C’est l’événement du début de l’année chez les avocats. Les deux cabinets français qui fusionnent vont donner naissance à une structure de plus de cent-soixante professionnels : LPA CGR. Une opération courageuse, encore rare sur le marché français.

C’est en s’inspirant de ses clients que LPA pensait à réaliser une opération de croissance d’ampleur : « J’appelle mes confrères à regarder l’évolution des entreprises qu’ils conseillent et à les imiter ! » Le message de Philippe Pelletier est clair : LPA CGR ne craint pas la concurrence et les avocats français doivent évoluer pour compter face aux anglo-saxons. Mieux structurés, les français seront plus forts. « C’est souvent en raison de la difficulté de l’exercice que les cabinets d’avocats ne font pas évoluer leur mode de gouvernance », insiste Olivier Ortega, cogérant de LPA. « Le marché accueille environ trente nouveaux cabinets d’avocats d’affaires par an. Il fallait que nous nous singularisions », explique Philippe Raybaud.

Le constat est par ailleurs honnête. « La démarche prospective fait parfois défaut chez les avocats français. Il n’y a pas suffisamment de vision d’avenir, seulement l’exercice au quotidien », ajoute Philippe Pelletier. Chez LPA au contraire, voilà des années que les associés réfléchissent ensemble à la meilleure manière de faire évoluer leur structure, sans rien se refuser. Le cabinet s’y est d’ailleurs déjà essayé en devenant LPA après la fusion de Lefèvre & Associés et Pelletier Dugueyt Vaissié & Associés en 1993.

 

La solution la plus brutale

De ses séminaires annuels de réflexion entre associés, LPA retient que la facturation au temps passé ne convient plus à leurs clients qui réclament un effort d’adaptation aux outils numériques et un partage rapide de l’information. Rien de révolutionnaire. Sauf que cela demande des investissements et des évolutions, pas si facile dans une structure d’une centaine de professionnels. La solution la plus tranchante est parfois la plus efficace, et comme « cela faisait plusieurs années que LPA cherchait un partenaire avec lequel fusionner », cela ne fut pas long à se réaliser une fois celui-ci trouvé. D’autant plus que le cabinet français apprend des expériences de ses partenaires étrangers du réseau Broadlaw, notamment de la croissance par absorption de Nabarro.

Et même dans un laps de temps record. Quelques semaines de discussions, quelques jours de réalisation et une annonce aux équipes pour les vœux, quasi simultanément avec celle à la presse début janvier.

 

Une fusion, pas une absorption

Bientôt, les deux cabinets seront réunis dans la pratique. Mais dans l’attente du déménagement, les avocats se débrouillent pour se rencontrer, se connaître, s’apprécier et collaborer. « Mis à part la difficulté de rassembler au même endroit autant de personnes, tout était facile », se félicite Philippe Raybaud, qui a dirigé l’opération côté CGR. « Tous les développements que nous souhaitions réaliser petit à petit nous sont offerts sur un plateau : des expertises en M&A et droit fiscal, une identité plus forte, une plate-forme internationale et une vraie visibilité sur notre marché de l’énergie et des infrastructures. » La boutique, qui ne pensait pas nécessairement réaliser une opération de cette taille, ne fait pas la fine bouche face à une telle proposition. Elle n’y perd d’ailleurs pas son identité puisque son nom est accolé à celui de LPA, et les dirigeants réfutent même le terme d’absorption. « C’est contraire à l’opération que nous réalisons, explique Olivier Ortega. Faire perdre à l’équipe de CGR le caractère et l’identité qu’elle a réussi à forger pendant toutes ces années serait une folle destruction de valeur. »

 

« Entre le cœur et la raison, nous n’avons pas eu à choisir »,

Olivier Ortega

 

Cheval de Troie

Dans la pratique, une gouvernance commune est mise en place, les départements sont réunis et les références sont croisées. Quelques conflits commerciaux ont été réglés, « de l’ordre du détail », précise Philippe Pelletier. Les deux cabinets ne se marchent pas sur les pieds. LPA est un cabinet fondé sur le droit immobilier et le droit fiscal qui a vu ses practices se multiplier avec l’expérience : droit social, corporate M&A, concurrence, etc. CGR Legal est de son côté une équipe de spécialistes positionnée sur un secteur : les énergies. Les expertises sont multiples (droit public, fiscal, fusions-acquisitions, droit de l’urbanisme, de la construction et de l’environnement, etc.) et toutes sont tournées vers l’accompagnement des acteurs de l’énergie. Si les clients sont parfois les mêmes, les dossiers sont distincts. Pour s’en convaincre, CGR Legal a pu observer l’activité de François-Régis Fabre-Falret, avocat spécialisé en droit immobilier parti chez LPA en juillet 2015. « Son départ, motivé par sa difficulté à développer son activité dans une structure sectorisée, était un coup dur transformé en opportunité, se souvient Philippe Raybaud. Il a pu nous confirmer depuis l’intérieur de LPA que nos méthodes de travail étaient similaires, nos activités complémentaires et que nous étions faits pour nous entendre. » Un associé envoyé comme cheval de Troie…

À présent que la fusion est réalisée, vérification est faite. Les associés ont la même perception du métier d’avocat. Cette même vision s’explique notamment par l’appartenance à une même génération avec une moyenne d’âge de 46 ans parmi les associés de CGR et 49 chez LPA.

 

Rajeunir l’image de LPA

C’est là que réside pour LPA un autre atout dans sa fusion avec CGR Legal : rajeunir l’image du cabinet. « LPA est parfois perçu comme un cabinet bien installé et donc frileux, mais c’est faux », insiste Olivier Ortega. La preuve avec cette fusion. Une opération immédiatement intégrée par les jeunes avocats avides de nouveauté. « La fusion rend encore plus attractif notre cabinet qui est positionné comme un cabinet full service de grande taille avec une clientèle internationale et de poids, des bureaux étrangers qui nous distinguent. Nous offrons une alternative originale et pertinente aux cabinets anglo-saxons. Et nous nous activons beaucoup pour rafraîchir notre image », estime Sidonie Fraiche-Dupeyrat, avocate cooptée associée il y a deux ans. La démarche chez CRG Legal pour mettre en avant les talents est similaire, avec des nominations internes régulières. L’associée Hélène Gelas confirme cette similitude de fonctionnement : « Mon parcours est proche de celui de Sidonie, que je ne connaissais pas avant la fusion. La collaboration entre nos deux cabinets est déjà très facile puisque nous avons la même vision de la profession d’avocat, impliqué dans la vie et l’évolution de ses clients. »

 

Dernier-né des grands cabinets français

Ensemble, LPA et CGR souhaitent faire évoluer leur métier, trouver de nouveaux débouchés pour les jeunes avocats et faire vivre un cabinet entrepreneurial. Philippe Lefèvre a montré la voie en se retirant de l’association il y a deux ans. « Pas de drame, pas de sujet de parts sociales puisque le cabinet est dépatrimonialisé », explique le cofondateur. Une donnée clé qui permet aux cent soixante professionnels, sereins pour leur avenir dans la nouvelle structure, de regarder vers l’international. Parfois même de s’y rendre ou d’y exercer, puisque la firme bénéficie de six bureaux étrangers (Alger, Casablanca, Munich, Shanghai, Hongkong et Tokyo). Des ramifications qui faciliteront la tâche des avocats de CGR dont l’ambition est de se développer en Afrique et au Moyen-Orient.

Maintenant, LPA CGR accède à tout un ensemble de choses impossibles pour un petit cabinet : attirer plus facilement des talents, maintenir un niveau élevé d’internationalisation, offrir aux collaborateurs des opportunités de détachement, financer des investissements dans le digital ou à l’international sans oublier de diversifier les talents. C’est comme si les portes du marché mondial s’ouvraient au dernier-né des grands cabinets français. « Entre le cœur et la raison, nous n’avons pas eu à choisir », conclut Olivier Ortega.

 

Pascale D'Amore

 

Photos : Olivier Ortega, Philippe Pelletier et Philippe Raybaud

Crédit :  Pascale D'Amore

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