En 2021, 1 957 banquiers ont perçu plus d’un million d’euros au sein de l’Union européenne. Un chiffre en hausse de 41,5 % sur un an qui reflète les bons résultats des institutions financières mais aussi la recomposition des équipes à la suite de la sortie du Royaume-Uni de l’UE.

 Les rémunérations des banquiers européens ne cessent d’augmenter et d’atteindre de nouveaux records. Selon les données publiées en janvier par l’Autorité bancaire européenne (EBA), 1 957 personnes travaillant au sein des services financiers de l’UE ont perçu en 2021 plus d’un million d’euros. Soit une augmentation de 41,5 % sur un an et le chiffre le plus élevé depuis que le régulateur européen en fait la synthèse (à périmètre constant, la City ayant été sortie de l’échantillon depuis le Brexit). "Cette hausse est liée à la bonne performance des institutions financières, en particulier dans la banque d’investissement et les activités de marchés, aux délocalisations des équipes du Royaume-Uni vers l’UE qui se poursuivent et à l’augmentation générale des salaires", explique l’EBA.

L’Allemagne, avec son hub financier de Francfort, concentre la majorité des banquiers "millionnaires" pour 2021 (30 %). Les deuxième et troisième places sont occupées par la France (19 %) et l’Italie (18 %). L’EBA précise que l’Italie, la France et l’Espagne ont contribué à la majorité de la croissance des hautes rémunérations dans la banque, ce qui correspond à l’augmentation du RoE (rendement des capitaux propres, c’est-à-dire à la performance financière) des banques dans ces pays. Au sein de l’Hexagone, leur nombre a bondi de 63 % pour atteindre les 371 banquiers extrêmement bien lotis. Un chiffre dopé par BNP Paribas et Société générale qui cumulent 106 banquiers millionnaires, contre 59 l’année précédente, d’après leurs propres publications.

Fixe et bonus 

Sans grande surprise, les métiers de la banque d’investissement sont ceux qui rapportent le plus, avec 749 banquiers ayant touché plus d’un million d’euros en 2021. Ils sont suivis des fonctions managériales (599) puis de loin par le retail, les fonctions support ainsi que la gestion d’actifs. Sur les 1 957 banquiers concernés, une dizaine peut se targuer d’avoir perçu plus de 8 millions. Le collaborateur le mieux payé dans l’UE réside en Espagne où il a perçu entre 14 et 15 millions, salaire fixe et bonus compris.

Exode 

Ces données - collectées en août 2022 (les rémunérations variables étant touchées entre avril et juin) - excluent désormais le Royaume-Uni. Avant que cela ne soit le cas, en 2019, l’EBA dénombrait 4 938 banquiers millionnaires. Une partie des forces vives d’outre-Manche auraient donc rejoint l’Europe continentale.

Selon un rapport publié l’an dernier par EY, plus de 7 000 emplois financiers ont quitté Londres pour l’UE dans le sillage du Brexit. Paris aurait attiré la majeure partie des personnes touchées (2 800), suivi de Francfort (1 800) et Dublin (1 200). Des chiffres à mettre en perspective néanmoins avec la réalité du marché du travail britannique puisque plus de 1,1 million de personnes y exercent dans le secteur financier. Mais aussi avec les menaces brandies par le groupe de pression TheCityUK qui évoquait quelque 100 000 emplois menacés en cas de sortie du Royaume-Uni de l’UE. Pour le moment, il n'en est rien.

749 personnes travaillant dans la banque d’investissement ont perçu plus d’un million d’euros en 2021

Certaines banques ont fait le choix de booster leurs forces de travail tant en Angleterre que sur le continent, les deux marchés étant porteurs mais aussi parce que les nouvelles réglementations nécessitent de la matière grise aux différents endroits où l’on souhaite opérer. C’est le cas de Morgan Stanley qui est passé de 5 719 personnes au Royaume-Uni en 2020 à 5 963 un an plus tard, tout en renforçant ses bureaux en Allemagne (passant de 310 à 365 personnes) et en France (139 à 167).

Les chiffres de l’EBA mettent en lumière le fait qu’une partie des emplois les mieux rémunérés ont quitté le royaume de Charles III. Bloomberg, qui a analysé les données de JP Morgan, atteste qu’en 2015 la banque américaine ne rémunérait personne en Allemagne plus d’un million d’euros. En 2019, 9 banquiers millionnaires étaient recensés au sein de l’établissement et 85 en 2021. Sept collaborateurs y gagnaient même plus de 3,5 millions d’euros.

Londres réplique 

Un risque de fuite qui ne manque pas de préoccuper les pouvoirs publics britanniques. En septembre, le ministre des Finances, Kwasi Kwarteng, promettait un "big bang 2.0" dans la régulation bancaire afin de "libérer" la croissance de son pays. Lui qui s’est tant plaint de la réglementation européenne et du risque que celle-ci pouvait faire peser sur sa compétitivité à l’international. Parmi ses propositions : déplafonner les bonus de la City, plafond introduit par l’UE en réaction à la crise financière et qui prévoit que les variables ne puissent excéder de deux fois le salaire fixe annuel des banquiers.

Depuis ces promesses et à la suite de l’éviction de Kwasi Kwarteng sur fond de crise économique, les finances ont été reprises en main par Jeremy Hunt, qui a annoncé en décembre une série de trente mesures pour adapter la réglementation financière à l’ère post-Brexit. Des modifications qui ne constituent pas un big bang, mais l’idée de faire sauter le plafond des variables est toujours sur la table. Les régulateurs ont lancé une consultation à ce sujet qui court jusqu’à fin mars. De quoi rebattre les cartes et attirer davantage les talents ? Réponse d’ici à quelques mois.

Olivia Vignaud 

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