Manutan, entreprise collégiale

Tout a commencé dans une chambre de bonne rue Saint-Denis à Paris. André Guichard fonde en 1966 avec son fils de 20 ans, Jean-Pierre, une entreprise de vente de produits de manutention, de fourniture et de mobilier de bureau. À l’époque Manutan disrupte son secteur en affichant le prix net de près de 200 produits proposés sur les 24 pages de son catalogue. Une transparence qui n’était alors pas courante sur le marché. Si son métier est resté le même, l’entreprise a depuis étoffé son offre, s’est internationalisée, digitalisée et a surtout passé la main à la génération suivante puisqu’en 2013 Xavier Guichard, le fils de Jean-Pierre, a repris les rênes en tant que directeur général avant d’être nommé président en 2023. Pour 2024, le groupe devrait atteindre le milliard d’euros de chiffre d’affaires, contre 586 millions dix ans auparavant.

Séparation des pouvoirs

Pourtant l’histoire n’était pas écrite d’avance. Après son école de commerce et avant de rejoindre Manutan, Xavier Guichard a travaillé six ans dans d’autres entreprises, principalement à l’international. Rejoindre le groupe familial ? "Je n’y pensais pas trop et mon père et mon grand-père ne m’en parlaient pas trop." En 2002, à la veille de ses 30 ans, il se sent prêt à s’engager. Xavier Guichard monte peu à peu les échelons : de contrôleur de gestion, il passe directeur général des filiales scandinaves puis prend la direction des opérations. En 2011, il est propulsé DG délégué puis DG deux ans plus tard. À cette période, il est prévu qu’il alterne avec son frère Hervé, présent dans l’entreprise depuis une quinzaine d’années. Mais, au bout d’un an, le cadet prend la décision de voguer vers d’autres horizons.

"Nous faisons passer les intérêts du groupe avant ceux de la famille"

Depuis, le capital est entre les mains de Jean-Pierre et Xavier Guichard. Pour autant, pas question de prendre les décisions concernant Manutan lors des déjeuners familiaux du dimanche. Xavier Guichard opère depuis un an avec un DG, Pierre-Olivier Brial, présent dans l’entreprise depuis vingt ans "avec qui (il est) très complémentaire", et peut s’appuyer sur un comité de direction ainsi qu’un conseil d’administration pourvu d’administrateurs indépendants. "Manutan est une entreprise familiale sur bien des aspects mais sa gouvernance est collégiale. Nous faisons passer les intérêts du groupe avant ceux de la famille", insiste le président.

Exemplarité et professionnalisme 

L’aspect familial se retrouve, lui, dans l’ADN de l’entreprise. "Manutan a toujours fait en sorte de mettre l’individu au centre et au service d’un projet commun." Pour y parvenir, les dirigeants se doivent d’être le plus exemplaires et transparents possible, notamment lors des réunions mensuelles plénières. "Nous avons ce côté familial dans l’interaction et en même temps le côté très professionnel d’une entreprise de 2200 salariés."

Juste avant de prendre sa retraite dans les années 1990, André Guichard avait mené une acquisition aux Pays-Bas, laquelle avait permis à Manutan (désormais présent dans 17 pays européens) de doubler de taille et de grandir à l’international. Peu de temps avant de céder complètement les rênes à son fils, Jean-Pierre Guichard avait, lui, mené à bien l’acquisition de Camif Collectivités (devenu Manutan Collectivités) permettant au groupe de servir les collectivités en plus des entreprises et, désormais, les artisans du bâtiment. Pour sa part, Xavier Guichard a rapatrié le siège de Paris à Gonesse, monté son équipe managériale, harmonisé les marques, accéléré la digitalisation ou encore sorti Manutan de la cote l’an dernier. Pour la suite, il entend travailler davantage la RSE, notamment en investissant sur l’économie circulaire. De quoi continuer à se distinguer.

Olivia Vignaud