Dans une étude publiée en décembre 2021, Carbone 4, en partenariat avec l’OFCE et Neo, dresse un état des lieux et trace un chemin pour rendre les infrastructures françaises plus durables et résilientes. Un enjeu de taille puisque les usages associés à ces dernières représentent la moitié de l’empreinte carbone française.

Les infrastructures constituent une part essentielle de nos modes de vie. Ce sont elles qui acheminent l’eau que nous buvons, l’électricité qui nous éclaire, le gaz qui nous chauffe, les réseaux qui nous connectent. Elles encore qui, par la route, le rail, l’eau ou les airs, nous permettent de nous déplacer et d’échanger rapidement des marchandises. En ce sens, elles constituent autant la pierre angulaire de nos territoires et de nos économies qu’un acteur de premier plan face au dérèglement du climat. Acteur actif, dans le sens où la construction et l’usage des infrastructures génèrent des gaz à effet de serre sur un temps long. C’est ce qu’on appelle les émissions embarquées. Acteur passif aussi, car elles sont très touchées par le changement climatique. Comme le souligne l’étude : "Les routes, lignes ferroviaires, ports et aéroports sont aux premières lignes en ce qui concerne les événements climatiques extrêmes (tempêtes, inondations, sécheresses, vagues de chaleur). Les autres infrastructures comme les réseaux d’eau, de transport d’électricité le sont aussi, mais à un moindre degré." D’autres doivent être aussi redimensionnées afin de conserver leur rôle de protection (digues, perrés…) dans un contexte où les phénomènes climatiques vont d’une intensité croissante.

Scénarios prospectifs

Pour tracer un chemin crédible de baisse des émissions du secteur en phase avec la trajectoire fixée par la stratégie nationale bas carbone (SNBC), Carbone 4 a développé deux scénarios prospectifs : l’un baptisé "Sobriété" qui "cherche à limiter les consommations et donc le recours aux matériaux et à l’énergie. Il suppose des changements de comportements et d’organisation ainsi que des ruptures par rapport aux habitudes généralement valorisées socialement dans un monde vu parfois encore comme sans limites. Ce scénario porte le challenge de l’accompagnement des changements sociaux, culturels et comportementaux, pour en assurer l’acceptabilité", précisent les auteurs de l’étude. L’autre, baptisé "Pro-Techno", fait la part belle aux évolutions technologiques dont la maturité n’est pas avérée, mais sans changement radicalement nos comportements. "Ce scénario porte le challenge de l’arrivée à maturité d’innovations technologiques, de la disponibilité sur certains approvisionnements et de la maîtrise des externalités environnementales." Ces deux scénarios décrivent deux visions de la France bas carbone en 2050, où les infrastructures et leurs usages ont évolué en cohérence, et où des leviers de décarbonation ont été largement développés.

Avantages et inconvénients

Une chose est certaine, les infrastructures ont une inertie importante, du fait de leur durée de vie. Les choix d’investissements forts et nécessaires effectués aujourd’hui auront des impacts pendant des décennies. Sans compter que les programmes d’investissement dans les infrastructures pour la transition bas carbone devront se construire dans une approche systémique et intersectorielle permettant d’assurer la cohérence entre les évolutions d’infrastructures et d’usages mais aussi entre les infrastructures (par exemple : infrastructures énergétiques, numériques et de mobilités). Alors, à quel scénario se vouer ? L’étude distribue les bons et mauvais points : "Sobriété a l’avantage d’être en capacité de mieux absorber que ProTechno des contraintes et tensions probables sur les flux physiques et l’accès à certaines matières premières. Il nécessite en revanche des évolutions fortes des comportements et organisations qui requièrent des actions dédiées pour accompagner ces transformations et assurer leur acceptabilité sociale. ProTechno, repose au contraire sur des paris technologiques et une poursuite de la croissance des consommations. Dans les deux cas, il est nécessaire d’envisager des ruptures fortes dans les dynamiques existantes pour les infrastructures. Suivant le type d’infrastructures, les nécessaires dépenses de maintenance d’une part et les investissements pour en décarboner leurs usages d’autre part n’ont pas du tout le même poids."

Investissements, croissance et emploi

Quel que soit le scénario choisi, il nécessitera une hausse des investissements, au moins jusqu’à 2030, avec un impact positif sur l’activité économique française. "Dans les deux scénarios, les investissements en infrastructures produisent une hausse d’environ 1 point de PIB par rapport au scénario de référence sur 2021-2030, et génèrent entre 330 000 et 400 000 emplois supplémentaires", précise ainsi l’étude. En revanche, sur 2030-2050, le scénario Pro-Techno induit une hausse de PIB proche de 1,2 % par rapport au scénario de référence, tout comme dans la décennie précédente, alors que dans le scénario Sobriété, la hausse de PIB s’atténue fortement, bien que restant non négligeable (autour de 0,4 % par rapport au scénario de référence). Sur cette même période, la hausse de l’emploi se maintient autour de 300 000 emplois supplémentaires dans le scénario Pro-Techno, mais devient plus modérée dans le scénario Sobriété (entre
50 000 et 150 000 emplois additionnels). L’heure des choix a sonné.

Antoine Morlighem

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