La dirigeante italienne est la cible de violentes attaques de la part du camp macroniste, notamment Gérald Darmanin. La raison ? Une opération de politique intérieure qui vise à s’en prendre à l’extrême droite et en même temps à séduire ses électeurs.

Giorgia Meloni doit avoir les oreilles qui sifflent. En ce printemps, la présidente du Conseil des ministres d’Italie est attaquée par la gauche et les associations humanitaires qui la considèrent comme trop à droite mais aussi par les réseaux prorusses qui ne lui pardonnent pas son positionnement pro-Ukraine et pro-Otan. Pour couronner le tout, la voici désormais pilonnée par le gouvernement français.

Darmanin part à l’assaut

C’est Gérald Darmanin qui a planté la première banderille. Invité sur RMC le 4 mai, le ministre de l’Intérieur a accusé Giorgia Meloni d’être "incapable de régler les problèmes migratoires" et d’être responsable de "l’afflux de migrants, notamment de mineurs" dans l’Hexagone. Le procédé rhétorique est assez simple, il s’agit, en partant à l’offensive contre l’Italienne, de s’en prendre à Marine Le Pen et à l’extrême droite jugées inefficaces : "Madame Meloni, c’est comme Madame Le Pen, elle se fait élire sur ‘vous allez voir ce que vous allez voir’ et puis ce qu’on voit, c’est que ça ne s’arrête pas et que ça s’amplifie." Dans les heures qui ont suivi l’émission, l’ancien sarkozyste a reçu le renfort de plusieurs figures de la majorité. La députée européenne Nathalie Loiseau, ancienne chef de file macroniste aux élections européennes, a approuvé la sortie en rappelant que Gérald Darmanin "appuie là où ça fait mal" et que les promesses de la droite populiste ne sont que des "leurres". De son côté, le ministre des Transports, Clément Beaune, a approuvé les propos de son collègue et a rappelé que "l’extrême droite en Italie comme ailleurs fait beaucoup de promesses et règle peu de problèmes".

Le jeu est dangereux, les électeurs préfèrent l'original à la copie

Un en même temps dangereux

Cette séquence médiatique ne doit rien au hasard. Même si c’est un gouvernement étranger qui est visé, le résultat recherché relève avant tout de la politique intérieure. Depuis sa création, l’un des piliers du macronisme est de s’opposer à l’extrême droite. De nombreux sondages d’opinion montrent d’ailleurs que les électeurs et les sympathisants Renaissance sont ceux qui sont le plus hostiles au RN. S’en prendre à Giorgia Meloni et son manque de résultat, c’est s’en prendre à Marine Le Pen qui cherche de plus en plus à prouver sa stature de présidente. Les propos de Gérald Darmanin, Nathalie Loiseau ou Clément Beaune visent à l’enfermer dans le rôle de tribun inapte à gérer efficacement les affaires de la Nation, notamment sur les questions migratoires.

Autre raison de l’attaque, séduire les électeurs tentés par le RN ou déjà électeurs du parti. En pointant l’inefficacité de l’extrême droite, le gouvernement cherche par ricochet à montrer ses muscles sur les questions régaliennes. Que ce soit via les réseaux sociaux ou les plateaux TV, ses membres vantent depuis plusieurs semaines leur bilan sur le sujet : hausse du nombre de policiers et des OQTF, opérations d’expulsion de clandestins à Mayotte, loi immigration en préparation… La ligne consiste à montrer qu’il est possible d’être ferme sur les questions de sécurité et d’immigration tout en restant au centre de l’échiquier politique. L’exécutif veut s’inspirer des sociaux-démocrates danois à qui le porte-parole du gouvernement Olivier Véran est allé rendre visite au mois de mai.

Le jeu est dangereux. L’exécutif est obligé d’obtenir des résultats tangibles sous peine de voir s’appliquer l’adage prôné par Jean-Marie Le Pen : "Les Français préféreront toujours l’original à la copie." Attention au retour de flamme, donc.

Lucas Jakubowicz

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