Créé en 2019, le Health Data Hub est une plateforme qui vise à faciliter l’exploitation des données de santé. D’envergure inédite, tant en France qu’au niveau mondial, son objectif est d’accélérer la recherche et l’innovation médicale en favorisant l’accès aux bases de données. Pour Décideurs, le professeur Roman Khonsari, son directeur médical, revient sur les ambitions de la structure et les écueils afférents au traitement des données sensibles.

Décideurs. Quelles sont les missions du Health Data Hub ?

Roman Khonsari. Le Health Data Hub (HDH) est né du constat que la France était le seul pays au monde à disposer de données médico-administratives hébergées par la Sécurité sociale sur l’ensemble de sa population. Elles sont recueillies dans une base connue sous le nom de Système national des donnés de santé (SNDS). Caractérisée par sa grande richesse d’informations, elle contient l’ensemble des actes de soins, des prises de médicaments, des séjours hospitaliers ou encore des causes médicales de décès, concernant près de la totalité des patients pris en charge en France. Pourtant, du fait que leur collecte est éparpillée, cloisonnée, sans être consacrée à la recherche, ces données se révèlent très difficiles d’accès et d’utilisation.

Pour y remédier, le Health Data Hub a été pensé comme un guichet unique à destination de tous les acteurs porteurs d’un projet qui sert l’intérêt public, des professionnels de santé aux industriels, en passant par les équipes de recherche. Ils peuvent ainsi déposer un dossier de demande d’autorisation d’accès aux données et, s’ils le souhaitent, réaliser des analyses à partir de celles-ci sur une plateforme technologique totalement sécurisée.

"Du fait que leur collecte est éparpillée, cloisonnée, sans être consacrée à la recherche, ces données se révèlent très difficiles d’accès et d’utilisation"

Outre cette facilité d’accès, le Health Data Hub entend favoriser les chaînages entre les données de l’Assurance-maladie et diverses bases de données, dont celles hospitalières. Car, contrairement aux informations dont disposent les hôpitaux, les données de l’Assurance-maladie ne contiennent pas de comptes rendus opératoires ni d’imageries, pourtant très utiles aux équipes de recherche. À long terme, la plateforme du HDH travaille à rendre ces données interopérables. Parallèlement à ces actions, il nous tient à cœur d’organiser des évènements et de dispenser des formations afin de nous positionner comme un véritable fédérateur dans le monde des données de santé en France.

À quels enjeux le Health Data Hub est-il confronté ?

Au sein du HDH, nous progressons sur plusieurs fronts afin d’assurer un lien avec les soignants, les citoyens, les associations de patients ainsi que les scientifiques. En qualité de directeur médical, j’assure la transmission de la culture propre à la valorisation des données de santé auprès des soignants. En premier lieu, notre objectif consiste à leur expliquer les conditions du partage des données. Puis, nous insistons sur l’importance de leur implication dans la collecte de données exhaustives et de qualité, notamment en trouvant des moyens pour contribuer au financement des efforts liés à ce processus.

Il existe deux principaux freins à l’accès aux données de santé pour les chercheurs. D’abord, le manque d’accompagnement auprès des professionnels de santé ou des établissements en matière de production des bases de données. Et, parfois, une réticence des soignants ou des établissements quant au partage des données. En effet, certaines de ces bases de données historiques ont été constituées sans soutien économique de la part de l’État ou de l’Assurance-maladie. En ce sens, les équipes ou les établissements, qui ont consacré leurs ressources à leur consolidation, ont développé un sentiment de propriété à leur égard. Dans ce contexte, le Health Data Hub souhaite mettre l’accent sur le fait que les bases de données en santé constituent un bien public. À ce titre, il est essentiel de financer et de valoriser leur production et leur maintenance, afin d’encourager les professionnels de santé à participer à leur constitution.

Le déploiement de cet entrepôt de données de santé dépend en grande partie des partenariats. Quelle est votre stratégie ?

Nous avons établi des partenariats avec différents acteurs scientifiques et médicaux. Dès lors, nous aidons l’établissement à structurer sa base de données ou son entrepôt de données de santé. Nous identifions avec lui l’opportunité d’héberger au sein du Health Data Hub une partie de ses données relatives, par exemple, à une de ses spécialités médicales. Concrètement, ces données pourront enrichir le catalogue du SNDS et être partagées avec la communauté scientifique.

Bien qu’un grand nombre d’hôpitaux ne disposent pas d’entrepôt dédié, ceux qui ont investi dans un entrepôt qualitatif ont aussi défini la gouvernance de la réutilisation des données de santé. En collaboration avec Bpifrance, le Secrétariat général pour l’investissement, le ministère de l’Économie ainsi que le HDH, le ministère de la Santé et de la Prévention a lancé un appel à projet qui vise à soutenir la coordination de la constitution d’entrepôts de données hospitalières afin de les décloisonner.

"Le Health Data Hub entend favoriser les chaînages entre les données de l’Assurance-maladie et toutes sortes de données"

Au Health Data Hub, nous avons animé les premiers groupes de travail afin de réfléchir, entre autres, à ce que doit être un entrepôt de données de santé ou aux choix technologiques et de gouvernance favorisant le partage de ces données. Cette réflexion implique également d’identifier les finalités d’usage des entrepôts. Pour exemple, un entrepôt dit "polyvalent" pourra répondre aussi bien aux finalités scientifiques qu’à celles liées au pilotage médico-administratif. Pour avancer sur le plan opérationnel, nous réalisons des partenariats avec des groupes d’hôpitaux publics ou privés qui construisent ensemble des bases de données interopérables afin de mener des projets pilotes multicentriques. L’objectif est, notamment, d’identifier les problèmes auxquels chaque établissement fait face et de les accompagner dans leur résolution.

Au sein de cette plateforme, différents projets sont d’ores et déjà autorisés par la Cnil. Quelle est votre feuille de route en la matière ?

La procédure d’accès aux données personnelles est définie de façon réglementaire et comprend deux étapes. En premier lieu, le Cesrees (Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé) juge de la pertinence, de l’éthique, de la motivation et du caractère d’intérêt général du projet. Puis, la Cnil vérifie la protection et la sécurisation des données.

L’attractivité des données de santé en France et à l’international dépend de leurs délais d’accès. À horizon 2025, l’ambition du Health Data Hub est d’aboutir à une simplification des procédures relatives au recueil et à l’accès des données de santé. À ce titre, nous comptons sur le comité stratégique des données de santé qui s’est réuni pour la deuxième fois en juillet dernier. Créé par le décret du 29 juin 2021 et présidé par le ministre de la Santé, son objectif est de favoriser le partage des données de santé relevant du SNDS, notamment en identifiant les nouvelles bases de données pouvant y être inscrites. Cela, afin que davantage de projets dont les résultats permettent de faire avancer la recherche médicale et l’organisation du parcours de soins puissent suivre le chemin des 26 projets validés par la Cnil depuis 2019.

Propos recueillis par Léa Pierre-Joseph

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