Le "Vidal", ce gros pavé rouge, véritable bible, qui trônait sur les bureaux de générations de médecins au XXe siècle, n’existe plus. Du moins, sa version papier, puisque l’ouvrage de référence s’est digitalisé. Vincent Bouvier, président de Vidal, présente les perspectives novatrices en matière d’aide à la décision médicale.

Décideurs. Vidal est une entreprise d’origine française créée en 1914. Après un siècle d’existence, quels changements ont marqué le groupe ?

Vincent Vidal. L’ADN de Vidal reste le même. Encore aujourd’hui, notre mission consiste à éclairer les professionnels en matière de choix thérapeutiques. Nous leur proposons de l’information relative aux médicaments, mais aussi les dispositifs médicaux, afin d’en sécuriser les usages. Ainsi, nous contribuons à la qualité des soins fournis aux patients.

Nos supports, en revanche, ont évolué. Le dictionnaire diffusé à l’ensemble des professionnels de santé s’est numérisé à partir des années 90. Depuis 2005, nous proposons des logiciels d’aide à la décision pour une meilleure prescription, administration ou délivrance des produits de soins. Ces solutions, actuellement commercialisées dans plus de 30 pays, principalement en Europe et en Amérique latine, sont intégrées par 250 éditeurs de logiciels médicaux dans le monde.

La responsabilité des  médecins qui se réfèrent à vos supports reste-t-elle engagée ?

Tout à fait. Nos solutions existent pour les accompagner mais les professionnels de santé restent maîtres de leurs décisions thérapeutiques. Ils s’abonnent à nos logiciels ou applications pour améliorer la prise en charge thérapeutique des patients. Ils peuvent également nous signaler des récurrences d’effets.

Grâce à ces retours d’expérience, nous nous intégrons au circuit de la pharmacovigilance en transférant ces remontées à l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé). Si on ne prend pas la décision à la place du médecin, les conseils proposés l’éclairent. Néanmoins, sa responsabilité reste engagée.  

"Nous nous intégrons au circuit de la pharmacovigilance en transférant ces remontées à l’ANSM"

Comment fonctionnent vos outils d’aide au processus décisionnel en médecine  ?

Concrètement, ces logiciels génèrent des alertes ou des recommandations aux professionnels de santé en cas de doute sur la sécurité des traitements. Les données patients, dorénavant sous forme numérique, viennent enrichir l’algorithme de décisions. Pour un patient âgé, diabétique et en insuffisance rénale, par exemple, les logiciels vont proposer des adaptations posologiques plus pertinentes. En 2010, année à laquelle 100% de notre activité est devenue digitale, nous avons introduit des technologies de machine et de deep learning, pour améliorer encore l’aide à la décision.

Nos algorithmes sont des dispositifs médicaux au même titre qu’un pacemaker. Preuve en est du marquage CE de notre dispositif médical logiciel. Pour obtenir ce statut, il faut prouver l’efficacité clinique du dispositif. Charge à nous de rester innovant, de proposer rapidement de nouvelles solutions, tout en ayant un contrôle élevé de fiabilité.

Le groupe dispose de filiales en France, Allemagne et Espagne. Quels sont les défis de cette expansion internationale ?

À partir de ces 3 pays, nous en abordons une trentaine dans le monde. Nous recensons les interactions entre les principes actifs, sans oublier la nature de la pharmacopée disponible dans les pays en question. L’information est cruciale. Le nombre de principes actifs dans une seule seringue, par exemple ? La liste de médicaments dispensés dans tel ou tel hôpital. Pays par pays, nous devons passer au peigne fin et analyser des bases de données relatives à la nature des produits. L’accès à cette information dépend de la maturité des systèmes de santé comme d’information.

Qu’envisagez-vous pour les prochaines années ?

Le marché relatif au processus de décision médicale, que nous appelons "décisionnel médical", est structurellement en croissance dans le monde entier. La technologie, la connaissance en la matière, tout comme la disponibilité des données patients augmentent rapidement. Si nos solutions contribuent au choix d’une stratégie thérapeutique, nous aspirons également à accompagner le professionnel dans sa capacité d'adaptation en temps réel.

"Nous aspirons à accompagner le professionnel dans sa capacité d'adaptation en temps réel"

Tout comme le GPS signale à un conducteur une zone de travaux et propose une autre route à suivre, nous voulons indiquer aux médecins les choix de traitements les plus pertinents en fonction des modifications de l’état des patients. C’est désormais envisageable grâce à toutes les données accumulées au sein des différents systèmes. L’interopérabilité joue un rôle clé pour permettre aux algorithmes de comprendre le contexte du patient à partir de plusieurs systèmes. Il faut bien entendu l’effectuer selon les différences de terminologies médicales, sans oublier le respect du RGPD.

Propos recueillis par Alexandra Bui

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