polluante ne fonctionne pas"

Je pense que cette crise renforcera l’analyse du risque pays par les entreprises. À l’Amrae, nous allons du reste redynamiser notre commission risque pays. 

Au regard entre autres du rapport du Giec et des événements climatiques de grande ampleur qui ne cessent de s’accélérer et de s’intensifier, le risque climatique est au coeur des discussions. Comment appréhendez-vous ce risque ?

Les entreprises sont déjà bien sensibilisées au risque climatique. Mais ce dernier produit des effets qui vont bien au-delà de l’aspect environnemental. Il bouleverse notre façon de travailler et de vivre en société. Il aura un impact significatif sur les approvisionnements, les ressources et entraînera des exodes de populations. Il est donc important de repenser les choses en amont.

Le risk manager a donc un travail important d’accompagnement des entreprises dans cette transition climatique. Mais comment faire et identifier les impacts de ce dérèglement ? La réflexion va au-delà des portes de l’entreprise car il s’agit d’un risque systémique et global. Il faut prendre en compte l’impact territorial de son activité et l’environnement dans lequel on évolue. La compréhension responsable de l’organisation, en lien avec l’ensemble de ses parties prenantes, devient pour elle un enjeu clé. Il n’est pas possible de renverser le réchauffement climatique, et les conséquences à court et moyen termes sont inévitables. Le risk manager doit donc s’atteler à identifier les risques, leurs impacts, et l’exposition de l’entreprise à ces derniers. Il est essentiel de déterminer où investir pour protéger ses actifs et ses collaborateurs et pour résister à ces stress et ces chocs, mais également de travailler sur la prévention et la résilience à l’échelle du territoire. C’est pour cela que tous les acteurs doivent s’entendre.

Il ne faut donc pas rater la transition écologique et ne pas emprunter de raccourcis sur le court terme. Mener dès maintenant une réflexion sur son activité, savoir si elle a un impact sur le dérèglement climatique et comment on peut y remédier : changer son activité, revoir ses sources de production d’énergie, réduire ses émissions de CO2 et son impact sur la biodiversité en sont des exemples. Il est donc fondamental de travailler tant sur la réduction de ses émissions que sur l’absorption du CO2. Il est impératif d’adapter rapidement son modèle d’affaires. À noter que l’approche du simple abandon d’une activité polluante ne fonctionne pas, il est préférable de trouver d’autres solutions car, à défaut, il y aura toujours un acteur pour reprendre la mauvaise industrie et la pérenniser… Même si la transition écologique prendra du temps, il nous faut, dès aujourd’hui, considérer une démarche de rupture, s’inscrire dans le cadre d’un véritable bouleversement.

Propos reccueillis par Margaux Savarit-Cornali

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