Je panse donc je suis, c'est un discours de la méthode. C'est un Président de la République protecteur, tourné vers l'action qui est intervenu ce 14 juillet. Avec un plan de relance massif, de 100 milliards pour protéger, c’est surtout l'ambition et la philosophie qui a été dévoilée. Celles d’un Président qui veut transformer, rapidement, en profondeur, mais dans la concertation. D'un Président qui dessine un "chemin de justice", social, sociétal et méritocratique, pour redonner aux Français cet atout clef, la confiance. Eteignant les "passions tristes" et dépassant les "divisions", il veut faire de la France, une "grande Nation, industrielle, grâce et par l'écologie". Très rapidement.

Emmanuel Macron avait trois ans. Quelques jours avant d’être élu président de la République française, le 28 avril 1981, François Mitterrand, inspiré par Cervantes, déclarait : "Les idées murissent comme les fruits et les hommes. Il faut qu’on laisse le temps au temps. Personne ne passe du jour au lendemain des semailles aux récoltes, et l’échelle de l’histoire n’est pas celle des gazettes. Mais après la patience, arrive le printemps".

"Laisser du temps au temps", la maxime irréfragablement associée aux années Mitterrand, l’a peut être fait, son temps. Près de quatre décennies ont passé et le nouveau président de la République, Emmanuel Macron, nous l’a laissé entendre : ce "pays traumatisé" peut et va se relever. Mais sachant que "nous ne savons pas traiter nos divisions par temps calme", il faut profiter "du moment où nous sommes", lequel "peut être une opportunité", pour "rebâtir", "dans le dialogue et la concertation", mais à une condition : en opérant vite, très vite, car il y a urgence, à la fois économique et démocratique.

La "confiance" par "le dialogue"

"Démocratie d’opinion", "jugement de rue ou des réseaux sociaux", "la haine qui détruit la liberté", nos "passions tristes" en somme, mettent à mal le fonctionnement de notre démocratie. Face à ces maux, Emmanuel Macron a rappelé que leur racine est aussi et surtout dans l’inertie et le défaitisme : "notre crise démocratique profonde (…) procède de l’idée que les gouvernements ne pourraient rien changer". Alors il convient de continuer à transformer le pays, de remédier aux injustices, de protéger, puisque "notre pays est à un moment particulier de son histoire dont nous devons mesurer la gravité". C’est désormais plus qu’une obligation, un devoir.

Ces réformes doivent être aux bénéfices de tous : l'objectif premier est que "chacun retrouve la maîtrise de son destin". Pour se faire, le retour de la confiance est primordial, or "elle n’a pas regagné le pays", du fait des crises ou des "maladresses". C’est le dialogue qui doit permettre le retour de la confiance. Le changement de Premier ministre doit l’accélérer. Pour y parvenir, la méthode va changer, elle aussi. 

La méritocratie, clef de voute sociétale et gouvernementale

Tout en rendant hommage à Édouard Philippe "qui n’a pas démérité", le Président de la République a paru dessiner en creux les atouts de Jean Castex comme de nature à restaurer cette indispensable confiance : "C’est quelqu’un qui a une culture du dialogue social, qui s’est battu pour accompagner notre pays, et qui connaissait très bien la vie des élus locaux de nos collectivités, la proximité dont on a besoin, les partenaires sociaux, la santé et les arcanes de notre modèle social (…) Son style, sa personnalité parce que derrière, il y a la patte humaine, ont conduit à dire il peut être celui qui va diriger cette nouvelle équipe gouvernementale en étant justement plus à l'écoute, en associant davantage les élus de terrain pour la relance dans laquelle nous devons entrer (…) pour défendre notre modèle social avec les partenaires sociaux"  

Mais au service d’un gouvernement penchant à droite ? à gauche ? La question est caduque pour le chef de l’État qui "revendique le dépassement politique", "prends les meilleurs" et "les plus compétents". Cette méthode a un mot : méritocratie.

"La crise du modèle méritocratique républicain est notre problème le plus profond"

La méritocratie n'est pas qu'un critère-clef de composition du gouvernement : Emmanuel Macron rappelle son diagnostic récent, sur des maux anciens : "La crise du modèle méritocratique républicain est notre problème le plus profond". Dès la campagne de 2017, il voulait apaiser la société grâce à un "pacte républicain" refondé. Le cap n’a pas changé. Mais retrouver le chemin de la méritocratie républicaine est une gageure : "Dans notre République, quand on était dans une famille, on se disait : j’irai dans l’usine, l’entreprise ou la Mairie où travaille mes parents. Quand on réussissait bien à l’école, parce qu'un instituteur vous avait repéré, on savait quel était le chemin, parce qu'on réussissait bien à l'école, qui permettrait de gravir les échelons dans la société". Hommage à l'école républicaine, promesse appuyée pour dégripper l'ascenseur social.

L'ambition d'un pays différent dans 10 ans

Le message est explicite. N'accablons pas les "premiers de cordée", mais donnons la priorité "aux premiers de corvée". Non par le biais de mesures politiciennes, (hausse des impôts, retour de l’ISF...), mais par un nouveau chemin qui sera social ou ne sera pas.

Les jeunes, "à qui on a demandé le plus gros effort" pendant le confinement, seront les premiers bénéficiaires de cette priorité. Sur les 700 000 qui vont entrer sur le marché de l’emploi, l’État va en aider près de 600 000 en leur proposant un éventail de choix et solutions : « contrats de réinsertion », nouvelles formations, d'un allongement des études, service civique étendu, ou par "un dispositif exceptionnel d'exonération des charges (…), en particulier pour les faibles qualifications et les emplois jusqu'à 1,6 Smic". Des mesures aux allures de plan marshall, afin de favoriser l’émancipation seule à même de garantir cette fameuse méritocratie.

Mais une nouvelle fois, rien ne se fera sans la confiance, et une nouvelle fois, la solution pour négocier et convaincre : le dialogue social.  "Parfois, on ne sait pas assez se mettre autour de la table. Ça a été mon défaut aussi". Or, Emmanuel Macron assure désormais : "Ma conviction, conçue et forgée à l'expérience, c’est quand il y a de la peur, de la conflictualité dans notre pays, le dialogue social à l'échelle de la branche et de l'entreprise a une valeur inouïe".

L’exécutif se prépare à entrer en période de réunionïte aigüe, s’il veut mettre en place dans la concertation le gros œuvre des chantiers esquissés par le Président.

Des annonces parfois trop peu relevées mais qui laissent entrevoir que la feuille de route présidentielle est déjà largement écrite et dépasse allègrement le cap des 600 jours restant d’ici l’achèvement de son mandat. Le Président assume : "je suis convaincu qu'on peut bâtir un pays différent d'ici à 10 ans".

Ainsi, en esquissant un plan ferroviaire d’envergure, l’avènement futur de l’hydrogène, ou encore une profond chantier de rénovation thermique, Emmanuel Macron entre en action dans "la relance industrielle, écologique, locale". Parallèlement, il affirme une action philosophique profonde pour permettre une transformation "culturelle et éducative" : pour lutter contre "la crise de confiance, la seule possibilité de répondre aux peurs de nos concitoyens", est pour lui de nous dessiner et donner "un monde à voir".

 Panser vite mais penser loin :  le Président nous invite à un marathon, à envisager avec lui le temps long. Une odyssée, un chemin de traverse aussi, qui ne pourra se faire que dans le dialogue, sinon gare à la solitude du coureur de fond.

Sébastien Petitot

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