Si le nouvel ouvrage du fondateur de Reconquête est bien parti pour devenir un succès commercial, cela ne signifie pas pour autant que l’ancien candidat jouera un rôle politique de premier plan à l’avenir.

Une foule en liesse, des queues interminables, des séances de dédicace qui durent des heures et causent des crampes aux mains. En ce début du mois d’avril, Éric Zemmour peut avoir le sourire. Les premiers déplacements de la tournée promotionnelle de son nouvel ouvrage, Je n’ai pas dit mon dernier mot, sont un succès. Pour sa garde rapprochée, et sûrement pour lui-même, les choses sont claires : sa carrière politique n’est pas terminée et il peut revenir en force. C’est oublier un point fondamental : succès littéraire et succès électoral ne sont pas liés.

Le syndrome Sarkozy

Nicolas Sarkozy ne dira pas le contraire. En janvier 2016, l’ancien président de la République qui a repris du service à la tête de LR publie La France pour la vie. Il entame une tournée promotionnelle, notamment dans la "France périphérique". Partout l’accueil est enthousiaste et le livre se vend comme des petits pains. 173 700 exemplaires trouvent preneurs. Ce qui l’incite à se porter candidat lors la primaire de la droite et du centre. Une bérézina. Avec 20,7% des suffrages, il termine loin derrière ses rivaux Alain Juppé (28,6 %) et François Fillon (44 %)

Que s’est-il passé ? L’ancien président pensait que le succès littéraire était une preuve de popularité. En réalité, les séances de signatures publiques ont fait déplacer ses fans qui, bien que nombreux, sont peu représentatifs de la population. Sans parler de son côté "people" qui a attiré les foules dans les hypermarchés, les Fnac ou les librairies.

Fans ou électeurs ?

Éric Zemmour est bien parti pour tomber dans le même piège. S’il est possible que son témoignage dépasse les 300 000 exemplaires de La France n’a pas dit son dernier mot publié juste avant son entrée en politique, il risque fort de s’adresser à une base déjà acquise qui achète toutes les productions de son idole de manière quasi pavlovienne.

Attention, les fans qui demandent une dédicace ne sont pas représentatifs des électeurs

 Les premiers déplacements montrent d’ailleurs qu’il s’adresse à une cible marketing restreinte : la droite de la droite identitaire. Si Nicolas Sarkozy allait partout, ce n’est pas le cas de l’ancien journaliste. Pour le moment, il s’est rendu uniquement dans ses places fortes, c’est-à-dire les lieux où réside une bourgeoisie conservatrice. Ainsi, le 29 mars, il démarre sa tournée à Deauville, avant de se rendre deux jours plus tard à Versailles à l’invitation des Éveilleurs, groupe catholique identitaire. Puis il continue son tour de France sur la Côte d’Azur, le 2 avril à Cogolin, situé au cœur de la circonscription où il a réalisé son meilleur score à la présidentielle, avant d’enchaîner par Nice et Cannes.

Marketing personnel

Le nouveau livre devrait donc lui permettre de faire un retour en force dans les médias, de s’enrichir et d’accroître son patrimoine. Et ce d’autant plus qu’il s’autoédite. En revanche, pour un retour en force dans l’arène politique, les choses sont plus compromises. Nombre de soutiens ont quitté le navire, parfois en publiant des livres vengeurs. C’est le cas de Jacline Mouraud ou de Jérôme Rivière qui, dans Jacline qui ? (Bouquins) et Zemmour ? Ben Voyons ! (Éditions du Rocher), le dépeignent comme un bourgeois égoïste coupé des classes populaires, doctrinal, cassant et sous l’emprise de sa maîtresse Sarah Knafo. En outre, ses saillies contre le RN et LR ainsi que ses résultats aux législatives rendent difficile, voire impossible, son rêve de devenir l’architecte de l’union des droites. Toutefois, même s’il semble "grillé" politiquement, il peut enfiler les habits de gourou auprès d’un segment de la population. Comme son soutien et ami Philippe de Villiers, ou Florian Philippot, devenu l’un des responsables politiques les plus influents sur les réseaux sociaux en dépit d’un poids électoral quasi inexistant.

Éric Zemmour pourrait suivre le chemin de Florian Philippot : devenir un gourou influenceur sans poids politique

Bons candidats, piètres vendeurs

Inversement, certaines personnalités publiques connaissent de véritables succès électoraux malgré des performances littéraires en demi-teinte. Éric Zemmour méprise Marine Le Pen qu’il juge inculte. Il est vrai que cette dernière n’a pas la culture de l’ancien chroniqueur du Figaro. Sa seule incursion en librairie date de 2012. Pour que vive la France a séduit 13 000 lecteurs. Ce qui ne l’empêche pas de faire du RN le premier parti parmi les classes populaires et de se qualifier deux fois à un second tour de présidentielle. De même, Jean-Luc Mélenchon est devenu depuis 2017 le champion de la gauche française dans les urnes. Pourtant, dans les librairies, il est en retrait. Et ainsi de suite, publié en 2019, a tenté 12 000 lecteurs.

Terminons cet article par la pire des configurations pour une personnalité politique : un mauvais score électoral combiné à de mauvaises ventes. C’est le cas d’Anne Hidalgo qui, en plus d’un score de 1,7 % au premier tour de la dernière présidentielle, a écoulé 2 861 exemplaires de son ouvrage Une femme française. Un chiffre qui devrait rendre jaloux Julien Bayou qui, de son côté, n’a vendu que 573 exemplaires d’En vert et avec tou.tes.

Lucas Jakubowicz

Graphique

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