Oui, l’État est bel et bien adepte du "quoi qu’il en coûte". Mais les prêts qu’il a garantis s’arrêteront bien un jour. Avec à la clé une hausse inévitable des faillites. Alors, comment faire face ? En remodelant en profondeur le droit des procédures collectives estime le député LREM Romain Grau qui dévoile ses propositions en exclusivité.

"Jusqu’à présent, toutes les réformes du droit des procédures collectives ont été adoptées en réaction à une crise, explique Romain Grau, faisant référence à la loi de janvier 1985 adoptée à la suite de l’effondrement de l’industrie, à la réforme de 1994 post-Guerre du Golfe, à celle de 2005 après l’éclatement de la bulle internet ou encore à la loi de 2014 en réaction aux subprimes. Cette fois, il s’agit d’anticiper." Pour cela, le député des Pyrénées orientales a été désigné en janvier dernier pour présider la mission d’information commune sur les entreprises en difficulté du fait de la crise. Les auditions ne sont pas closes mais, d’ores et déjà, il est possible de dégager les grandes lignes de sa réforme des procédures collectives qu’il veut éloigner de toute discussion partisane.

Parce qu’il y a urgence. "Avec les PGE, on a sauvé les entreprises de l’effondrement et de l’implosion, constate l’ancien PDG d’une industrie du sud-ouest de la France, New EAS. On le voit, le nombre de procédures collectives a été freiné en 2020, environ 20 000 de moins qu’en temps normal. Il faut donc se préparer à une vague dans les prochains mois." Pour cela, rien de mieux que d’utiliser le droit comme un outil au service de l’économie. À partir de l’automne, les aides d’État vont diminuer et le chômage partiel va progressivement être réduit. Il faut prévoir le pire. Le créneau d’action de la mission dirigée par Romain Grau s’étale sur le reste de l’année. Tout d’abord, la transposition de la directive du 20 juin 2019 dite "restructuration et insolvabilité" avant le 17 juillet prochain, incluant la réforme des sûretés. Ensuite, des améliorations pourront être apportées par ordonnance. Enfin, l’évolution du statut des indépendants sera l’occasion d’affiner le texte.

La procédure collective est une thérapie

Concrètement, la réforme ne va pas révolutionner la philosophie du droit français des procédures collectives : "Il n’est pas question de basculer vers un chapter 11 du droit américain qui place en tête de gondole la reprise de l’entreprise par les créanciers, précise d’emblée l’ancien avocat en tax et restructurting. Nos économies sont trop différentes : aux États-Unis, quand on perd un job, on déménage avec toute sa famille pour en trouver un autre. En France, le salarié lorrain au chômage ne va pas changer de région." Le droit français doit rester structuré autour du triptyque débiteur-créanciers-salariés. Comment le rendre plus efficace ? Chacune des quatre phases du traitement des difficultés des entreprises sera amendée : la détection, la procédure amiable, la cessation des paiements et la recherche d’une reprise.

Afin de mieux repérer le danger, l’important est de réagir à la première alerte. Un dispositif comme Signaux faibles – même si d’autres existent – devrait être plus utilisé pour mettre en lien l’ensemble des services de l’État susceptibles d’être informés d’une difficulté : Urssaf, administration fiscale, greffiers des tribunaux de commerce, Banque de France… Un interlocuteur unique doit être identifié, des outils d’auto-diagnostic fournis à l’entrepreneur, au dirigeant de TPE ou PME. Les mieux placés pour occuper ce rôle sont les experts-comptables, qu’il faut convaincre et former. "Le tribunal de commerce n’est pas le couloir de la mort mais une clinique et la procédure collective est une thérapie. Plus la maladie sera prise en charge tôt, mieux ce sera."

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Le député des Pyrénées orientales Romain Grau a été avocat en droit fiscal et restructuring. Il a aussi repris et dirigé une entreprise industrielle de sa région.

La phase de la procédure amiable mérite de gagner en importance : 70 % des entreprises sont sauvées lors de cette étape confidentielle alors que 70 % des procédures collectives aboutissent à une liquidation. En réalité, la phase de règlement amiable est particulièrement utilisée par les grandes entreprises très bien conseillées alors qu’elle est délaissée par les PME, qui en ignorent souvent l’existence. Ces dernières doivent avoir accès à cet outil, notamment via leur expert-comptable. Le rapport rédigé par Georges Richelme, l’ancien président de la Conférence générale des juges consulaires de France, proposait déjà en février dernier la création d’une plateforme d’information.

Durant la phase de cessation des paiements, Romain Grau aimerait introduire plusieurs améliorations pour prendre en compte la réalité du terrain. Par exemple, le renforcement de la sécurité du chef d’entreprise grâce à l’opposabilité de l’insolvabilité et à l’accélération des délais des procédures. Mais aussi la création d’une procédure "flash" pour les PME ne détenant que peu d’actifs. "Sauver une entreprise, c’est souvent une question de temps", juge celui qui a repris la société de maintenance aéronautique en liquidation judiciaire, EAS Industries, en 2014, sauvant ainsi 250 emplois.

Le patron est un des piliers de l’optimisme

Enfin, le député souhaite améliorer le dispositif d’incitation à la reprise de l’entreprise : "Le Code général des impôts prévoir l’exonération des impôts durant deux ans. Mais quelle entreprise en faillite fait des bénéfices les deux premières années après sa reprise ? Il faut trouver autre chose", livre Romain Grau, qui constate que la France ne compte que peu de rachats d’entreprises en difficulté en raison des délais trop longs. Le député plaide pour une économie du retournement d’entreprises incluant l’allègement des contraintes administratives, juridiques et fiscales.

Pour ce réformiste, "le patron, qui est un des piliers de l’optimisme, ne doit plus être montré du doigt après un échec. Comme aux États-Unis, considérons l’échec comme formateur", estime Romain Grau, pour lequel l’action en comblement de passif, qui concerne environ 300 dirigeants par an, est beaucoup trop sévère. "C’est la seule infraction imprescriptible avec le crime contre l’humanité !", s’insurge-t-il. La mission, qui a déjà consulté plus de 120 personnes, dont trois ministres (de la Justice, des PME et de l’Industrie), devrait rendre son rapport mi-juillet.

Pascale D'Amore

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