Par Cyprien Pialoux et Charlotte Michaud, avocats associés. Flichy Grangé Avocats
La loi sur la sécurisation de l’emploi a introduit, pour nombre des prérogatives consultatives du comité d’entreprise, le principe d’un encadrement des délais de consultation par accord et, à défaut, par décret. Si ce dernier tend à plus de sécurisation, la mise en œuvre pratique des nouveaux moyens de cadrage permettra d’en mesurer tant les atouts que les faiblesses.


Quel praticien n’a jamais été confronté à l’épreuve épineuse de l’insertion de la procédure de consultation du comité d’entreprise dans le calendrier d’opérations de réorganisation ? à l’incertitude pesant sur la date d’obtention de l’avis du comité qui doit nécessairement précéder le «?signing?» ? Dans une perspective de prévisibilité et de sécurisation, la loi sur la sécurisation de l’emploi du 14?juin 2013 et son décret d’application (1) changent les règles et encadrent les délais de consultation. Le champ d’application du nouveau dispositif est très large et s’ouvre à la grande majorité des consultations qui sont au cœur de la compétence du comité d’entreprise. Ainsi en est-il des projets intéressant l’organisation ou la marche générale de l’entreprise, de la nouvelle consultation sur les orientations stratégiques (2) ou celle sur l’utilisation du crédit d’impôt compétitivité emploi (3).
L’esprit des textes (4) est de confier aux parties le soin d’organiser le déroulement de la procédure. Il pose le principe de fixer par voie d’accord la durée de la consultation. Ce n’est qu’à défaut d’accord, que les durées réglementaires s’appliquent.

Quelle forme doit prendre l’accord sur les délais ?
Il s’agit d’un accord entre l’employeur et les membres du comité d’entreprise (CE). Un accord avec les organisations syndicales est exclu (5). Cet accord doit être signé par la majorité des élus titulaires présents, conformément aux règles applicables aux résolutions, précise l'administration (6). Il n’est a priori pas interdit de déterminer à l’avance l’organisation des différentes prérogatives consultatives du CE. Une telle démarche pourrait être envisageable pour des consultations récurrentes. On pourrait imaginer un accord-cadre suivant la forme du règlement intérieur du CE qui prévoit des délais uniformes ou non en fonction des thèmes abordés. Pour ce qui est des consultations ponctuelles par exemple en matière de fusion ou de cession, l’exercice de prédétermination trouverait rapidement ses limites tant la durée de ces consultations est irrémédiablement liée à l’ampleur et la technicité du projet. En pratique, le cadrage temporel du processus de ce type de consultation devrait être discuté au cas par cas par les parties, au début de la procédure, dans le respect du principe de l’effet utile de la consultation, «?en fonction de la nature et de l’importance des questions soumises?» (7) au CE. Ajoutons que l’éventuelle consultation du CHSCT pourrait perturber le cadre fixé, celui-ci n’étant pas lié par l’accord conclu avec le CE et devant, selon la jurisprudence (8), être consulté préalablement ce dernier.
Quant à la durée même des délais, l’accord peut prévoir des délais plus courts que ceux fixés par décret, mais aussi plus longs – bien que cela soit moins probable en pratique. Dès lors que le CE estimerait qu’il a disposé d’un délai et d’éléments suffisants pour se prononcer utilement, on ne voit pas ce qui pourrait contrarier l’expression de son avis dans un délai inférieur à 15 jours. La circulaire indique toutefois que l’accord ne peut pas prévoir que le CE est «?réputé?» s’être prononcé en ayant donné un avis défavorable dans un délai inférieur à 15 jours.

Comment s’écoule le temps réglementaire de consultation ?
À défaut d’accord entre les parties, le décret précise les conditions dans lesquelles intervient l’encadrement des délais de consultation. Les délais réglementaires (9) varient non pas en fonction de l’objet de la consultation mais de sa densité : un mois est le délai standard, porté à 2 mois en cas d’expertise – quelle que soit la nature de celle-ci comptable (10), technique (11) ou libre (12), souligne l’avant-projet de circulaire. Expertise ou pas, en cas de saisine du CHSCT, le délai est de 3 mois. 4 mois en cas de mise en place d’une instance de coordination des CHSCT (13). Rassurons-nous ces délais ne se cumulent pas. Ils s’entendent comme des délais préfixes et ne sont susceptibles ni de suspension, ni d’interruption. La loi entend également que les actions en référé s’inscrivent dans ces délais, en laissant 8 jours au juge pour statuer (14). Les possibilités de prolonger ces délais sembleraient a priori très réduites et se concentrer au cas «?des difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires?» constatées par le juge.
Encore faut-il s’entendre sur le point de départ ? «?à compter de la communication par l’employeur des informations prévues par le code du travail (…) ou de l’information par l’employeur de leur mise à disposition dans la base de données?» indique le nouvel article R.2323-1. Cette approche bien subtile ne manquera pas, en cas de consultation conflictuelle, de faire naître quelques débats. Elle pourrait emporter le risque d’allonger en pratique les délais, si la remise d’informations – et leur actualisation – n’est pas correctement gérée et anticipée par l’employeur.
L’enjeu est essentiel. Passé les délais, le CE «?est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif?» et l’entreprise peut aller de l’avant.
Nul doute que ces nouvelles règles vont substantiellement modifier les modalités de consultation du CE. Si l’existence de délais fixes de consultation est gage de plus de prévisibilité et de sécurité, la séquence choisie d’un à quatre mois n’apparaît pas immédiatement comme étant la plus adaptée à la réalité des procédures de consultation. On pense par exemple aux délais constatés dans la pratique en cas de consultation sur un projet de licenciement pour motif économique de moins de 10 salariés qui s’étendent sur moins d’un mois. Dans le cadre du nouveau dispositif législatif, à défaut de délai conventionnel, cette procédure pourrait s’étendre jusqu’à 3 mois en cas de consultation du CHSCT. On voit aussi l'avantage pour les chefs d’entreprise de s’entendre sur des délais conventionnels. Autrement, on pourrait craindre que ces nouvelles dispositions allongent les délais de consultation constatés en pratique, le délai maximal pouvant devenir un délai de référence revendiqué par les représentants du personnel.

1 Décret n°2013-1305 du 27 déc. 2013
2 C. trav. art. L.2323-7-1
3 C. trav. art. L.2323-26-1
4 C. trav. art. L.2323-3
5 Hors l’hypothèse des grands licenciements;
C. trav. art. L.1223-21et svt
6 Circ. DGT. du 18 mars 2014
7 C. trav. art. L.2323-3
8 Cass. soc. 4 juillet 2012, n°11-19.678
9 C. trav. art. R.2323-1 et svt
10 C. trav. art. L.2325-35 I
11 C. trav. art. L.2325-38
12 C. trav. art. L.2325-41
13 C. trav. art. L.4616-1
14 C. trav. art.L.2323-4






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