PORTRAIT. Rare personnalité de la droite modérée toujours membre des Républicains, Valérie Pécresse, qui depuis 2015 pilote la très stratégique région Île-de-France, aurait-elle une carte à jouer pour restaurer un parti en quête d’une figure rassembleuse ? Portrait d’une femme à poigne qui agace autant qu’elle séduit.

Valérie Pécresse sera-t-elle la future chef de file de la droite ? Omniprésente dans les médias depuis le début de la grève de la SNCF, la présidente de la région Île-de-France incarne au sein de sa famille politique, l’aile la plus modérée : celle qui refuse de soutenir aveuglément la ligne dure définie par Laurent Wauquiez ; celle qui, fière de ses valeurs et de son histoire, mais consciente de son discrédit dans l’opinion des Français, milite pour renouveler son « logiciel de pensée », revendique un projet « plus authentique et plus humaniste » et « refuse toute porosité avec le Front national ». Alors que plusieurs personnalités  ̶  Xavier Bertrand, Alain Juppé ou Benoist Apparu…  ̶  ont récemment quitté les rangs des Républicains, la chiraquienne, elle, en est convaincue : le parti a toujours sa place dans l’échiquier politique. « Elle ne veut pas être une opposante, mais une proposante », explique l’un de ses amis, Dominique Bussereau, président du conseil général de Charente-Maritime et conseiller spécial du mouvement « Libres ! » créé par l’ancienne ministre à la suite de l’élection d’Emmanuel Macron. L’objectif de ce think tank interne composé d’une centaine d’élus de droite et du centre ? Soumettre au parti des propositions concrètes. « C’est un véritable mouvement d’idées », poursuit-il, reconnaissant à Valérie Pécresse une faculté à rester hermétique aux querelles politiciennes.

« Elle ne veut pas être une opposante, mais une proposante »
Dominique Bussereau, président du
 conseil général de Charente-Maritime

Humanité, fermeté, efficacité

Une capacité à se placer au-dessus de la mêlée doublée d’une grande force de travail. « Elle est infatigable », assure Patrick Karam, le vice-président du conseil régional qui travaille à ses côtés depuis 2007. Ce qu’il apprécie chez elle ? Sa façon de concilier humanité, fermeté et efficacité ; « Une fois qu’elle a pris une décision, elle se transforme en véritable rouleau compresseur. » Preuve de sa détermination, selon lui : en moins de deux ans, alors que personne ne semblait y croire, elle mène à bien le déménagement du conseil régional en Seine-Saint-Denis. « Elle a bénéficié d’opportunités foncières importantes », nuance toutefois Emmanuelle Cosse, conseillère régionale EELV, qui n’hésite pas à pointer du doigt le caractère autoritaire de Valérie Pécresse. « La présidente n’a pas toujours la patience que sa fonction exige, regrette-t-elle. L’opposition ne l’intéresse pas, elle a d’ailleurs réduit notre temps de parole en modifiant le règlement intérieur du conseil régional. » Une critique que réfute ses proches. Pour Patrick Karam, la concertation serait même la « marque de fabrique » de la Républicaine. « Elle ne procède jamais de façon brutale et cherche toujours à entraîner l’adhésion, certifie-t-il. Elle est très attentive aux autres et ne sacrifie jamais l’humain pour des questions économiques. »

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Sortir de l’ombre

Difficile par ailleurs de nier sa fine connaissance de l’administration. Et pour cause : à seulement 25 ans, l’énarque également diplômée de HEC, intègre le Conseil d’État en tant qu’auditrice. Nommée commissaire du gouvernement trois ans plus tard, elle se forge au fur et à mesure des années, des compétences juridiques solides et incontestables. Des qualités qui n’échappent pas au président Chirac. En 1998, ce dernier l’appelle à l’Élysée, d’abord comme chargée de mission puis en tant que conseillère technique en matière d’information et de communication. Élue députée sous les couleurs de l’UMP en 2002, puis conseillère régionale en Île-de-France en 2004, Valérie Pécresse sort progressivement de l’ombre. Promue secrétaire générale adjointe du parti puis porte-parole nationale, elle se hisse dès le début des années 2000 au rang des personnalités les plus influentes de la sphère médiatico-politique française.

« Elle est très attentive aux autres et ne sacrifie jamais l’humain pour des questions économiques »
Patrick Karam, vice-président du conseil régional d' Île-de-France

Fait d’armes

En 2007, la Francilienne s’impose même comme une figure incontournable de la campagne de Nicolas Sarkozy. Dès le début du quinquennat, elle prend la tête de l’épineux ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Son principal fait d’armes en tant que ministre ? La loi relative aux libertés et responsabilités des universités  ̶  dite « LRU »  ̶ , offrant à ces dernières une autonomie budgétaire et de gestion. Largement décriée par les organisations étudiantes, le texte reste aujourd’hui encore l’un des plus emblématiques du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Un tour de force qui vaut à Valérie Pécresse d’être nommée ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’État et porte-parole du gouvernement en 2011. Après la victoire de François Hollande, elle est réélue à l’Assemblée nationale. Mais la députée a une ambition : conquérir l’Île-de-France. En 2010 déjà, elle brigue la présidence de la région mais ne parvient pas à battre le socialiste Jean-Paul Huchon. « Si elle a été élue cinq ans plus tard, c’est parce qu’elle a su tirer les leçons de cet échec et pris conscience que la région ne peut pas s’additionner avec une autre action », reconnait Emmanuelle Cosse.

« Je suis déçue de ce qu’elle a fait ces deux dernières années. L’Île-de-France n’est véritablement moteur sur aucun sujet » 
Emmanuel Cosse, conseillère régionale 

718 millions d’euros d’économies

Comme elle l’a promis lors de la campagne, une fois élue, Valérie Pécresse renonce à tout autre mandat pour se consacrer entièrement à la région. Son principal objectif ? Réduire les dépenses de la collectivité avec une meilleure gestion. Entre 2015 et 2018, 718 millions d’euros d’économies auront ainsi été réalisés, garantit la présidente. « Cela représente 120 euros par foyer francilien », précise celle qui s’est également engagée à révolutionner les transports. Si la mutation profonde du réseau n’est aujourd’hui pas encore au rendez-vous, deux-cents trains neufs ou rénovés et 250 bus à énergie propre supplémentaires ont d’ores et déjà été mis en circulation. Autre ambition pour Valérie Pécresse : faire de la région une place financière. Un objectif qui pourrait bien être atteint puisque 2 500 emplois financiers seront relocalisés en Île-de-France à la suite du Brexit. La capitale française accueillera par ailleurs l’autorité bancaire européenne, actuellement basée à Londres. « C’est un signal encourageant pour les investisseurs », souligne-t-elle à l’occasion de ses vœux aux Franciliens en janvier dernier.

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« Elle se moque de la région »

Des avancées notables, mais insuffisantes pour l’opposition. « Je suis déçue de ce qu’elle a fait ces deux dernières années, confie Emmanuelle Cosse. L’Île-de-France n’est véritablement moteur sur aucun sujet. » En matière de transports, notamment, l’élue regrette l’augmentation du prix de la carte Navigo. « Valérie Pécresse s’était pourtant engagée à ne pas revenir sur ce tarif », déplore-t-elle, convaincue que la région, parce qu’elle compte parmi ses 12 millions d’habitants des très riches d’un côté et des très pauvres de l’autre, se montre particulièrement difficile à administrer, nécessitant par conséquent une politique publique forte. « La présidente pourrait, par des réformes plus ambitieuses, disposer d’une influence plus significative dans le paysage médiatique national, poursuit la conseillère régionale. J’ai en réalité l’impression qu’elle se moque un peu de la région et que son ambition dépasse l’Île-de-France. » D’autres, notamment dans les rangs du PS pointent du doigt l’habile communication de la présidente et regrettent son manque d’action concrètes.

Carrure présidentielle

Des critiques infondées selon ses proches, qui voit en elle l’une des femmes politiques les plus talentueuses du pays. « Valérie Pécresse a la carrure pour être candidate à la présidentielle, même si c’est un peu tôt pour y penser, estime Dominique Bussereau. Elle a le niveau de la fonction. » Saluant sa vision stratégique, sa capacité à rassembler et sa loyauté envers les Français, Patrick Karam en est convaincu : elle est l’une des rares à pouvoir maintenir l’unité du pays. « Je ne comprendrais pas qu’elle ne soit pas candidate, assure-t-il. Ce serait pour moi un manquement vis-à-vis de son pays. » Avant toute chose, elle devra convaincre l’aile la plus radicale du parti de pencher vers le centre et persuader les militants les plus modérés qu’un avenir est à nouveau possible pour la droite républicaine. Condition sine qua non pour un jour briguer le plus haut sommet de l’État. 

 

Capucine Coquand

@CapucineCoquand

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