Le président du groupe SOS défend la création d’une Europe sociale. Selon lui, de nombreux chantiers ont été menés à bien ces dernières années. La conjoncture et la présidence française pourraient accélérer les avancées.

L'interview vidéo est un complément à l'entretien accordé par Jean-Marc Borello à Décideurs Magazine. 

Décideurs. Que peut apporter la France à l’Union européenne en matière d’économie sociale et solidaire (ESS) ?

Jean-Marc Borello. La France est un pays précurseur et l’ESS occupe une place importante puisqu’elle contribue à 10 % de notre PIB et à 14 % de notre emploi salarié. Ce type d’économie est ancré en France et cela est lié à l’héritage des coopératives, des mutuelles ainsi qu’à l’action de personnalités comme Charles Gide (oncle du célèbre écrivain André Gide, ndlr) dès le XIXe siècle. Cela dit, l’ESS est entré de plain-pied dans le XXIe grâce à des dispositifs comme la loi Hamon qui a notamment créé le statut d’Entreprise solidaire d’utilité sociale (ESUS) mais aussi la loi Pacte, plus récente. Celle-ci a le mérite de faire converger l’économie classique et l’ESS et à hybrider le tout sous la forme d’entreprise à impact. Notons aussi la présence dans l’Hexagone d’un mouvement des entrepreneurs sociaux qui maille le territoire et influence les habitudes.

Quelles seraient les principales mesures à mettre en place à l’échelle communautaire ?

Il serait pertinent de créer un statut d’association à l’échelle de l’Union européenne. Prenons un exemple simple : groupe SOS souhaite implanter une filiale locale dans un État membre ; cela prend entre un et deux ans. Dans d’autres pays comme l’Ouganda ou le Maroc, c’est bien plus rapide. Au-delà d’un statut juridique, il semble important de créer un référentiel commun qui permettrait de définir les actions à impact ainsi que les moyens de les accompagner. Une sorte de grille faite sur mesure pour l’Europe et élaborée par un panel d’entreprises, de chercheurs, d’associatifs. Un travail sérieux doit être fait sur le sujet. Dans tous les cas, l’Europe a le potentiel d’être l’épicentre mondial de l’ESS.

"Il serait pertinent de créer un statut d'association à l'échelle de l'UE"

La France ayant une expérience en la matière, dans quelle mesure peut-elle jouer un rôle de chef de file ?

Elle peut profiter de la présidence tournante pour faire avancer son agenda, d’autant plus qu’une des priorités de ces prochains mois est l’Europe sociale. Olivia Grégoire, secrétaire d’État chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable, a d’ailleurs accueilli à Paris ses homologues européens le 17 février pour élaborer un plan d’action.

Êtes-vous optimiste quant à la création d’une véritable ESS à l’échelle européenne ?

Oui, tout à fait. Souvent, le cadre réglementaire suit les mouvements sociaux et les préoccupations des salariés. Désormais, ils sont plus que jamais en attente d’entreprises plus respectueuses, soucieuses de leur impact. Il y a 25 ans, lorsque je parlais d’ESS à HEC, j’étais accueilli avec circonspection. Aujourd’hui, les jeunes diplômés sont plus proactifs et sensibilisés que jamais. Au niveau du top management, les entreprises ont compris qu’elles peuvent peiner à recruter, faire fuir les actionnaires, voire disparaître en quelques mois, en cas de mauvaises pratiques.

Comment distinguer l’ESS européenne de l’ESS américaine ?

Les Américains sont plutôt dans une approche de charity business où ceux qui ont réussi dépensent une partie de leurs gains dans des opérations à fort impact social. C’est ainsi que nombreux hôpitaux de très grande qualité son "non profit". Dans l’UE, nous avons plutôt une approche sociale avec une forte intervention du pouvoir politique.

La présidence française compte mettre l’accent sur le volet social. Quels sont les principaux chantiers ?

Le principal était prévu en amont de notre présidence tournante : mettre en place un salaire minimum dans chaque pays membre, sept n’en possèdent pas encore. Attention, l’idée n’est pas d’instaurer le même salaire minimum dans tous les pays. L’objectif est de créer un socle qui permettra d’aller véritablement vers une Europe sociale, tout en améliorant la situation des travailleurs détachés. C’était d’ailleurs l’une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron en 2017.

L’invasion russe de l’Ukraine est un véritable défi humanitaire et social. Il est probable que dans les mois à venir, l’UE soit amenée à accueillir des millions de réfugiés et ce sera à elle de coordonner l’accueil, la répartition et peut-être l’intégration pour ne pas laisser les pays d’Europe de l’Est seuls en première ligne.

"A ceux qui estiment que l'Europe sociale n'existe pas, je rappelle que le plan de relance a sauvé des millions d'emplois"

L’Union européenne est avant tout perçue comme une puissance économique. Selon-vous, est-elle aussi une puissance sociale ?

Oui. Il y’a un cliché tenace qui consiste à imaginer l’UE comme un monstre technocratique obsédé par le libre-échange. Or, les faits montrent que, dans l’ombre hélas, elle peut se targuer d’actions sociales concrètes comme le plan investissement compétences encouragé par Bruxelles ou encore le socle des droits sociaux. À ceux qui estiment que l’Europe sociale n’existe pas, je rappelle que le plan de relance qui va créer et sauver des millions d’emplois a été élaboré par l’UE, la commande groupée de vaccins qui a sauvé des milliers de vie aussi.

Citons également Erasmus qui est la meilleure arme anti-guerre, la meilleure arme pour créer un sentiment d’appartenance. Ce dernier est primordial car traiter le sociétal en amont permet d’éviter des problèmes sociaux. Par ailleurs en s’engageant sur des sujets comme l’égalité hommes-femmes, l’environnement, la défense des minorités… l’Europe s’adresse aux jeunes dont l’engagement social et sociétal est réel mais archipelisé.

Quelles seraient vos vœux pour développer l’Europe sociale dans les années à venir ?

J’évoquais en début d’interview la création d’un statut d’association commun et le développement de référentiels communautaires pour accélérer la mise en place d’entreprises à impact. Je pense qu’il faudrait également accélérer sur la mise en place d’une taxe carbone aux frontières, sur la réindustrialisation du continent et sur la recherche commune. Une Europe sociale forte doit se déployer par le respect de l’environnement, le progrès scientifique et la souveraineté industrielle.

Propos recueillis par Marie-Hélène Brissot et Pierre-Etienne Lorenceau

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