Source de diversification et de professionnalisation de l’investissement, le réinvestissement via des fonds d’investissement dans le cadre des opérations d’apport-cession présente des avantages mais également des contraintes spécifiques.

Rappel du mécanisme de remploi et possibilité de réinvestissements éligibles via des fonds d’investissement

La plus-value de cession de valeurs mobilières constatée lors de de l’apport de titres à une société contrôlée par l’apporteur bénéficie d’un report d’imposition. En cas de cession des titres apportés dans les 3 années suivant l’apport, le report d’imposition est maintenu en cas de réinvestissement de 60 % du prix de cession dans des réinvestissements économiques éligibles, et ce dans les 24 mois suivant la cession.

Origine du texte et évolution

Initialement restreints aux investissements en direct dans des sociétés, les investissements indirects via des fonds d’investissement ont été rendus possibles par la loi de finances pour 20191. Les capitaux destinés à être investis dans des fonds devaient être appelés avant le terme des 24 mois suivant la cession. Afin d’être plus en phase avec le modèle économique des fonds, la loi de finances pour 2020 a assoupli les modalités de réinvestissement en permettant aux fonds d’appeler les capitaux sur une période de 5 ans. Cette ouverture permet de déléguer la sélection et la gestion de participations à des professionnels du Private Equity.

Fonds éligibles

Les structures d’investissement peuvent prendre les formes suivantes : FCPR, FPCI, SLP, SCR ou encore des organismes similaires d'un autre État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'EEE ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales (Islande, Norvège et Liechtenstein).

 "Mirabaud & Cie a créé un mandat spécifique pour conseiller ses clients dans leurs réinvestissements éligibles. Ce mandat a pour objet de construire leur univers d’investissements au travers de fonds externes audités"

Au terme de la période d’appels de fonds (5 ans à compter du premier engagement de souscription), le fonds doit être composé à hauteur de 75 % de réinvestissements éligibles à savoir :
- de parts ou actions reçues en contrepartie de souscriptions en numéraire au capital initial ou à l'augmentation de capital d'une ou plusieurs sociétés exerçant une activité éligible et répondant aux conditions de régime fiscal et de siège de direction effective ;
- ou de parts ou actions émises par de telles sociétés lorsque leur acquisition leur en confère le contrôle, ou lorsque le fonds, la société ou l'organisme est partie à un pacte d'associés ou d'actionnaires et détient plus de 25 % du capital et des droits de vote d'une telle société concernée par ce pacte à l'issue de cette acquisition3.
 

L’éligibilité à l’a.150-0 B ter du CGI impose des contraintes :
- Sur la zone géographique des investissements,
- Sur la nature des prises de participation,
- Sur le respect de certaines temporalités sur l’appel des fonds et le déploiement.

Nous pouvons nous demander dans quelle mesure ces contraintes peuvent au final dégrader la qualité des investissements réalisés. La réponse est variable selon les fonds et le contexte économique durant la période de réinvestissement.

 

Fonctionnement spécifique

Depuis le 1er janvier 2020, la souscription s'entend de la signature par la société holding d’un engagement de souscription auprès du fonds éligible, pour un montant minimum. C’est ce montant qui est pris en considération dans le seuil de 60 % du prix de cession à réinvestir. La société de gestion s’engage à appeler dans les 5 années suivant l’engagement de souscription le montant indiqué. Dans ce même délai, le fonds doit investir les capitaux collectés pour atteindre les quotas indiqués précédemment. En d’autres termes, 5 ans après la première souscription et 5 ans après la dernière souscription, l‘intégralité des fonds doit avoir été appelée et le fonds doit, à des dates qui peuvent être éloignées, respecter les ratios d’éligibilité.

Dans une industrie de fonds de private equity qui appelle plutôt progressivement, au fur et à mesure des investissements, les capitaux, les fonds éligibles à l’article 150- 0 B ter du CGI doivent faire preuve d’agilité et de grande prudence pour sécuriser et verrouiller le calendrier fiscal à respecter. Certains fonds exclusivement dédiés aux réinvestissements dans le cadre d’opérations d’apport-cession ont des périodes de souscription limitées avec une libération totale des capitaux dès la souscription. Concernant les fonds ouverts également à des investisseurs non soumis à une contrainte de réinvestissement, des parts spécifiques à libération immédiate peuvent être prévues. Des périodes spécifiques de souscription pour les investisseurs « 150-0 B-ter » peuvent être prévues. L’appel immédiat et total ainsi que la conservation de liquidités dans l‘attente du déploiement peuvent dégrader le TRI.

Engagement de durée de détention

En cas de réinvestissement indirect, les parts des fonds doivent être conservées pendant 5 ans à compter de leur souscription. Pour mémoire, les autres réinvestissements éligibles doivent être conservés pendant une durée de 12 mois, encore faut-il que ces actifs soient liquides 12 mois après leur réalisation.  Un non-respect de l’engagement de conservation ou un fonds dont la composition ne remplirait pas les critères au terme des 5 ans entraînerait une remise en cause du report d’imposition. Les intérêts de retard dus par le contribuable seraient décomptés à partir de la date à laquelle est intervenu l'apport des titres.

Contraintes en cas de donations des titres de la société holding

Dans l’objectif de préparer la transmission de son patrimoine, des donations pourraient également être envisagées afin d’effacer les plus-values latentes. Un point d’attention sur les plus-values en report d'imposition : les donataires ne pourront céder les titres reçus sous peine de remettre en cause la plus-value en report d’imposition sauf à respecter des délais de conservation suite à la donation. Ce délai est de 5 ans lorsqu’aucun des réinvestissements n’a été réalisé via des fonds d’investissement. Ce délai est porté à 10 ans en cas de réinvestissement dans des fonds éligibles. 


Sur l'auteur

Nicolo Acquari est ingénieur patrimonial pour Mirabaud & Cie. Il intervient auprès des clients sur des sujets juridiques et fiscaux, tout particulièrement durant les phases préalables aux cessions d’entreprises.

1 Article 115 de la loi 2018-1317 du 28 décembre 2018
2 Article 106 de la loi 2019-1479 du 28 décembre 2019
3 BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60-20 n° 220, 18-8-2020
4 BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60-20 n° 215, 18-8-2020
 

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