Retour de Jean-Christophe Rufin, traduction d’un classique de la littérature américaine, livre de photo ô combien surprenant et coulisses de l’Assemblée nationale. Voici nos quatre coups de cœur du mois.

Sultan à la place du sultan

Doretdejungle

Malgré leur puissance financière et technologique, les Gafam sont soumis à certaines règles fiscales et éthiques. Pour être véritablement tout-puissant, la seule solution est de prendre le contrôle d’un État. Dans son dernier roman, l’académicien Jean-Christophe Rufin imagine qu’un certain Marvin Glowic (que l’on devine sans peine être le patron de Google) passe à l’action. Il mandate une mystérieuse société privée pour renverser le régime islamique du Sultan de Brunei et le remplacer par un gouvernement à sa botte. Une équipe de mercenaires monte peu à peu une machination pour renverser le pouvoir : fake news, agents infiltrés, piratage, campagnes de presse, sabotage… L’auteur nous montre comment une petite minorité bien organisée peut renverser tous les obstacles en restant dans l’ombre. Ici, il s’agit d’un cocktail détonnant d’anciens militaires, de trotskistes en quête de frissons, d’universitaires ou de geeks de la Silicon Valley qui se targuent de « livrer un État clés en main ». Jean-Christophe Rufin utilise sa plume, ses talents de conteur et son passé de diplomate pour nous plonger dans une ambiance faite de jungle, de palais, de salles d’attente d’aéroport, de planques et de personnages étranges dignes d’un James Bond. Une ambiance déroutante, un scénario plus qu’actuel, des personnages hauts en couleur : D’or et de Jungle pourrait sans conteste être adapté au cinéma.

D’or et de jungle, de Jean-Christophe Rufin, Calmann Levy, 443 pages, 22,5 euros

Les flingueurs de l’hémicycle

Wally

Les commentateurs de la vie politique l’assènent avec certitude : l’Assemblée n’a jamais été aussi violente que durant cette législature. Wally Bordas, journaliste parlementaire au Figaro connaît le Palais Bourbon comme sa poche et révèle à coups d’anecdotes et de témoignages une ambiance tendue. Des Insoumis qui « bordélisent », une droite en proie à une guerre intestine, une majorité qui rend les coups, des réseaux sociaux omniprésents… De l’hémicycle aux commissions en passant par la buvette ou la salle des Quatre Colonnes, l’ambiance est explosive. Mais, d’une certaine façon, il n’y a rien de nouveau. S’il analyse le présent, l’auteur nous fait remonter le temps afin de constater que la violence est concomitante à la vie parlementaire : duel à l’épée sous Pompidou, discours antisémite à la tribune durant le Front populaire, propos misogynes et homophobes sous la présidence Chirac… De quoi (presque) relativiser la situation actuelle !

Histoires secrètes de l’Assemblée nationale. Coups de sang, intrigues et jeux de pouvoir, de Wally Bordas, éditions du Rocher, 195 pages, 17,90 euros

Aventure littéraire

Librairie ambulante

C’est un classique américain enfin traduit en français. La librairie ambulante, premier roman de Christopher Morley, est pourtant paru en 1917. Roger Mifflin, vendeur charismatique aguerri, et Helen McGill, paysanne qui n’était jamais sortie de sa ferme, se lancent sur les chemins de la Nouvelle-Angleterre à bord du chariot à livres que la seconde vient d’acquérir auprès du premier. Leur mission ? Aller au contact des citadins mais surtout des fermiers pour démocratiser la lecture. Si l’ouvrage nous immerge dans une autre époque – celles des colporteurs, des chevaux sur les routes, des femmes qui cuisent le pain et des nouvelles que l’on se donne par courrier –, il n’en touche pas moins le lecteur d’aujourd’hui qui peut y voir une ode au voyage, aux libertés que l’on doit savoir prendre dans la vie, aux liens humains, bref à la littérature dans ce qu’elle a de plus joyeux.

La librairie ambulante, de Christopher Morley, Éditions Récamier, 192 pages, 17,90 euros

Mains d’œuvres

Visages

La photographe Hannah Assouline s’est attelée à tirer le portrait en noir et blanc de 150 écrivains et penseurs contemporains à travers leur outil de travail. Page de gauche, cette passionnée de littérature expose leur figure, et page de droite, « leur autre visage » que sont… leurs mains. Ne dit-on pas qu’elles sont le prolongement de la pensée ? Dans la préface de l’ouvrage, le journaliste Jérôme Garcin – qui a accompagné l’artiste sur les routes qui les menaient aux auteurs – écrit : « Certains écrivains, habitués à montrer leurs visages en gros plan sur le plateau d’Apostrophes, hésitaient à exhiber leurs mains, comme s’ils révélaient leur part la plus intime. Comme s’ils craignaient d’être mis à nu et jugeaient indécent d’offrir à l’objectif des ongles rongés, des doigts jaunis par la nicotine, des taches de vieillesse, des alliances ou des absences d’alliances… » Françoise Sagan, Leïla Slimani, Yves Bonnefoy ou Aharon Appelfeld se sont prêtés à l’exercice. Certains ont choisi de croiser leurs mains, d’autres de tenir un stylo, une cigarette ou un livre. Le lecteur découvre détendues, crispées, suspendues voire au travail celles qui tiennent la plume ou manient le clavier brillamment.

Des visages et des mains, 150 portraits d’écrivains, d’Hannah Assouline, Herscher, 320 pages, 27 euros

Lucas Jakubowicz, Olivia Vignaud

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