Énarque, haut fonctionnaire, ancien socialiste à la posture BCBG, ouvert à la collaboration avec la droite… Le candidat LREM présentait de nombreuses similitudes avec le président de la République. Cela n’a pas suffit à faire la différence…

Pour l’état-major marcheur, Strasbourg était une ville quasiment gagnée d’avance. Après tout, n’avait-elle pas plébiscitée Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle de 2017 (81,24%), aux législatives, puis aux européennes (27,75% pour la liste Renaissance) ?

Opportunisme ou mariage de raison ?

Hélas, dès le premier tour, le scénario ne s’est pas passé comme prévu pour le candidat LREM Alain Fontanel qui n’a recueilli que 19,86% des suffrages. Talonné par la candidate PS et ancienne édile Catherine Trautmann (19,78%) ainsi que par le LR Jean-Philippe Vetter (18,27%) ; le favori termine loin derrière les écologistes menés par Jeanne Barseghian. Car la surprise du premier tour réside bel et bien dans l’excellent résultat des Verts qui peuvent se targuer d’un score historique : 27,88%. Assez, sur le papier, pour se placer en position de force dans le cadre d’une quadrangulaire. Assez également pour nouer une alliance avec la liste socialiste pour une victoire quasi assurée.

Mais l’alliance n’est pas venue d’où on l’attendait. Le 2 juin, à quelques minutes du dépôt des listes du second tour, une annonce a pris les strasbourgeois par surprise : Jean-Philippe Vetter a annoncé la fusion de sa liste avec celle d’Alain Fontanel. Au marcheur la mairie, au leader de la droite strasbourgeoise la présidence de l’Eurométropole.

Pour justifier ce revirement de dernière minute, le député LREM strasbourgeois Bruno Studer a évoqué le "vrai risque de laisser la ville et la métropole à l’extrême gauche". Les nouveaux amis ont très rapidement évoqué un état d’urgence politique et économique et la volonté de "trouver des solutions concrètes et sans dogmatisme", pour reprendre les propos de Jean-Philippe Vetter qui réfute l’accusation de  "politique politicienne".

Visiblement, les électeurs strasbourgeois n’ont pas mordu à l’hameçon, mais ils ont amplifié la vague verte du premier tour. Selon les sondages publiés le dimanche soir à 22h (les scores peuvent encore évoluer à la marge), Jeanne Barseghian l’emporte avec 42,5% des suffrages, loin devant l’attelage LREM-LR qui suit loin derrière avec 34,3%. Catherine Trautmann, pour sa part, est créditée de 23,2%. Une campagne en forme de Bérézina pour le candidat qui avait pourtant tous les ingrédients pour succéder au maire actuel, le socialiste Roland Ries.

Haut fonctionnaire socialiste

Diplômé de Sciences-Po et de l’Ena, Alain Fontanel passe plusieurs années au Vietnam comme conseiller économique. Adhérent du PS dès 1986, il se taille très vite une réputation d’homme de dossier dans les arcanes de la rue de Solférino où il est nommé en 2008 au poste stratégique de secrétaire national aux fédérations. Les importantes fédérations socialistes de l’Hérault et du Pas-de-Calais sont confrontées à des problèmes de gestion et à des conflits de personnalité ? C’est lui qui est dépêché sur place pour remettre de l’ordre. Avec succès. Il est également conseiller politique d’Harlem Désir de 2012 à 2014, lorsque l’ancien président de SOS racisme occupe la fonction de premier secrétaire du parti à la rose. Mais très vite, Alain Fontanel ne veut pas se contenter d’une existence d’apparatchik national du PS. C’est sur le terrain qu’il veut faire ses preuves.

Profil technique

En 2008, lorsque Roland Ries conquiert Strasbourg, Alain Fontanel occupe une très discrète place « au fin fond de la liste ». Nommé adjoint en charge des Finances, il se fait une nouvelle fois remarquer par sa maîtrise des dossiers complexes. À tel point qu’en 2014, lors de la réélection du maire socialiste, il est nommé premier adjoint chargé de la culture et du patrimoine ainsi que vice-président de l’Eurométropole et président de la Compagnie des Transports Strasbourgeois (CTS). De quoi se tailler une place incontournable dans la vie politique strasbourgeoise. Au point de devenir dauphin de Roland Ries en 2020 ? Non. En 2017, l’élu prometteur quitte le navire socialiste pour rejoindre la Macronie à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle.

Comme à Bordeaux, les électeurs semblent avoir condamné l'alliance avec la droite

Un choix payant puisqu’en plus d’être nommé membre du bureau national de LREM, il est investi tête de liste du parti pour les municipales. Dans le même temps, sa femme qui a côtoyé Emmanuel Macron à l’ENA fait son entrée à l’Elysée en qualité de conseillère santé, poste qu’elle quittera en janvier 2020, pour rejoindre l’inspection générale des affaires sociales, son corps d’origine. Très rapidement, grâce à sa force de travail, son réseau et sa vista politique, Alain Fontanel s’est imposé comme un bon élève de la Macronie.

Coulé par la vague verte

Un profil qui n’a pas suffit à convaincre les strasbourgeois. Les électeurs ont, semble-il, condamné l’alliance LREM-droite (comme à Bordeaux, où Nicolas Florian s’est incliné face à Pierre Hurmic). D’autres raisons essentiellement nationales peuvent être mises en avant : prise de conscience des enjeux environnementaux, vote des jeunes allant vers les partis écologistes… Mais aussi volonté de sortir les sortants.

Lucas Jakubowicz

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