Reconquête ! joue sa survie et sa crédibilité le 9 juin. Mais il peine à trouver une stratégie de campagne claire. Faut-il attaquer le RN ou le préserver ? Faut-il parler d’Europe ou se cantonner aux enjeux nationaux ? Faute de ligne directrice, le parti est inaudible et les tensions internes se renforcent.

Reconquête ! est au pied du mur. Qu’il est loin l’enthousiasme des débuts où le parti était testé au-dessus de 15 % au premier tour de la présidentielle. La petite entreprise d’Éric Zemmour s’est effondrée à mesure que la campagne avançait, n’a aucun député à l’Assemblée nationale, souffre de dissensions et a un cruel besoin d’argent pour continuer à survivre. Le scrutin européen pourrait remplir les caisses et crédibiliser le parti qui obtiendrait des élus. Pour cela, un score supérieur à 5 % est obligatoire le 9 juin au soir. Pour le moment, il oscille entre 5,5 % et 7 % dans les études d’opinion. Rien n’est joué.

Maréchal, la revoilà

Pour réussir sa mission de survie, Reconquête ! a propulsé en tête de liste Marion Maréchal, devenue la pasionaria de la droite identitaire. La médiatique trentenaire est capable de parler aussi bien à la base qu’aux électeurs RN. Parmi les personnalités en position éligible, on retrouve des grognards du zemmourisme qui sont montés à bord du navire dès les premiers jours. La seconde place est occupée par l’ex-LR Guillaume Peltier, la troisième est dévolue à Sarah Knafo, conjointe et éminence grise du "boss". Les places 4, 5 et 6 qui seraient éligibles en cas de score supérieur à 5 % sont réservées à Nicolas Bay, eurodéputé transfuge du RN, à Laurence Trochu, ex-figure de la Manif pour Tous, et à Stanislas Rigault, médiatique président de Génération Z, le mouvement de jeunesse du parti. Si les troupes sont en ordre de bataille, la stratégie est encore floue. Le parti n’a pas tranché l’épineuse question des relations avec le RN. Faut-il l’épargner ou l’attaquer ?

Le RN, allié ou ennemi ?

Deux lignes s’affrontent en même temps. Marion Maréchal est plutôt conciliante avec le Rassemblement national. Le 3 mai, elle a reconnu être en "concurrence électorale" avec lui tout en précisant : "Cela n’enlève rien au fait que, demain au Parlement européen, j’espère que nous pourrons travailler ensemble."

Elle avance également l’argument du vote utile. Les députés Reconquête ! siégeront au sein du CRE (Conservateurs et réformistes européens) aux côtés notamment du PiS polonais ou du parti de Giorgia Meloni. Un groupe qui, selon Marion Maréchal, pèse à l’inverse d’Identité et démocratie (ID) auquel est rattaché le RN. Cette assertion, au passage, ne se vérifie pas forcément. Éric Zemmour et Sarah Knafo adoptent une sémantique différente de celle de la tête de liste. Dans un entretien accordé au Figaro le 26 avril, cette dernière a opposé son parti "très haut dans le courage" à son concurrent d’extrême droite "très haut dans les sondages" qui prend des décisions "en fonction de l’humeur du jour, des sondages de la veille, du récit médiatique".

Reconquête d’électeurs

Pour dépasser la barre des 5 %, le parti doit retrouver son score de 7 % de la présidentielle, ce qui suppose de garder le gros des électeurs de Zemmour en 2022. La moyenne des sondages montre que, pour le moment, 7 électeurs sur 10 lui restent fidèles. Mais 30 % ont migré chez Jordan Bardella, une manne qui pourrait manquer à Reconquête, lequel aura fort à faire pour les ramener dans son giron. Et pour cause, les électeurs du RN sont pour le moment ceux qui sont les plus sûrs de leur choix.

Lucas Jakubowicz

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