La disparition de l'ancien président de la République nous fait prendre conscience que la politique peut se conjuguer avec humanisme et amour des gens. À méditer.

Je vous aime. À l’heure où la politique se fait chaque jour plus brutale ; où l’insulte se banalise et où les échanges s’électrisent, les mots du président Chirac, notamment ceux qu’il prononce début 2007 lors de sa dernière allocution officielle, se chargent d’une résonance particulière. Presque anachronique dans leur simplicité et, pourtant, étrangement d’actualité. Comme une réponse à l’hystérie collective qui, sous l’impulsion d’une génération de dirigeants habitués à user de la provocation comme d’une arme de dissuasion diplomatique, gagne le débat public. Comme un retour à l’essentiel aussi. Un rappel de la vocation première de l’engagement politique consistant (faut-il le rappeler ?) à avoir le goût des autres. Pas celui qui se met en scène face caméras ou qui s’affiche sur Twitter. Celui qui se fait discret et sincère, hors calcul électoral et posture politicienne. Celui-là, Jacques Chirac l’avait.  

Lui le bon vivant, l’homme de terroir et de contact, aussi à l’aise avec les agriculteurs que devant les journalistes ; sympathique à force de spontanéité, populaire sans s’y employer et, surtout, sans surjouer. Lui le visionnaire qui, seize ans avant Greta Thunberg, alertait sur l’urgence climatique et déclarait « notre maison brûle et nous regardons ailleurs », évoquant une nature « mutilée et surexploitée », dénonçant l’inaction et le déni... L’irrévérencieux qui, sans le vouloir et bien avant que la mode du langage décomplexé n’envahisse la sphère publique, parlait vrai – de sa « gueule de droite » et de ses goûts « de gauche » – « la choucroute, la bière… » – ; franc sans être acerbe, truculent sans être insultant. Plus Michel Audiard que Donald Trump en somme. Plus animal politique que bête de scène médiatique aussi. Moins conforme, autrement dit, aux attendus du moment.

Car enfin, que dirait-on aujourd’hui d’un leader politique qui, posément, sans ciller, déclarerait : « Pas un instant vous n’avez cessé d’habiter mon cœur » ? Qu’il est bon communicant ? naïf ? populiste ? démago ?... Ou tout simplement qu’il est un authentique dirigeant ? Avec tout ce que la fonction implique d’engagement sincère et d’empathie. De don de soi et d’ouverture aux autres.

Caroline Castets

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