Le contrat de fiducie permet de sécuriser tout nouvel apport de cash dans une société
Décideurs. En février 2012, vous avez créé avec le Crédit agricole CIB et la Caisse des dépôts l’Association française des fiduciaires. Pouvez-vous nous en expliquer le contexte et la finalité ?
Stéphan Catoire.
Equitis est la première société de gestion fiduciaire à avoir proposé l’usage de la fiducie dans les contrats pour différents types d’applications. Or, il se trouve qu’il nous a été demandé de reprendre des contrats de fiducie que nous n’avons pas estimés conformes à l’esprit de la fiducie tel que nous l’entendions. Nous avons donc décidé, en coordination avec la Caisse des dépôts et le Crédit agricole CIB, qui ont également une expérience solide en matière de contrats de fiducie, de créer cette association. Le but étant de rassembler les fiduciaires afin d’échanger sur le métier, sur les difficultés rencontrées et de travailler sur des propositions à soumettre au législateur. Nous avons souhaité également établir des règles déontologiques formelles quant à l’usage des contrats de fiducie à travers l’édition d’une charte de bonne conduite.

Décideurs. Quels sont les avantages du contrat de fiducie dans le cadre d’entreprises en difficulté ?
S. C.
Avant l’instauration de la fiducie, quand un entrepreneur souhaitait refinancer son BFR en mobilisant par exemple une immobilisation, il pouvait utiliser soit le lease back soit le crédit hypothécaire. Or le lease back est cher, il dégrade fortement l’Ebit de la société et il est difficile de gérer le problème des plus-values à l’issue du contrat. Au sujet de l’hypothèque, en cas de redressement, cette garantie du contrat de prêt n’est pas la meilleure solution pour protéger les créanciers. Au contraire, dans un contrat de fiducie, même si l’entreprise traverse une période de difficulté, l’actif apporté dans le patrimoine d’affectation sort du patrimoine du constituant et s’inscrit à l’actif du bilan du fiduciaire. En cas de défaillance du débiteur, le fiduciaire est obligé de respecter les obligations du contrat et de vendre le bien pour rembourser les créanciers. Par ailleurs, à l’heure actuelle, la fiducie est le seul contrat qui ne peut pas être dénoncé par les administrateurs judiciaires, même si le contrat a été signé en période suspecte, mais à la condition que cette apport d’actif dans une convention de fiducie soit accompagné d’un apport de cash correspondant. Pour le prêteur de new money, la fiducie est donc la reine des suretés.

Décideurs. Dans quelles circonstances le contrat de fiducie pourrait-il être utilisé ?
S. C.
Aujourd’hui, le contrat de fiducie permet de sécuriser tout nouvel apport de cash dans une société par un banquier, un investisseur ou un actionnaire à condition que la valorisation des actifs qui seraient apportés dans le contrat de fiducie soit justifiée par une expertise indépendante à dire d’expert. Ensuite, si une entreprise est en difficulté et qu’elle souhaite mettre un bien en fiducie, il est préférable de passer par un conciliateur lors de l’opération de mise en fiducie afin d’agir en toute transparence vis-à-vis du tribunal et des tiers concernés. Enfin, les mandataires judiciaires et les administrateurs judiciaires ont également un rôle important à jouer. En effet, la loi a prévu que le constituant pouvait nommer un tiers protecteur qui contrôle la mission du fiduciaire. Si une entreprise est en difficulté, ces deux acteurs pourraient donc être nommés par l’entreprise pour vérifier si l’actif est bien géré.

Décideurs. Pouvez-vous nous donner un exemple concret d’utilisation d’un contrat de fiducie ?
S. C.
Nous avons géré par exemple un plan de sauvegarde de l’emploi pour l’entreprise Rol Pin, filiale du groupe Smurfit Kappa France. En pleine restructuration, un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) a été mis en place et a obtenu l’adhésion des partenaires sociaux et de tous les salariés. Entre-temps, une entreprise a fait une offre d’achat sur Rol PIN. Smurfit souhaitait que le plan de sauvegarde soit respecté et appliqué. L’intégralité du PSE a donc été apportée dans une fiducie gestion. Equitis a donc géré pendant un an et demi les salaires, les indemnités légales et contractuelles et toutes les mesures d’accompagnement prévues dans le PSE. Le cédant a donc pu honorer le PSE prévu pour les salariés et l’acquéreur n’a pas eu à s’occuper de la mise en place de ce dernier. Nous avons également coordonné le refinancement d’une entreprise par deux banques garanti par la mise en place d’une fiducie sûreté sur les titres d’une SCI. Entretemps, l’entreprise étant placée en redressement judiciaire, nous avons vendu le bien pour rembourser les banques puis apporter le solde disponible à la société en RJ. Dans ce cas précis, si les banques avaient eu recours à un crédit hypothécaire elles n’auraient pas été remboursées à 100 % comme cela a été le cas avec la mise en place d’une fiducie sûreté.


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