L’approche novatrice de pharmaco-carbonomie permet d’estimer le potentiel de décarbonation d’une intervention de santé. Elle permet de mesurer l’impact en termes d’émissions carbone d’une intervention, remettant en perspective les émissions générées pour produire le médicament, avec l’empreinte carbone évitée le long du parcours de soin du patient. Ce type d’étude ouvre une nouvelle voie pour évaluer l’efficience carbone des interventions de santé.

 Si le secteur de la santé est moins sous le feu des projecteurs que d’autres industries plus polluantes, son empreinte carbone est équivalente à environ 8 % des émissions de la France avec près de 49 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (CO2e) par an (source: Shift Project). À l’échelle mondiale, si le secteur de la santé était un pays, il figurerait parmi les cinq premiers émetteurs de la planète. Réduire les émissions associées à la délivrance des soins devient un impératif pour atteindre la neutralité carbone. Aujourd’hui, près de 75 pays se sont engagés à converger vers des systèmes de santé bas carbone via ATACH (Alliance for Transformative Action on Climate and Health) sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé.

Si une part significative des émissions provient de la production de médicaments et dispositifs médicaux, la majeure partie des émissions sont directement liées aux choix en termes de délivrance des soins, ce qui souligne l’importance de penser la décarbonation du système de santé dans son ensemble. C’est ce qui invite certaines nations, comme la France ou le Royaume-Uni via le National Health Service (NHS), à repenser la délivrance des soins en comparant les différentes interventions possibles à la lumière de leur efficience carbone. 
Pour mesurer l’efficience carbone d’une intervention, une méthodologie mise au point par CVA existe désormais : la pharmaco-carbonomie (ou health carbonomics ®). Cette approche novatrice estime sur la base de l’utilisation de ressources de santé l’impact en termes de gaz à effets de serre (GES) d’une intervention donnée.

Si le secteur de la santé était un pays, il figurerait parmi les 5 premiers émetteurs de la planète 

Pour un médicament, l’approche peut reposer sur les résultats d’un modèle de pharmaco-économie, et extrapoler les résultats en termes d’empreinte carbone le
long du parcours de soins, grâce à des facteurs d’émissions spécifiques au système de santé. In fine, l’analyse permet de comparer l’impact carbone incrémental d’une intervention pharmaceutique par rapport à une autre.

Concrètement, le parcours de soins du patient est cartographié, couvrant à la fois la prise du médicament mais aussi le parcours pour soigner la maladie (Illustration ci-dessous). Si une innovation simplifie le parcours patient avec, par exemple, une moindre fréquence d’injections, la moindre utilisation de soins et la réduction du nombre de trajets sera prise en compte dans le calcul de l’empreinte carbone. De la même manière, si un traitement innovant a un bénéfice thérapeutique important qui se traduit par une réduction significative du fardeau de la maladie et donc l’utilisation de soins, par exemple, des séjours à l’hôpital, les émissions de GES évitées seront estimées. Le fardeau de la maladie évitée est en général traduit en termes de consultations chez le médecin généraliste, de passages aux urgences, de séjours à l’hôpital ou en unité de soins intensifs. Ces événements sont ensuite multipliés par des facteurs d’émission de GES unitaires pour obtenir les émissions de GES évitées.

Selon des études pilotes menées sur différentes aires thérapeutiques, ce sont les interventions apportant le bénéfice clinique le plus important qui ont à leur tour des externalités positives pour l’environnement.

La pharmaco-carbonomie remet en perspective l’empreinte du médicament avec ses bénéfices pour le système de santé 

À ce titre, les campagnes de prévention vaccinales contre des maladies à forte incidence et sévérité prononcée comme la grippe ou la bronchiolite permettent d’éviter une quantité significative de GES. De plus, cette nouvelle perspective environnementale permet de mettre en valeur les innovations qui simplifient le parcours patient pour la prise du médicament ou du traitement. Il en résulte que l’automédication, qui ne nécessite pas de passer chez le médecin généraliste, a ainsi un impact non négligeable sur l’empreinte carbone du système de santé. 

Les travaux scientifiques existant dans ce domaine demeurent limités, tout comme les données de facteurs d’émissions pour effectuer ce type d’analyse. Néanmoins, l’écosystème évalue rapidement, avec des projets de prise en compte de l’empreinte carbone du médicament. L’approche de pharmaco-carbonomie va un cran plus loin en estimant l’impact du médicament sur le parcours de soins, et pourrait in fine venir en complément du traditionnel dossier pour obtenir une recommandation et un remboursement. Une fois que les autorités de santé auront à disposition ce type de données, elles seront réellement en mesure d’effectuer des arbitrages d’investissement pour décarboner de la manière la plus efficiente le système de santé.

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Le mot de la fin
L’approche novatrice de pharmaco-carbonomie permet de mesurer les émissions de GES évitées d’une intervention de santé en estimant son impact sur le parcours de soins. Il en ressort que certains traitements innovants simplifiant le parcours de soins, la prévention vaccinale ou encore l’automédication peuvent apporter des avantages environnementaux aux systèmes de santé en plus de leurs bénéfices de santé publique. Dans le cadre des efforts de décarbonation des systèmes de santé, les bénéfices environnementaux de traitements innovants pourraient être considérés, en plus d’évaluer leurs bénéfices cliniques et leur profil pharmaco-économique.

 

SUR L’AUTEUR
Thierry Rigoine de Fougerolles est associate partner au sein du bureau de Corporate Value Associates à Paris, une boutique de conseil en stratégie à l’envergure mondiale. Il est diplômé d’un Master en Management d’HEC-Paris.
Il est l’un des piliers de la plateforme ’New Healthcare Systems’ qui a connu une croissance rapide ces dernières années, avec plus de 100 projets réalisés dans plus de 50 pays. L’équipe a une expertise inégalée dans le milieu du vaccin, et couvre d’autres aires thérapeutiques (immunologie, maladies rares, maladies chroniques,
OTC, etc.), restant constamment à l’avant-garde des enjeux de l’industrie pharmaceutique. Il est également responsable RSE pour CVA au niveau Européen et chapeaute le comité de développement durable de CVA. C’est aussi à ce titre qu’il a développé la méthodologie Health carbonomics ® [pharmacocarbonomie en français, ndlr] et soutient les initiatives ayant un impact sociétal positif à travers des missions pro bono conduites dans le cadre de la RSE de CVA

 

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