Pointée du doigt par les médias et les politiques, l’externalisation est pourtant devenue un élément clé da les stratégies d’entreprise. Grâce à une meilleure organisation, les sociétés gagnent en rentabilité et performance. Mais ce processus a ses limites.

Pointée du doigt par les médias et les politiques, l’externalisation est pourtant devenue un élément clé dans les stratégies d’entreprise. Grâce à une meilleure organisation, les sociétés gagnent en rentabilité et performance. Mais ce processus a ses limites. Pour prévenir les risques d’échec, il est important de communiquer, aussi bien en interne qu’en externe. Explications.

« La France doit demeurer une grande nation industrielle. Elle le doit à son histoire, elle le doit à son économie, elle le doit à son peuple. » Lors de son discours clôturant les États généraux de l’industrie, le 4 mars 2010, Nicolas Sarkozy affichait sa volonté de redonner ses lettres de noblesse à un secteur en perdition. Entre 1980 et 2007, l'industrie a perdu 36 % de ses effectifs, soit 1,9 million d’emplois.
Selon le gouvernement, cette défaillance est due à l’explosion des externalisations à l’étranger. L’Élysée voit donc d’un mauvais œil cette pratique. Ainsi, aussitôt que Renault indiquait sa volonté de délocaliser en Turquie la production de la prochaine génération de Clio, le gouvernement organisait une rencontre entre Nicolas Sarkozy et Carlos Ghosn, le p-dg de Renault.
En tant qu’actionnaire du constructeur automobile, le chef de l’État, souhaitait dissuader Renault de mener à bien cette stratégie. Pas sûr que cela suffise à faire changer d’avis les administrateurs du groupe français. Surtout quand le discours des politiques confond externalisation et délocalisation. Car en réalité, les deux pratiques sont bien distincte. Et la mauvaise santé de l’industrie française n’est pas due à l’excès d'externalisation. Au contraire. Seulement 63 % des entreprises françaises ont recours à l’externalisation, contre 70 % des sociétés allemandes. Et au vu des performances économiques de l’industrie allemande, l’externalisation peut être perçue comme un facteur de réussite.


Les aspects positifs

En externalisant, l’entreprise gagne en flexibilité. En cas de crise, il lui suffit d’annuler ses commandes au près de ses fournisseurs. Elle n’a pas à gérer la relocalisation des forces de travail ou l’utilisation des machines. Elle possède une meilleure maîtrise de son budget car c’est l’entreprise sous-traitante qui prend en charge ces problématiques. Enfin, l’externalisation est un moyen d’accélérer son développement. Elle délègue une activité à une autre société et concentre ses ressources humaines sur son cœur de métier, c’est-à-dire sur l’activité qui justifie son existence.

De cette façon, elle peut améliorer sa productivité. L’externalisation favorise donc la rentabilité des entreprises. Selon de nombreuses études, externaliser une fonction autrefois traitée en interne conduit à une réduction des coûts de l’ordre de 15 % à 30 %.


Une tendance structurelle

L’externalisation s’inscrit dans un processus de rationalisation de l’organisation de l’entreprise. Son objectif est d’améliorer son fonctionnement. Ce phénomène a débuté dès le début du XXe siècle grâce à l’organisation scientifique du travail. Cette méthode de management et d'organisation des ateliers de production, développée par Frederick Taylor, conduit à la parcellisation des tâches. Chaque employé était affecté à une tâche précise. Cela sera la base de la révolution industrielle du XXe siècle. L’entreprise doit alors s’organiser en interne pour gérer au mieux sa production.

C’est à partir des années 1960 que l’on commence à s’interroger sur les frontières de l’entreprise. Faire ou faire faire ? Cette question va rapidement se retrouver au cœur des stratégies. Les sociétés n’hésitent plus à externaliser une partie de leur processus de production. Les grands acteurs de l’automobile, puis de l’électronique sont les premiers à utiliser cette méthode. À tel point qu’aujourd’hui, les constructeurs automobiles ne réalisent plus qu'entre 10 % et 15 % de la fabrication d’un véhicule.

Après la production, la segmentation des entreprises s’est attaquée à d’autres branches d’activité. Les sociétés sous-traitent également les services généraux : comptabilité, finance, ressources humaines, marketing… Tout y passe. Jusqu’où ira ce processus ? Il semblerait que l’externalisation atteigne ses limites. Les risques inhérents à cette stratégie freinent son développement à d’autres sphères de l’entreprise. L’externalisation est comme une greffe. En cas de succès, elle permet à l’entreprise de se développer, en cas de rejet, elle peut remettre en cause la santé économique de la société.


Les aspects négatifs

Avant de se lancer dans un projet d’externalisation, il convient donc d’en évaluer les risques. Ces derniers sont multiples. Ils sont avant tout liés au manque de contrôle et à la maîtrise de la rentabilité. Car, bien que l'externalisation génère une réduction très significative des coûts visibles, elle provoque par ailleurs un accroissement des coûts cachés qui sont souvent sous-estimés par les entreprises. Ces coûts cachés naissent d’un manque de contrôle sur la tâche externalisée et des tensions sociales au sein de l’entreprise.

Le manque de contrôle sur la réalisation du produit vient de l’éloignement géographique et des différences culturelles entre l’entreprise et son fournisseur. Ainsi, les nouveaux fournisseurs doivent être initiés aux priorités et aux standards de l’organisation. Dans le cadre de tâches répétitives et clairement définies, les contrats reliant les deux sociétés peut prendre en compte cet aspect. Les coûts cachés sont particulièrement élevés dans le cadre de fonctions plus créatives, comme les sociétés de design. Il est alors important de former au mieux les prestataires à la culture d’entreprise.

Communiquer en interne et externe

La communication devient alors un élément essentiel. En interne, les salariés doivent être en mesure de comprendre la stratégie de l’entreprise. De plus, il faut internaliser les expertises nécessaires au contrôle de l’externalisation. Il est important d’établir un responsable pour chaque projet d’externalisation. De cette façon, les employés se sentent plus impliqués dans l’opération. Cela permet de réduire les tensions sociales et d’améliorer le dialogue entre les deux entreprises. Dans le même temps, il est important de communiquer également avec les médias. Les externalisations sont globalement mal perçues. Il faut donc faire intervenir activement le service de communication tout au long de l’opération. À moins que ce service ne soit lui-même externalisé…

L’externalisation a accéléré l’entrée de l’économie dans l’ère du service. En moins de vingt ans, environ 20 % des emplois industriels se sont reconvertis dans le secteur tertiaire. La rationalisation de l’organisation des entreprises participe à la destruction créatrice, phénomène que décrivait Joseph Schumpeter. Le processus de disparition de certaines activités participe à la création de nouveaux secteurs économiques.

En physique comme en économie : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Condamner ou empêcher ses changements ne permettra pas de créer de l’emploi. Au contraire. Le gouvernement doit réfléchir via des programmes de formation afin de favoriser la réinsertion professionnelle. À moins qu’il ne choisisse lui aussi d’externaliser sa réflexion…

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