Lorsque Jean-Marc Borello crée Groupe SOS, il y a 35 ans, c’est dans le but de venir en aide à ceux « dont personne ne voulait ». Aujourd’hui l’entreprise, qui a bâti son activité autour de la lutte contre toutes les formes d’exclusion, emploie 17 000 personnes et affiche un chiffre d’affaires de 850 millions d’euros. Preuve qu’engagement social et performance économique ne sont pas incompatibles. Pour son fondateur, ils seraient même devenus indissociables. Explications.

Décideurs. Lorsque vous avez créé Groupe SOS il y a trente-cinq ans, personne ne parlait économie sociale ; quelle était votre ambition ?

Jean-Marc Borello. À l’époque j’étais conseiller à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie. On faisait de très longues réunions pour débattre du problème sans que rien de concret n’en découle. Je me suis dit un jour que le temps de l’administration n’était pas celui de la vie et j’ai décidé de quitter ces fonctions pour créer SOS Drogues International, un centre de soin pour toxicomanes. Lorsque le VIH est arrivé, nous avons créé un dispositif de prise en charge, puis nous avons cherché à répondre aux différentes problématiques liées à ces populations -hébergement, insertion… - en étendant les solutions à l’ensemble des personnes en situation d’exclusion. Le groupe s’est développé ainsi, sans stratégie particulière, en fonction de besoins identifiés au fil du temps.

Avec une activité fondée sur la solidarité, votre entreprise ne cesse de croître et votre chiffre d’affaires atteint aujourd’hui 850 millions de chiffre d’affaires. Le capitalisme peut donc être performant et conscient ?

Nous en sommes la preuve. Notre business model s’est bâti sur l’idée que, pour lutter efficacement contre les différentes formes d’exclusion, on ne pouvait dépendre des politiques publiques. Pour sécuriser notre activité nous avons donc décidé de proposer des services (hôpitaux, crèches, Ehpad, formation…) à tous, tout en les rendant accessibles aux exclus. Aujourd’hui nous sommes un acteur économique classique, avec des concurrents et, donc, une obligation de performance et d’innovation.  Nous ne sommes pas dans un univers de Bisounours ; simplement, n’ayant pas d’actionnaires et donc, pas de dividendes à verser, les gains réalisés nous permettent d’offrir des prestations gratuites à ceux qui en ont besoin.

Avez-vous l’impression que cette approche consciente et morale du capitalisme progresse chez les dirigeants d’entreprise ?

Il est certain que le secteur du non-profit connaît une forte croissance : de plus en plus de créateurs de start-up l’investissent parce qu’il est porteur de sens, que sa raison d’être est clairement identifiée et parce que beaucoup ont compris que l’entreprise, quelle que soit son secteur d’activité, se doit d’évoluer vers des pratiques socialement responsables. Celles qui s’y refuseront s’exposeront à des sanctions de la part de leurs clients – avec le risque d’appels à boycotts – mais aussi de leurs salariés – de plus en plus de talents étant en quête de sens à donner à leur activité professionnelle – et même de certains investisseurs, de plus en plus de fonds faisant de la raison d’être des entreprises un critère d’investissement. 

Vous voyez donc dans cette prise de conscience montante un levier de croissance ?

Un levier de croissance sans aucun doute – si la rentabilité à court terme est le moteur de l’entreprise, celle-ci est condamnée à long terme - mais aussi une chance de réconcilier les Français avec les entreprises en leur montrant que celles-ci n’ont pas pour seule mission de s’enrichir et d’enrichir leurs actionnaires. Les entreprises doivent s’interroger sur leur raison d’être, sur le sens de leur activité et sur l’impact de celle-ci. C’est devenu un impératif que de plus en plus de dirigeants comprennent.

Quel doit être le rôle du politique selon vous ?

Il doit être incitatif. La loi Pacte va rendre les choses possibles et non obligatoires, ce qui, selon moi, est la bonne formule. Le recours au name & shame m’apparaît en outre comme un bon levier pour amener les entreprises à agir puisqu’il a un impact direct sur leur réputation.

Propos recueillis par Caroline Castets

 

 

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