Le fondateur de VKontakte et de Telegram est un milliardaire iconoclaste. Allergique à toute forme de gouvernement, il collectionne pourtant les nationalités.


Amoureux de la liberté ou de lui-même ? Génie de l’informatique ou excellent communicant ? Personnalité timide ou égocentrique patenté ? Nul ne peut répondre à ces questions avec certitude tant la personnalité de Pavel Durov est mystérieuse.

Joue-la comme Zuckerberg

Sur le papier, le natif de Saint-Pétersbourg n’était pas voué à devenir un « gourou de la tech ». Fils d’un professeur de philologie, lui-même diplômé de philologie à l’université de Saint Pétersbourg, il aurait pu marcher dans les traces de son père. En 2006, pour s’amuser, il lance avec son frère Nikolaï, programmeur et mathématicien, VKontakte, une copie de Facebook. En Russie et dans l’ancien bloc soviétique, le succès est immédiat et le réseau social supplante rapidement son concurrent américain. Pavel Durov en prend la tête et amasse ses premiers milliards.

Seul hic, VKontakte devient rapidement un forum de contestation contre le régime de Vladimir Poutine fin 2011 début 2012. Le FSB demande à Pavel Durov de fermer tous les groupes de discussion politique : il refuse et s’en vante publiquement. La situation devient intenable. En 2014, Durov est contraint de quitter son poste de CEO et l’entreprise tombe dans le giron de proches du Kremlin.

L’aventure Telegram

Pas de quoi décourager le trentenaire qui développe un autre projet : Telegram. Cette fois-ci, il s’inspire de WhatsApp mais apporte deux améliorations supplémentaires. Tous les échanges sont cryptés et les groupes de discussion peuvent accueillir 200 000 abonnés. Très rapidement, la messagerie est utilisée par l’opposition russe ou la presse indépendante et joue un rôle dans les printemps arabes ou pour partager des discussions confidentielles dans presque tous les mouvements politiques et gouvernements du globe. Revers de la médaille, elle est également plébiscitée par les groupes terroristes mais aussi par le gouvernement russe qui, habilement, récupère Telegram pour développer sa propagande notamment dans la guerre qu’il mène en Ukraine.

Terroristes, trafiquants, régimes autoritaires, militants des droits de l’homme… Pour Pavel Durov, tout le monde peut utiliser la messagerie et jamais il ne partagera les conversations ultra cryptées avec les autorités. Cette sécurité garantit le business model de Telegram qui compte 600 millions de membres en janvier 2022. Mais elle est aussi liée aux convictions libertariennes de Pavel Durov qui ne se sent lié à aucune autorité ni à aucun État. Du reste, il collectionne les nationalités en fonction de ses besoins.

Libertarien sans frontières

En 2013, un an avant de quitter définitivement la Russie, il achète pour 250 000 dollars un passeport de Saint-Christophe-et-Niévès, petite île des Caraïbes où il n’a jamais mis les pieds. Mais cet investissement lui permet de voyager dans l’UE et au Royaume-Uni sans visa. En février 2022, il obtient la nationalité émiratie, lui qui vit à Dubaï où il a implanté le siège social de sa société. Pas vraiment par amour du désert, mais plutôt pour la fiscalité locale et la non-obligation de publier ses comptes. Point surprenant, en 2021, un certain Pavel Durov obtenait la nationalité française sous le nom de Paul du Rouve. Serait-ce notre milliardaire excentrique ? Ni le gouvernement français ni l’intéressé ne se sont exprimés sur le sujet et la raison de cette naturalisation. Certaines sources anonymes murmurent qu’il aurait aidé les services secrets tricolores en partageant des informations liées à des groupes djihadistes. Un mystère de plus pour une personnalité aussi indéchiffrable que le cryptage de Telegram…

Lucas Jakubowicz

 

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