En 2009, alors que la crise des subprimes met à mal l’entreprise industrielle familiale, Anne-Charlotte Fredenucci en prend les rênes, retourne la situation et fait le pari de la diversification. Une stratégie gagnante qui lui a permis de créer 400 emplois supplémentaires en France.

Anne-Charlotte Fredenucci rejoint à 25 ans Ametra Group, l’entreprise familiale créée en 1978. Malgré un diplôme de l’Essec et trois ans d’expérience professionnelle en consulting chez Bain & Capital, rien ne la prédestinait à reprendre le flambeau de son père. Rien ? Claude Deroure, qui aurait bien aimé avoir un fils, n’avait jusque-là pas envisagé que sa fille puisse lui succéder. Du jour au lendemain il lui propose d’intégrer son groupe industriel, spécialisé aujourd’hui dans la conception et l’intégration de systèmes innovants. "Il a eu une épiphanie", commente la dirigeante. La proposition est trop belle pour être refusée. Anne-Charlotte Fredenucci l’accepte. Il faudra néanmoins huit ans pour que son ascendant cède sa place à la faveur d’un malheureux événement.

De 20 à 55 millions de CA

En 2009, alors que la crise des subprimes continue de gangrener l’économie dans son ensemble, Ametra perd l’un de ses gros clients, au sein de sa branche atelier sous-traitance électronique. Avec lui, ce sont 35 % du chiffre d’affaires de l’entité qui partent en fumée. Anne-Charlotte Fredenucci vient d’accoucher de son troisième enfant, son père lui annonce qu’il va déposer le bilan. La trentaine et pleine d’énergie, la future dirigeante s’oppose à cette décision, elle qui a plein d’idées pour retourner la situation. Âgé de 84 ans, Claude Deroure décide de s’effacer et de lui laisser les coudées franches. "D’une certaine façon, il attendait que je fasse ce putsch pour savoir que j’étais prête", estime-t-elle avec du recul.

En 2009, la nouvelle dirigeante arrive à contenir les dégâts et, dès 2010, Ametra retrouve le chemin de la croissance. D’un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros en 2009, le groupe atteint 55 millions en 2021. Comment la présidente s’y est-elle prise ? Avant de changer de dirigeant, Ametra marchait sur deux jambes – qui ne communiquaient pas : un atelier de sous-traitance et un bureau d’études. Anne-Charlotte Fredenucci décide que ce bureau deviendra un incontournable pour ses clients et travaillera avec l’usine. Si la branche ne s’occupait jusque-là que du détail des produits, elle remonte désormais plus en amont de la conception. "Aujourd’hui, non seulement nous concevons les produits, nous menons les négociations avec les fournisseurs, nous gérons les approvisionnements et menons des tests. Notre prestation est complète. En cas de crise, on est le dernier prestataire dont le client se séparera."

Diversification

Afin de ne pas reproduire les erreurs du passé, Anne-Charlotte Fredenucci diversifie la clientèle. Si, auparavant, l’usine était très dépendante de Dassault Systèmes, le chiffre d’affaires se répartit désormais entre la défense (30 %), l’aéronautique (25 %), le nucléaire (25 %), le restant couvrant le ferroviaire ou encore le médical. Commandes des Rafales, harnais pour les lanceurs Ariane, calculs sismiques... La palette d’Ametra est large.

"Nous sommes une entreprise familiale. Quand quelqu’un nous quitte ce doit être parce qu’il part à la retraite ou parce qu’il a une opportunité professionnelle"

"C’est un modèle gagnant pour l’entreprise, gagnant pour nos collaborateurs qui travaillent sur des projets variés, et gagnant pour nos clients car aucun d’eux n’aime qu’un fournisseur ne dépende que de lui. On gagne aussi en cross-fertilisation car il y a des points communs entre les différents systèmes que nous développons." Et de préciser que durant la crise du Covid, la dirigeante n’a eu à déplorer aucun licenciement. Un sujet qui en est réellement un pour celle qui fut traumatisée par le redressement de l’entreprise qui a dû se séparer de 28 collaborateurs. "Nous sommes une entreprise familiale. Quand quelqu’un nous quitte ce doit être parce qu’il part à la retraite ou parce qu’il a une opportunité professionnelle."

Outre un changement de nom en 2017 (Deroure est devenu Ametra Group), le groupe s’est développé en Tunisie et installé en Inde. Un pays qui n’a pas été choisi au hasard puisqu’il permet par exemple à Dassault de répondre à ses obligations de production locale pour y avoir vendu le Rafale au gouvernement. "Ce qui crée du business en France puisque, sans cette présence en Inde, nous ne gagnerions pas certains contrats." En tout, le groupe peut se targuer d’avoir fait naître 400 emplois dans l’Hexagone depuis qu’Anne-Charlotte Fredenucci est à sa tête. Ametra a également mené sa première acquisition, Syrel, en 2021 et pourrait ne pas s’arrêter là. Quant à sa succession, la dirigeante entend bien laisser ses quatre fils suivre le chemin qu’ils souhaiteront.

Olivia Vignaud

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