Présent sur les infrastructures depuis 2006, Russell Investments croit fortement à cette classe d’actifs qui séduit de plus en plus d’investisseurs institutionnels grâce à ses nombreux atouts, et ce malgré son caractère illiquide. Le point avec Riccardo Stucchi, Country Manager chez Russell Investments France.



Décideurs. Expliquez-nous ce que sont les infrastructures.

Riccardo Stucchi. Les infrastructures appartiennent au terrain des actifs privés, donc illiquides, ayant une fonction sociale essentielle. Il s’agit d’actifs généralement publics, avec parfois des partenariats publics-privés, et souvent pilotés dans un régime de monopole ou d’oligopole. Leur champ d'application très large comprend les barrages, les autoroutes, les réseaux énergétiques...

"Le marché est estimé à 650 milliards de dollars, avec une prévision de croissance de l’ordre +25 % d'ici à 2025"

Selon les derniers chiffres de l’association CAIA, le marché global des infrastructures est estimé à 650 milliards de dollars, avec une prévision de croissance de l’ordre de 25 % d'ici à 2025. Pour comparaison, le private equity représente 4 500 milliards de dollars.

Quelles en sont les spécificités ?

Nous pouvons associer deux principales caractéristiques aux infrastructures et, en premier lieu, la protection contre l'inflation. Les contrats peuvent être revus trimestriellement, et sont par conséquent fortement liés à l’évolution de l’inflation, comme les contrats de fournitures en énergie. De ce fait, les coupons perçus par les investisseurs prennent en compte ces augmentations. Le cashflow constitue le deuxième élément distinctif des infrastructures. Les flux récurrents sous forme de coupons, que l’on retrouve dans le marché obligataire, sont recherchés par les investisseurs. Cela correspond aux besoins des institutionnels tels que les mutuelles ou caisses de retraites, mais également de certains particuliers ou de banques privées.

Par ces deux caractéristiques essentielles, les infrastructures se distinguent notamment du private equity. Nous pouvons également mentionner deux autres spécificités des infrastructures non cotées, à savoir leur décorrélation au marché global et leur volatilité plus faible constatée au cours des dix dernières années. Il s’agit en effet d’une classe d’actifs décorrélée des autres marchés qui sait naviguer à travers les cycles de marché, avec en particulier une corrélation négative avec le S&P 500 et donc le marché actions. La nature à long terme de cette classe d’actifs en réduit en effet la volatilité historique.

"Il s’agit d’une classe d’actifs décorrélée des autres marchés"

Par ailleurs, la perte maximale des infrastructures non cotées sur les vingt dernières années a été de 14 % contre 46 % sur le S&P 500. Nous observons ainsi leur propriété de protection globale. Si nous prenons en compte le fait que, sur le long terme, les infrastructures approchent des 10 % de rendement annualisé, il est facile de comprendre le caractère particulièrement attrayant du rapport entre rendement et risque.

Les infrastructures s’adressent-t-elles uniquement aux institutionnels ?

Les types de structures en question ont la caractéristique de se déployer sur le long terme et s’adressent ainsi plus logiquement à des investisseurs institutionnels. Par leur propre nature donc, probablement oui. Est-ce exclusif ? Non. Le monde des actifs privés se dirige de plus en plus vers une démocratisation, avec la possibilité d’investir sur des montants et des durées plus réduits. Nous le faisons en infrastructures sous forme de fonds beaucoup plus liquide, qui permet des entrées et sorties de façon relativement flexible.

Parlons de la liquidité justement.

Ce sont typiquement des actifs de long terme dans lesquels les investisseurs s’engagent et restent « bloqués » entre 10 et 15 ans. Il existe d’autre part des infrastructures cotées en Bourse qui sont des entreprises des secteurs énergétiques, de construction ou de transport par exemple, dont les produits et services sont directement liés aux infrastructures.

Il existe néanmoins des solutions pour rendre les infrastructures non cotées plus liquides qu’elles ne le sont normalement. Nous avons ainsi créé un fonds de fonds ouvert « evergreen » où la période de lock-up est réduite à trois ans, et non de douze ou quinze. Tous les trois mois, et après la période de blocage, des fenêtres de liquidité permettent aux investisseurs d’entrée ou de sortir. Tout cela est rendu possible grâce à une ingénierie produit poussée, en gérant intelligemment le cycle de vie des fonds sous-jacents et en utilisant des fonds secondaires.

Qu’en est-il de la performance de ce type de fonds ?

Nous avons choisi six stratégies au profil de risque « Core-Plus », avec des projets stables procurant des cashflows immédiats, ne prévoyant pas de développement ou de construction mais plutôt de la réorganisation. Les aéroports par exemple génèrent des revenus colossaux et réguliers. Nous choisissons des fonds déjà actifs et opérationnels ou « brown field » pour reprendre le terme anglo-saxon, par opposition aux fonds « green field » qui sont en démarrage. Un barrage par exemple prend des années à construire et à pouvoir être exploité.

Nous arrivons ainsi à éviter la courbe en J qui caractérise ce type d’investissement, cette phase de rendement négatif, les premières années, due au déploiement des capitaux et à la période de construction des infrastructures. Cela permet de donner aux investisseurs des rendements positifs dès le début. L’objectif de performance du fonds Global unlisted infrastructure est de 4 % au-dessus de l’inflation des pays développés, autrement dit CPI + 4 %, et un rendement ou distribution de l’ordre de 5 %.

ISR et infrastructures font-ils bon ménage ?

Par leur fonction sociale, les infrastructures sont particulièrement adaptées à l’ISR. Nous parlons de services essentiels à la vie économique, liés aux Objectifs de développement durable, et ce sur trois secteurs clés en particulier sur le fonds évoqué, qui est classé Article 8 SFDR : les énergies renouvelables, le numérique et les services aux collectivités qui se prêtent précisément aux aspects ESG. Nous choisissons des projets eux-mêmes classifiés Article 8 SFDR.

Allons-nous vers une démocratisation des infrastructures au même titre que le private equity ?

C’est une question globale pour toute maison qui essaie de distribuer ce type de produits à travers les réseaux bancaires. Par leur nature, ces investissements ont un caractère institutionnel. Le tout est de maintenir cette qualité institutionnelle, et de faire évoluer l’offre pour l’orienter vers la distribution et l’adapter aux particuliers. Les fonds de private equity ont commencé ce chemin récemment.

"Les infrastructures doivent d’abord grossir chez les institutionnels"

Cela étant dit, les infrastructures doivent d’abord grossir chez les institutionnels, ce qui semble être dans l’ordre des choses. En effet, 66 % des investisseurs en infrastructures prévoient d’augmenter leur allocation dans cette classe d’actifs, tandis que le poids des actions cotées est en baisse. Les grands gagnants sont les actifs privés. Nous abordons ce marché de manière structurelle et stratégique et pensons qu’un cycle positif pluriannuel pour les infrastructures est en marche.

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