Le groupe Dorcel est devenu un géant du divertissement pour adultes. La recette gagnante de Grégory Dorcel qui a repris le groupe familial ? Diversification, féminisation, internationalisation et digitalisation.

Lorsque l’on pénètre dans le bureau de Grégory Dorcel, l’accueil est chaleureux, voire un peu taquin : "Alors comme ça vous venez pimenter votre dossier consacré aux entreprises familiales ?" Pas vraiment. L’objectif est plutôt d’évoquer le parcours d’un dirigeant qui est parvenu à faire son trou dans un secteur qui est bien souvent l’apanage des anglo-saxons : le divertissement. Ou plus précisément le divertissement pour adultes.

Rentré par hasard

Grégory Dorcel a pris la direction du groupe Dorcel fondé par son père Marc en 1979 et en a fait une marque connue sur toute la planète. Pourtant, ce n’était pas le plan. "Mon père était producteur et s’est très vite lancé dans la VHS et la production, notamment pour Canal+ avec une attention portée sur la qualité, le côté artisanal", témoigne l’homme d’affaires. À l’époque, les choses étaient claires : "L’entreprise n’avait pas vocation à devenir familiale." Le hasard en a voulu autrement.

"Très tôt, je suivais mon père dans les salons audiovisuels, ce qui m’a donné envie de travailler dans le secteur." Mission accomplie : après des études en école de commerce, le jeune diplômé entre à la régie publicitaire de France Télévisions. "Mon nom m’a ouvert des portes et attiré de la sympathie." Au bout de trois ans, l’ennui prend le dessus et le jeune homme démissionne. L’hyperactif donne un coup de main à son père durant l’été 1998.

"Nous n’étions que cinq dans la boîte et il fallait commencer à développer la distribution internationale. Coup de chance, je maîtrisais le droit de la distribution et l’art de la négociation. Mon activité a fini par devenir plus importante que celle de la production." Ces années-là, la naissance du DVD puis d’internet donnent des leviers de croissance au groupe et c’est le fils qui est à la manœuvre, innove, anticipe. Puis devient DG en 2003 "de manière naturelle".

"Le marché se féminise à vitesse grand V"

Tous acteurs !

Après vingt ans aux manettes, Grégory Dorcel est fier de gérer un groupe de 120 collaborateurs qui, bien que réalisant deux tiers de son CA à l’international, garde son identité française. Si magazines et films constituent toujours un socle important du business, Dorcel c’est désormais aussi de la lingerie, des sextoys ou encore des accessoires. En somme, les consommateurs peuvent être acteurs de leurs propres fantasmes. "Pour le moment 40 % de notre CA vient du retail et nous devrions sous peu dépasser la barre des 50 %."

Elargissement du marché

Consommateurs, mais aussi consommatrices. "Autrefois réservé aux hommes, le marché se féminise à vitesse grand V et nous permet de croître", explique le dirigeant qui se réjouit qu’au niveau mondial, "30 % des Françaises consomment du X au moins une fois par mois, et 64 % des Français hommes et femmes se disent partants pour regarder du contenu X avec leur partenaire s’il le proposait. Autre chiffre clé, 2/3 des Françaises possèdent un sextoy, il y a une véritable prise de pouvoir." Selon lui, les choses ont commencé à évoluer à partir du début des années 2000, époque où la sexualité des femmes est devenue moins taboue, notamment grâce à des séries comme Sex and the City. Un mouvement mondial, à rebours des tendances politiques en Occident.

Grégory Dorcel remarque que "la gouvernance devient de plus en plus puritaine". À droite, les courants conservateurs prônant les valeurs familiales et la tradition se renforcent. À gauche, le porno est également dans le viseur car vu comme une "exploitation des femmes", à des années-lumière de la gauche libertaire de la fin du XXe siècle. Ces bords politiques auront-ils les coudées franches un jour ? Grégory Dorcel se sentirait-il menacé ? "Absolument pas", répond-il le sourire aux lèvres. Les chiffres parlent pour lui. Dans le top 10 des pays où l’on consomme le plus de porno par habitant sur Google se trouvent le Pakistan, l’Égypte, le Maroc, le Liban, l’Arabie saoudite ou la Turquie. Des sociétés pour le moins puritaines. En apparence.

Lucas Jakubowicz

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