Venue de la gauche, passée par les ministères des Transports, de l’Environnement et du Travail, Élisabeth Borne fait figure de favorite pour succéder à Jean Castex et incarner la jambe gauche de la majorité.

Combien de jours après le second tour un président de la République annonce-t-il le nom de son premier ministre ? Cela varie. Jacques Chirac a nommé Jean-Pierre Raffarin le lendemain de sa réélection, Nicolas Sarkozy a mis onze jours pour annoncer l’arrivée de François Fillon à Matignon, François Hollande neuf pour Jean-Marc Ayrault. Il y a cinq ans, Emmanuel Macron a attendu huit jours pour nommer Édouard Philippe. Le vendredi 6 mai, nous sommes à J+12 et toujours pas de fumée blanche à l’horizon. D’après de nombreux observateurs de la vie politique, un nom semble pourtant cocher toutes les cases : celui d’Élisabeth Borne qui vient d’être investie dans le Calvados pour les prochaines législatives.

Une femme de gauche

Durant son premier quinquennat, Emmanuel Macron a nommé deux premiers ministres issus de la droite. Pour un président qui souhaite incarner le "en même temps", le choix de placer une personnalité venue de la gauche à Matignon semble s’imposer. Cela permettrait également d’attirer des profils issus de la social-démocratie qui voient d’un très mauvais œil l’alliance PS-LFI. Coup de chance, Élisabeth Borne est cataloguée à gauche. Certes, elle n’a jamais été encartée au parti à la rose. Mais la polytechnicienne a passé une bonne partie de son parcours dans des cabinets PS. Elle a ainsi été conseillère technique en charge des transports à Matignon sous Lionel Jospin, a travaillé auprès de Jack Lang au ministère de l’Éducation nationale. De 2008 à 2013, elle a également occupé la fonction de directrice générale de l’urbanisme à la mairie de Paris alors dirigée par Bertrand Delanoë. Enfin, sous le mandat de François Hollande, elle fut directrice de cabinet de Ségolène Royal au ministère de l’Écologie. Son parcours dans les arcanes ministériels la rend familière des enjeux politiques et compétente sur les questions techniques et administratives (des connaissances renforcées par sa nomination au poste de préfète de la région Poitou-Charentes).

Un parcours dans le privé

Il y a quelques années encore, les ministres venus du secteur privé étaient regardés avec circonspection. Les passages de Thierry Breton ou Christine Lagarde à Bercy ont prouvé qu’il était possible de posséder un vrai sens de l’État malgré un passé de chef d’entreprise. Élisabeth Borne, pour sa part, connaît bien le monde de l’entreprise. Elle a, notamment, été directrice de la stratégie de la SNCF de 2002 à 2007 et PDG de la RATP de 2015 à 2017.

Des passages réussis dans des ministères sensibles

Élisabeth Borne est restée membre du gouvernement durant tous le quinquennat. Dans une relative discrétion, elle a pourtant occupé des portefeuilles stratégiques et est parvenue à obtenir des avancées. Titulaire du poste de ministre des Transports, elle est à la manœuvre pour mener à bien le "serpent de mer" qu’est la réforme de la SNCF : transformation du statut de l’entreprise, arrêt de recrutement au statut, reprise par l’État de la dette du groupe…

À la suite du "homardgate", elle remplace François de Rugy à la tête du ministère de l’Environnement. Un passage de moins d’un an où elle mène à bien trois lois enclenchées par ses prédécesseurs : loi énergie-climat, loi d’orientation des mobilités et loi sur l’économie circulaire. Lors de la nomination de Jean Castex en juillet 2020, elle prend la suite de Muriel Pénicaud à la tête du ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion où elle récupère le dossier sensible de la réforme des retraites. Les cinq années passées lui confèrent donc une expertise sur les questions sociales et écologiques qui devraient être des piliers centraux du prochain gouvernement.

Pas de danger politique

Même si Emmanuel Macron ne peut pas se représenter en 2027, un chef d’État souffre naturellement du "syndrome d’Iznogood". Il craint de nommer un vizir qui rêve de devenir calife à la place du calife. Cette peur est partagée par tous ceux qui espèrent occuper le palais de l’Élysée dans cinq ans. Réputée pour être une femme de dossiers plus qu’un profil vise la présidence, Élisabeth Borne ne semble pas représenter de danger politique. Ce qui explique sûrement pourquoi d’Horizons à Territoires de progrès, ses louanges sont régulièrement tressées.

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