Dimanche soir, Emmanuel Macron a voulu convaincre que sa conversion écologique n’était pas de façade en faisant du « combat du siècle », la matrice première de la reconstruction économique. En vue, référendum vert et plan de relance écologique...

"J’ai changé" : c’est par un passé composé, l’été dernier, qu’Emmanuel Macron, dans une interview accordée au site Konbini à la veille du G7, avait voulu signifier sa désormais pleine et entière adhésion au combat écologique : "Le mouvement de la jeunesse (de protestation contre l'inaction climatique ndlr) m'a fait réfléchir. J'avais des convictions... J'ai changé d'ailleurs très profondément ces derniers mois, très profondément, j'ai beaucoup lu, beaucoup appris". 

C’était un an après la démission fracassante de Hulot et deux mois après le succès éclatant de EELV aux européennes, aussi pouvait-on voir dans cette adresse à la jeunesse, une habilité de circonstances non dénuée d’arrière-pensées politiques voire une déclaration d’intention non suivie d’actions. Mais force est de constater, en dépit des critiques de l’opposition, que le président de la République assume maintenant pleinement le choix de conjuguer au futur ses orientations environnementales, comme en témoigne l’allocution de dimanche.

Mais avant de revenir et d’éclaircir l’avenir écologique de ce "nouveau chemin", il convient de prendre un peu de hauteur, direction la mer de Glace où le 13 février dernier, Emmanuel Macron qualifiait le défi climatique et environnemental auquel nous sommes confrontés : "Ce sera le combat du siècle, cette capacité à inventer une nouvelle manière de vivre (…) Et même si c'est le combat du siècle, il impose l'impatience, il impose la détermination et il impose d'agir vite".

Imprimer sa marque écologique

"Agir vite" :  depuis la crise sanitaire qui allait entraîner le début de la "crise économique du siècle", l’injonction est devenue mondiale et la France n’y échappe pas à la différence près que l’exécutif veut saisir l’opportunité de ce chaos pour imprimer sa marque écologique.

La caractérisation de cet objectif est apparue dès le début du déconfinement avec la présentation des plans de soutien gouvernementaux à la filière automobile et aéronautique. Au-delà des sommes alloués (respectivement 8 et 15 milliards d’euros), corrélées à l’importance stratégique et sociale des deux secteurs, c’est l’imprimatur environnemental affiché qui surprend :Ainsi, pour la filière automobile, a-t-il été décidé du développement de la "prime à la conversion" et de l’augmentation du "bonus écologique", une stratégie sur les batteries, et d’un accord avec les constructeurs pour le développement et le maintien de la filière électrique dans l’Hexagone.

Pour celle de l’aéronautique, l’ambition affichée est d’une part de réduire les vols intérieurs quand le train peut être une alternative et d’autre part de développer un avion décarboné d’ici à 2035 au lieu de la date de 2050. Comme le résume le ministre de l’Economie Bruno Le Maire :  “Le fil rouge de la relance française est la décarbonisation de l’économie

Des paroles aux actes ?

Ce premier déploiement post-confinement s’inscrivait déjà dans le mot d’ordre rappelé dimanche soir par le Président de la République : "créer les emplois de demain par la reconstruction écologique qui réconcilie production et climat" mais surprise du chef, Emmanuel Macron y a ajouté, pour l’instant de façon sibylline, l’annonce d’un "plan de modernisation du pays autour de la rénovation thermique de nos bâtiments". Déjà en novembre 2018, dans son discours "Transition énergétique : changeons ensemble", il désirait faire feu de tout bois en favorisant par des mesures d’incitation fiscale et le chauffage décarboné et la rénovation énergétique des logements. On peut sans crainte prendre le pari que ces incitations vont prendre une tout autre ampleur :  rendez-vous est fixé pour début juillet avec, espérons-le, le détail de ces mesures.  

Mais prenons le président au mot, même si convenons-en, certains de ses prédécesseurs entre Grenelle inachevé ou maison laissée brûler, ont parfois eu du mal à passer des paroles aux actes. Mais donc, imaginons tout de même la mise en place de ces nobles intentions alors que le Président lui-même réunissait dimanche dans une même expression "la dette écologique et budgétaire" que nous allons laisser à la jeunesse ? En somme, comment financer cette priorité écologique ?

Vers un financement européen ?

Pour en savoir plus, il faut se tourner vers Pascal Canfin,"l’homme qui a fait le pari d’Emmanuel Macron" comme le présentait Le Figaro, non pour lui demander de contribuer, mais parce que cet ancien EELV a fait le pari d’accepter la place de numéro deux aux européennes sur la liste LREM et a hérité depuis de la tête de la commission Environnement du Parlement européen. Bien renseigné, il sait que le green deal à 1000 milliards sur 10 ans présenté par la Commission en janvier dernier sera lié au plan de relance "Next Generation UE" , présenté par cette même commission le 27 mai dernier et destiné lui, à combattre "la crise du siècle" .

Plus sérieusement, il faut écouter attentivement Pascal Canfin, lorsqu’il "réclame" à Emmanuel Macron, dans le JDD, "25 milliards d’euros dédiés à la transition énergétique" car il sait sans doute aucun, qu’il est tout à fait envisageable que cette somme soit (en partie) allouée par l’union européenne. Ironie du sort, si Martine Aubry, en rupture récente avec ses alliés verts lillois à la veille d’un second tour compliqué, réclame, elle, 50 milliards, EELV, dans une présentation lundi de leur plan de relance, préconise une enveloppe de 13 milliards d’euros.

L’annonce d’un prochain référendum ?

Une nouvelle fois, la bataille de chiffres devient politique et Emmanuel Macron sait que des similitudes sociologiques et donc électorales existent entre les électeurs LREM et EELV. Son adhésion au combat écologique, pour stratégique qu’il soit, n’est donc évidemment pas dénuée de considérations tactiques.

Ceux qui voulaient voir dans la Convention citoyenne pour le climat un enième comité théodule en seront pour leurs frais

A ce titre, ceux qui voulaient voir dans la Convention citoyenne pour le climat, mise en œuvre en avril 2019 par Emmanuel Macron à la suite du grand débat national, un énième comité théodule en seront pour leurs frais. Initiée à l’origine par des gilets jaunes, des représentants d’associations écologistes et des chercheurs, cette convention citoyenne regroupe aujourd’hui 150 citoyens tirés au sort et les propositions environnementales qu’elle propose sont pour le moins décoiffantes comme le révélait  Alternatives Economiques en avril (parmi celles-ci : l’obligation de la rénovation énergétique globale des bâtiments d’ici à 2040 et une drastique limitation de l’artificialisation des sols). C’est devant ces mêmes citoyens que le Président de la République a promis combien il était envisageable que pour ratifier ces mesures, il puisse "en appeler à un référendum, car c’est ce qui permettra de partager avec tout le monde la préoccupation sur le sujet". Réserve-t-il l’annonce de ce référendum, dont on dit qu’il serait consitué de plusieurs questions, à sa prochaine allocution de juillet ? Le pari s’il est osé pourrait payer.

Car historiquement, financièrement et politiquement, Emmanuel Macron sait qu’il peut gagner beaucoup par sa "conversion écologique". Les adversaires politiques qui moquaient son "j’ai changé" doivent désormais s’y résoudre : en matière écologique, virage est pris.

Sébastien Petitot

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