Retour des secteurs traditionnels, business models inadaptés, dossier Casino. Pierre-Olivier Chotard, secrétaire général du Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) revient sur l’actualité du Ciri dans un contexte de recrudescence des défaillances d’entreprises.

Décideurs. Doit-on être rassuré d’un retour à la normale qui implique une hausse du nombre de défaillances d’entreprises ?

Pierre-Olivier Chotard : Le Ciri assiste effectivement à une normalisation quantitative du nombre de dossiers de restructuration à l’image de leur recrudescence dans le reste de l’économie. Les chiffres montrent que nous retrouvons le volume d’avant la crise sanitaire. Ce rattrapage n’est pas particulièrement inquiétant dans la mesure où il correspond aux statistiques des vingt dernières années, avec une moyenne annuelle autour de 50 000 défaillances d’entreprises. La situation n’est pas catastrophique. Par ailleurs, en France, les entreprises restent dans leur grande majorité créatrices de valeur. Si certaines disparaissent du tissu économique, cela fait partie de la vie de l’appareil productif. L’essentiel étant que l’activité et l’emploi soient maintenus, ce qui est le cas aujourd’hui.

Est-ce le signal que la page de la crise sanitaire est bel et bien tournée ?

Effectivement, c’est la preuve que la réponse des politiques publiques a été adéquate sur les trois dernières années. Par ailleurs, la France dispose d’un tissu économique robuste, et, malgré les tensions, les entreprises, dans l’immense majorité des cas, continuent de croître.

Qu’observez-vous dans les dossiers que vous recevez au Ciri ?

Notre activité en 2023 a été sensiblement plus élevée qu’en 2022, avec les mêmes ordres de grandeur que l’ensemble de l’économie française. Nous avons vu un retour des secteurs traditionnels. Là où, pendant la crise sanitaire, les transports et l’hôtellerie ont beaucoup souffert et nous ont beaucoup sollicité, depuis fin 2022, nous sommes davantage intervenus sur des dossiers du secteur secondaire et industriel, traditionnellement notre cœur d’activité. C’est également un retour à la normale sur le plan sectoriel.

"Le cas de figure de Casino est un dossier de place. Une telle restructuration financière a déformé nos statistiques"

Vous avez a été amené à suivre le dossier Casino, un cas hors norme pour le Ciri ?

Le cas de figure de Casino est un dossier de place. Une telle restructuration financière a déformé nos statistiques. En France, le groupe Casino impliquent 50 000 salariés, or les dossiers que nous recevons en comptent en moyenne 2 000. Le montant de la dette de cette enseigne de grande distribution est de plus de 7 milliards de dettes, là ou les bilans que nous restructurons habituellement sont autour de 250 millions d’euros.

Comment a évolué l’accompagnement du Ciri au regard de l’évolution du nombre d’entreprises en difficulté ?

Notre stratégie est toujours la même, être disponible et à l’écoute des entreprises qui viennent à nous et les encourager à le faire. Nous avons noté une petite inflexion dans la nature des difficultés parmi celles qui viennent nous voir. En 2024, nous prévoyons d’avoir davantage à travailler sur les modèles d’affaires de retournement. Nombreuses sont celles qui doivent réinventer leur business model pour l’adapter aux grandes transitions actuelles.  

Qu’en est-il des problèmes de financement, en particulier de refinancement, souvent pointés du doigt comme le principal problème des entreprises en procédure collective ?

Le vrai problème est de réussir à ce que ces entreprises développent des modèles créateurs de valeur afin que les créanciers soient susceptibles de les financer dans le contexte actuel. Un certain nombre de modèles d’affaires sont émoussés et insuffisamment pérennes pour être convaincants face à leurs créanciers, qui, en parallèle, sont de plus en plus sélectifs. La solution est alors de transformer l’entreprise.

 

Propos recueillis par Céline Toni

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