La pandémie mondiale a révélé que nous ne maîtrisions pas tout. D’où l’importance de s’inspirer de ces entreprises qui, comme Pixar, s’autorisent à valoriser l’erreur.

"Errare humanum est" (Sénèque). "L’erreur est commune à tous les hommes" (Sophocle). "L’homme sage apprend de ses erreurs, l’homme plus sage apprend des erreurs des autres" (Confusius). "Certaines erreurs sont des étapes vers la vérité" (Robert Musil). "Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux" (Samuel Beckett). La liste de citations vantant les mérites de l’erreur pourrait s’étaler sur des pages et des pages. Pourtant, rien n’y fait. Le message qu’elle véhicule peine à se diffuser au sein de la culture et de l’imaginaire collectif français. Il faut dire que la peur de l’échec nous est inculquée dès notre plus jeune âge. Notre système éducatif considère, en effet, que les bons élèves ne se trompent pas ou si peu. 

Et, malgré les nombreuses études en neurosciences qui attestent de la participation de l’erreur au processus d’apprentissage, cette phobie infuse le monde de l’entreprise. Selon un sondage Ipsos, 83% des Français estiment ainsi que l’on dévalorise trop souvent les personnes qui subissent un échec dans la vie professionnelle. Difficile, par exemple, de justifier lors d’un entretien d’embauche ces deux années consacrées au développement d’un projet entrepreneurial qui finalement n’a pas porté ses fruits. En France, pays où l’idée de seconde chance reçoit encore peu d’écho, seul l’échec retiendra l'attention du recruteur et non l’état d’esprit d’entrepreneur ou la capacité à prendre des risques valorisés outre-Atlantique.

83% des Français estiment que l'on dévalorise trop souvent les personnes subissant un échec dans la vie professionnelle.

Cette conception négative de l’erreur tend à développer un certain mal-être au sein des entreprises qui acceptent mal les erreurs de leurs salariés. Ces derniers vivent, quant à eux, dans la crainte et l’angoisse permanentes d’en commettre. En somme, l’erreur agit comme une épée de Damoclès et ce alors même que la crise du coronavirus nous a renvoyés à notre propre humilité. En effet, durant la période, comme le résume Guillaume Rabel-Suquet, DRH du Groupe Manitou, "du comité de direction aux équipes opérationnelles", "les fonctions support comme les managers", tout le monde a dû "accepter de se tromper, savoir dire “je ne sais pas” tout en trouvant in fine des solutions". 

Droit à l’erreur

La crise a donc sonné comme une invitation à changer le regard porté sur l’erreur. Mais, cela suppose, dans un premier temps, de dissocier erreur, échec et faute. Les cultures perfectionnistes ont tendance, en effet, à ne pas faire la différence entre se tromper, c’est-à-dire commettre une erreur, et ne pas atteindre un objectif, c’est-à-dire échouer. Or, cette confusion peut conduire à ignorer les erreurs, à en minimiser la portée ou, dans une logique autrement plus culpabilisante, à rechercher des responsables. Au risque alors de tomber dans le registre de la faute qui, contrairement à l’erreur et l’échec rarement intentionnels, témoigne d’un manquement aux prescriptions ou d’une transgression consciente des règles en vigueur. Or, si faute il y a, c’est du côté de la persévérance dans l’erreur qu’il faut la chercher.

L'erreur booste l'innovation.

Car, l’erreur permet d’apprendre et présente même certaines vertus. L’histoire regorge d’anecdotes dans lesquelles l’erreur se trouve à l’origine de découvertes plus ou moins grandes comme celles de l’Amérique ou de la tarte Tatin. Les sportifs savent mieux que nul autre combien la performance est indissociable de nombreux ajustements qui représentent autant de façons de rectifier des erreurs. Accepter le principe même de l’erreur permet non seulement de diminuer le stress, d’optimiser l’organisation du travail et de développer les compétences mais aussi, et surtout, d’améliorer les performances d’une entreprise. Car, l’erreur booste l’innovation. 

Apprendre de ses erreurs

Aussi, n’est-il pas surprenant que les entreprises de la tech, du digital ou de l’animation soient les plus à même de valoriser l’erreur. Cela peut passer, comme chez BlaBlaCar, par un système de feed-back individuel lorsqu’une erreur a été commise. La branche bancaire d’AXA a, quant à elle, choisi d’introduire un moment d’échange autour des erreurs vécues dans le cadre de l’entretien annuel d’évaluation. Mais, les temps de discussion peuvent tout aussi bien être partagés collectivement et venir s’intercaler entre chaque projet comme c’est le cas chez Pixar. 

En effet, pour ne pas risquer de reproduire les mêmes erreurs, les équipes du studio d’animation ne sauraient échapper à l’épreuve de la réunion "post-mortem" qui consiste à réaliser une analyse a posteriori des forces et des faiblesses du projet. Une fois le travail terminé, chaque personne est invitée à identifier les cinq choses qu’elle ferait de la même manière et les cinq choses qu’elle ferait différemment. Ces listes permettent de mettre en perspective ce qui a été fait et donc de comprendre pourquoi il en a été ainsi et pas autrement. Elles présentent également un intérêt pédagogique: d’une part, elles couchent sur le papier ce qui a été appris avant de l’oublier et, d’autre part, elles assurent le transfert de connaissances avec ceux qui n’ont pas participé à l’expérience.

Malgré ces avantages indéniables, la résistance à l’auto-évaluation demeure forte dans de nombreuses entreprises. D’où toute l’importance, selon Ed Catmull, cofondateur à la retraite des studios Pixar, d’institutionnaliser le processus. Le simple fait de planifier des réunions post-mortem "génère 90 % de la valeur de celles-ci" car elles "forcent les équipes à la réflexion profonde dès la préparation". Devenues rituelles, ces réunions permettent de soulever avec plus de sérénité des problèmes d’ordre personnel, ce qui empêche le ressentiment de s’installer. Un atout indéniable dans une période aussi incertaine que celle nous traversons. 

Marianne Fougère

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