Selon une récente étude Ifop, les Français craignent la résurgence d’actes antisémites à cause de la situation internationale en Israël et dans la bande de Gaza. Une fraction non négligeable estime que les pouvoirs publics sont impuissants. La gauche n’est plus perçue comme un rempart et se retrouve devancée par le RN. Un changement de taille dans notre histoire politique.

Jeudi 19 octobre, lors d’une rencontre avec des jeunes, Emmanuel Macron n’a pas caché son inquiétude quant à l’impact du conflit israélo-palestinien en France. Il a notamment appelé à "ne pas importer le conflit" et à éviter la "division". La principale crainte des autorités est la hausse des attaques antisémites. Sur ce point-là, elles sont au diapason de l’opinion publique, comme le révèle le sondage "Le regard des Français sur l’impact du conflit en Israël sur l’antisémitisme" publié par l’Ifop.

La crainte d’actes antisémites : les Français inquiets

79 % des Français considèrent que "le conflit entre Israël et le Hamas s’accompagnera d’une augmentation des actes antisémites en France". Le facteur générationnel semble le plus explicatif puisque, si 94 % des plus de 65 ans font part de leur inquiétude, la proportion est de 67 % chez les moins de 35 ans.

Lorsqu’ils sont interrogés sur leur opinion individuelle, les sondés sont 75 % à déclarer que la situation internationale n’a pas d’impact sur leur image de la communauté juive vivant en France. 21 % estiment toutefois avoir "plus de sympathie pour les Français de confession juive depuis le début de l’attaque", 4 % en ayant moins. Notons que les personnes se déclarant de gauche sont 13 % à déclarer avoir "moins de sympathie".

Les raisons du passage à l’acte

La cause est donc entendue, l’opinion publique craint un regain d’actes antisémites. Mais de quel camp viendraient-ils ? Lorsque l’Ifop demande aux personnes interrogées quelles sont les "causes très importantes d’antisémitisme", 43 % déclarent "les idées islamistes", puis "la haine et le rejet d’Israël" (36 %) suivi des "idées d’extrême droite" et "des idées d’extrême gauche" (25 %).

Les pouvoirs publics dépassés ?

Chose dramatique, pour faire face à la montée en puissance de l’antisémitisme, l’opinion n’a qu’une confiance relative dans les pouvoirs publics. De fait, seuls 60 % des Français ont "confiance dans les pouvoirs publics pour assurer la sécurité des personnes de culture et de confession juive". Ici encore, le facteur générationnel joue. Pour faire simple, plus l’âge moyen augmente, plus la confiance dans l’État s’accroît. Ainsi, si les moins ne 35 ans ne sont que 54 % à faire confiance dans les pouvoirs publics, le score est de 77 % chez les plus de 65 ans.

Notons également que les moins confiants sont les électeurs des partis situés le plus à l’extrême de l’échiquier politique : 47 % des électeurs LFI ou Reconquête n’ont pas confiance dans les pouvoirs publics, 41 % pour les sympathisants RN. En revanche, les chiffres grimpent à 84 % chez les sympathisants Renaissance, 70 % chez ceux de LR tandis qu’ils se situent dans la moyenne pour les personnes déclarant une proximité avec le PS ou les Verts.

Seuls 17% des Français font confiance à Jean-Luc Mélenchon pour lutter contre l'antisémitisme

Dirigeants politiques : le discrédit

Pour faire face à la situation, il n’existe pas de "rempart". Aucune des personnalités testées ne dépasse un taux de 50 % d’adhésion. Globalement, les membres de la majorité sont ceux qui obtiennent les meilleurs scores : Édouard Philippe (46 %), Gérald Darmanin (42 %), Emmanuel Macron (41 %) voire Élisabeth Borne (37 %).

Le principal enseignement de l’étude est le très bon score de Marine Le Pen : 42 %. Pour de nombreux électeurs, le temps des dérapages antisémites de son père paraît révolu. La preuve dans ce sondage mais aussi dans le non-rejet de la délégation de députés RN lors de la marche de soutien aux victimes israéliennes le 9 octobre. Une révolution copernicienne : il n’y a pas si longtemps, lors de la marche en hommage à Mireille Knoll en mars 2018, l’extrême droite avait été expulsée du cortège. Ce fait politique et ces chiffres constituent un "tremblement de terre" dans l’opinion publique.

D’autant plus que, pendant ce temps, les forces de gauche peinent à être crédibles dans la lutte contre l’antisémitisme. Les sorties "pro Hamas" de nombreux membres de LFI y sont probablement pour beaucoup. Pour preuve, Jean-Luc Mélenchon est le dernier de la liste puisque seuls 17 % des Français lui font confiance pour lutter contre l’antisémitisme. Il entraîne avec lui les autres dirigeants de gauche. Le socialiste Olivier Faure ne recueille que 26 %, Fabien Roussel faisant un peu mieux avec 30 %. Détail cocasse, Éric Zemmour qui ne fait pas mystère de ses origines juives est très mal classé : 24 %.

Lucas Jakubowicz

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