Libéraux, sociaux-démocrates, identitaires, écolos. Sur tout l’échiquier politique la jeunesse répond présente et alimente les réflexions des citoyens et des dirigeants. Focus sur quelques moins de 40 ans qui apportent beaucoup au débat public.

Benoît Coquard, en territoire quasi inconnu

Parmi les intellectuels et les responsables politiques, nombreux sont ceux qui parlent au nom de la France rurale. Bien souvent avec des biais et une arrière-pensée idéologique. Ce n’est pas le cas de Benoît Coquard, sociologue à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement). Natif de Haute-Marne, il multiplie les enquêtes dans les campagnes de l’est et du nord de l’Hexagone pour dresser le portrait de la jeunesse rurale, de ses valeurs, de ses espoirs. Un travail de salubrité publique notamment condensé dans l’essai Ceux qui restent paru en 2019. Benoît Coquard fait partie des voix de la raison que l’on aimerait entendre plus souvent tant elles apportent de la plus-value au débat public. À l’instar du romancier Nicolas Mathieu ou du photographe Vincent Jarousseau, il s’inscrit dans la lignée de ceux qui essaient, avec humanité et sans voyeurisme, de faire connaître le quotidien d’une population peu représentée et subissant de nombreux préjugés.

Benoît Coquard est celui qui connaît le mieux la jeunesse rurale, son travail est précieux

Raphaël Llorca, l’observateur

Que cela plaise ou non, le marketing occupe une place centrale dans la stratégie politique. Pour décortiquer la stratégie des partis, comptez sur Raphaël Llorca, ancien espoir d’Havas qui a décidé de s’orienter vers l’écriture et l’étude des comportements. Après s’être penché sur le "en même temps" dans La marque Macron, il a récidivé avant le premier tour de la dernière présidentielle avec Les nouveaux masques de l’extrême droite, essai dans lequel il dissèque la manière dont Éric Zemmour rend "la radicalité acceptable", notamment en s’inspirant de Netflix. Il s’intéresse également à la manière dont les marques font de la politique. Raphaël Llorca fait partie des piliers de la Fondation Jean-Jaurès, think tank naguère proche du PS, devenu un lieu de foisonnement intellectuel qui attire de nombreuses jeunes têtes bien faites telles que son responsable des études Jérémie Peltier ou encore Gabrielle Halpern. Outre ses livres, ses études sociétales et sa participation à de nombreuses émissions grand public, Raphaël Llorca est également chroniqueur à L’Opinion.

Asma Mhalla, la penseuse de l’IA

C'est l’un des sujets du moment. Avec ChatGPT, l’intelligence artificielle fait beaucoup parler d’elle. Mais pour Asma Mhalla, qui étudie les enjeux politiques et géopolitiques de la Tech, l’IA est déjà omniprésente. Selon elle, la vraie question à se poser relève du politique : quelle vision la France et l’Europe veulent-elles porter dans ce monde qui ne cesse d’évoluer ? Asma Mhalla, qui a travaillé en conseil en stratégie et banques d’affaires, a commencé en tant qu’autodidacte sur cette problématique qu’elle enseigne désormais à Columbia, Sciences Po et Polytechnique. Elle poursuit également une thèse en théorie politique appliquée à la technologie au sein du Laboratoire d’anthropologie politique de l’EHESS/CNRS. Son combat : aider les populations à comprendre les enjeux liés à l’IA pour qu’elles n’en aient plus peur et pousser les politiques à prendre ce sujet à bras-le-corps.

Chloé Ridel porte haut et fort les couleurs de la gauche. Elle vient d’intégrer l’organigramme du parti socialiste

Chloé Ridel, Think tank, Europe et politique

Comment apporter un maximum de plus-value au débat public ? La jeune énarque de la promotion George Orwell a sa théorie : créer un think tank. Né en 2020, l’Institut Rousseau qu’elle cofonde avec Nicolas Duchêne se veut un "laboratoire d’idées qui tente de concilier refondation républicaine et écologie politique". La structure attire dans ses rangs des personnalités comme le jeune juriste Benjamin Morel ou encore le démographe Hervé Le Bras. Auteure de l’essai D’une guerre à l’autre, l’Europe face à son destin, elle fait partie de ceux qui définissent les valeurs européennes et appelle à les défendre face aux populistes ou aux puissances étrangères. Dans nos prochains dossiers consacrés aux moins de 40 ans qui font la France, Chloé Ridel pourrait changer de rubrique et intégrer le club des politiques. En mars 2023, elle a fait son entrée dans l’organigramme du parti socialiste où elle est l’une des huit porte-parole. Elle a quitté l'Institut Rousseau.

Julien Rochedy, l’influent

Aux yeux des principaux relais d’opinion, Julien Rochedy n’est qu’un influenceur bodybuildé et identitaire, passé dans les rangs du FN de Jean-Marie Le Pen. Il mériterait au pire le dénigrement, au mieux l’ignorance. Pourtant, ses livres et ses conférences vidéo portant, entre autres, sur Nietzsche, le féminisme, le Moyen Âge ou l’Occident méritent un peu d’attention. D’une part car les sujets sont travaillés. D’autre part car ils permettent de bien comprendre les remous, les questionnements, les troubles, les doutes et les certitudes qui traversent la droite identitaire et conservatrice. Son public comporte de nombreux jeunes CSP+ qui seront les cadres de la droite de la droite de demain et, pour connaître la manière dont ils sont "charpentés", prêter attention à son travail est incontournable, notamment lorsqu’il évoque les questions européennes, la guerre en Ukraine ou la République. Mais surtout lorsqu’il incite son camp à jouer la carte du cool et à pratiquer "l’entrisme" à l’instar des trotskistes d’autrefois.

Hors médias mainstream, l'Ardéchois fait circuler ses livres et son idéologie

Anaïs Voy-Gillis, Madame Industrie

Anaïs Voy-Gillis a un pied dans le monde de l’entreprise et un autre dans le public. Docteure en géographie de l’Institut français de géopolitique et chercheuse associée à l’IAE de Poitiers, sa thèse portait sur la réindustrialisation à un moment où le sujet n’était pas en vogue. Aujourd’hui, la coauteure de Vers la renaissance industrielle interroge la politique menée par Emmanuel Macron et par l’Europe. À 30 ans, elle fut invitée à s’exprimer à l’Assemblée nationale devant la commission d’enquête sur la réindustrialisation. "Il va falloir remettre tout à plat et avoir le courage de le faire, a-t-elle déclaré. Et pour cela il va falloir redéfinir un projet de société dans le cadre duquel l’industrie s’inscrit." Pour ne pas s’en tenir à commenter le travail des autres, Anaïs Voy-Gillis a travaillé comme directrice associée au sein du cabinet June Partners, lequel aide les entreprises industrielles à se réorganiser et accompagne des start-up. Régulièrement invitée dans les médias, elle est chroniqueuse sur Xerfi Canal. Ses thèmes de prédilection ? La perte de souveraineté sanitaire de la France ou encore l’industrie verte.

Ferghane Azirahi, l’espèce en voie de disparition

En lisant les tribunes de jeunes intellectuels parues dans la presse ou en observant les jeunes pousses à la télévision, force est de constater que la droite identitaire, les écologistes militants ou les tenants du progressisme anglo-saxon sont de plus en plus présents. Les centristes bon teint et les sociaux-démocrates sont toujours en place. Mais un courant de pensée reste sous-représenté : celui des libéraux à l’américaine. Ceux qui croient à la science, au progrès, à la libre entreprise, à l’initiative individuelle. Il existe un boulevard dans lequel Ferghane Azihari s’est engouffré. Il écume les médias où il est souvent seul contre tous, prend position dans de multiples tribunes et a publié Les écologistes contre la modernité, essai remarqué. Le jeune homme au sempiternel nœud papillon peut encore augmenter sa production et sa légitimité. Mais, à 29 ans, il a le temps devant lui et la volonté de continuer à ferrailler.

Lucas Jakubowicz, Olivia Vignaud

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