Un détail psychologique, peu mis en avant dans la presse, pourrait empêcher un rapprochement entre LR et Renaissance à l’Assemblée nationale. Il prouve que la politique est avant tout une histoire de relations personnelles…

Les stratèges de l’Élysée misaient sur un état de grâce post second tour pour obtenir la majorité absolue au Palais-Bourbon. Raté. Contrairement à la tradition, le camp d’Emmanuel Macron est contraint de s’élargir pour adopter les projets de loi préparés par le gouvernement. C’est la conséquence principale d’une situation de majorité relative…

Sur bien des sujets, LR pourrait être un partenaire idéal. Si des divergences existent, des convergences sont envisageables. L’histoire parlementaire montre qu’à l’Assemblée nationale, droite traditionnelle et partis centristes sont bien souvent parvenus à travailler en bonne entente, tout en gardant leur singularité. Songeons notamment aux alliances entre les Républicains indépendants de Valéry Giscard d’Estaing et les gaullistes ou entre l’UDF et le RPR.

Chasser les LR…

Problème de taille, les relations entre les députés LR et Renaissance sont tendues pour des questions politiques, certes, mais avant tout personnelles. Remontons quelques mois en arrière. La majorité présidentielle prépare les élections législatives et a conscience que dans les circonscriptions LREM traditionnellement de gauche, la menace de la Nupes est réelle. Où conquérir des sièges pour compenser les pertes ? Dans les circonscriptions de droite. Ce qui suppose d’attaquer LR de front.

Une proposition est rapidement faite aux députés LR :"Ralliez-vous à la majorité, nous ne présenterons pas de candidats contre vous. Si vous désobéissez, vous disparaîtrez". Peu de candidats ont cédé. Parmi eux, Robin Reda dans l’Essonne, Constance Le Grip dans les Hauts-de-Seine, Eric Woerth dans l’Oise ou Damien Abad dans l'Ain changent d'étiquette et sont réélus.

Erreur stratégique, Renaissance a contribué à faire battre des sortants LR conciliants comme Guillaume Larrivé

Pour le reste, pas de quartier ! Le camp macroniste a visé avec succès les circonscriptions aisées des grandes villes, notamment l’ouest parisien. Mais il a également ciblé la nouvelle garde de députés LR constituée notamment de Pierre-Henri Dumont (Pas-de-Calais), Virginie Duby-Muller (Haute-Savoie), Aurélien Pradié (Lot), Thibault Bazin (Meurthe-et-Moselle), Maxime Minot (Oise), Fabien Di Filippo (Moselle) ou encore Julien Dive (Aisne). Objectif de la manœuvre : rayer de la carte les probables poids lourds de la droite de demain. Solidement, ancrés dans leur territoire, ils parviennent néanmoins à se faire réélire. Plus préoccupant au niveau stratégique, le camp macroniste a contribué à faire battre des députés LR au positionnement plutôt conciliant. Tel est, notamment, le cas de Guillaume Larrivé dans l’Yonne.

… Puis draguer les survivants

Conséquence, dans l’Hémicycle, les "survivants" LR nourrissent une certaine rancune contre le camp présidentiel accusé d’avoir fomenté leur assassinat politique. Mais, majorité relative oblige, ils sont désormais courtisés pour faire passer les lois. Reste à savoir l’importance de l’aspect émotionnel dans le processus législatif.

Il est probable que le calcul politique reprenne le dessus. Les voix LR peuvent se monnayer au prix fort en intégrant des amendements portés par la droite. De plus, face à un RN en quête de respectabilité, les députés du groupe dirigé par Olivier Marleix ne peuvent tomber dans le piège de l’opposition à outrance. Enfin, la droite semble prête à combattre le "péril Nupes". Les ennemis de mes ennemis étant mes amis, une alliance est encore possible. Mais du côté de la majorité, il faudra retisser des liens et donner des gages. Après avoir manié le bâton, l’heure semble donc à la carotte…

Lucas Jakubowicz

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