La célèbre école d’ingénieurs annonce le lancement de CentraleSupelec Venture. Le fonds early-stage est parrainé par deux anciens élèves, aujourd’hui figures du capital-investissement, Jean-Marc Patouillaud, fondateur et DG de Partech, et Pierre Martini, directeur général d’ISAI. Rencontre avec ce dernier pour évoquer la stratégie originale de "carried interest " à destination de l’école.

Décideurs. Les fonds adossés aux grandes écoles sont fréquents aux États-Unis, et dans d’autres pays européens, comment CentraleSupelec Venture s’inscrit-il dans cette tendance en France ?

Pierre Martini. Nous avons vu fleurir ce type d’initiatives ces dernières années sous plusieurs formats. Certaines écoles ont créé leur propre société de gestion, d’autres ont fait appel à des sociétés déléguées, ou à des prestataires de services : il y a plusieurs modus operandi. Avec Partech, nous avons d’ailleurs déjà été consultés par des écoles qui s’étaient emparées du sujet et voulaient lancer un projet de ce type. Jean-Marc Patouillaud et moi avons vu un vrai engouement au sein de la fondation et de l’association des Alumni de CentraleSupélec pour soutenir les start-up de notre écosystème. Partech et ISAI avaient déjà investi dans des sociétés fondées par des élèves de CentraleSupelec ; nous savions que l’école était un excellent terreau d’innovation. Nous avons alors pris la décision il y a un plus d’un an de lancer un fonds early-stage avec l’école l’association des Alumni et la fondation.

Quelles sont les ambitions de ce fonds ?

Nous avons pour objectif de collecter entre 20 et 25 millions d’euros et nous avons fait un closing avec plus de 50 % de la somme, uniquement avec des alumni. Le fonds a pour stratégie d’investir en amorçage, avec des tickets allant de 150 000 à 500 000 euros, dans des start-up issues de l’écosystème de CentraleSupelec. Nous n’avons pas de secteurs privilégiés. Il est néanmoins probable que nos stratégies d’investissement soient alignées avec les thématiques prioritaires de l’école, c’est-à-dire la santé, la deeptech, la transition écologique et industrielle. Mais l’école est généraliste, il y a une grande variété d’initiatives, notre objectif est de soutenir l’innovation au sens large.

"Lorsqu’un élève ou alumni crée une société qui vaut des centaines de millions d’euros, rien ne va à l’école. Aujourd’hui, CentraleSupelec Venture institutionnalise la logique de give back"

L’existence d’un véhicule d’investissement rattaché à une école va-t-elle devenir une norme et donc jouer un rôle dans l’attractivité d’un établissement ?

C’est une tendance à l’échelle mondiale et il serait anachronique de ne pas en avoir. Pour moi, il s’agit toujours de fournir aux élèves ou alumni toute l’infrastructure nécessaire – le financement en fait partie – pour leur permettre de devenir des entrepreneurs ; pour moi, c’est indispensable. Mais l’idée de CentraleSupelec n’a pas pour unique but de servir les alumni. Jean-Marc Patouillaud et moi avons pensé le projet dans une logique de "give back" à destination de l’école. Depuis toujours, CentraleSupelec met à disposition de ses alumni un environnement d’apprentissage qui leur permet de devenir des entrepreneurs brillants mais auparavant, en dehors des dons qui venaient de la fondation, il n’y avait pas de retour de financement vers l’école. Lorsqu’un élève ou alumni crée une société qui vaut des centaines de millions d’euros, rien ne va à l’école. Aujourd’hui, CentraleSupelec Venture institutionnalise la logique de give back pour l’école avec 50 % du carried interest qui lui revient ; c’est un cercle vertueux.

Lorsque l’université fournit à la fois l’environnement d’apprentissage, le financement, le réseau, n’y a-t-il pas un risque de limiter l’innovation en fonctionnant en cercle fermé ?

Non, la communauté d’almuni est vaste, elle compte 50 000 personnes. De plus, il s’agit d’une brique de financement parmi d’autres ; souvent le montage se fait en syndication, il n’y a aucune velléité de garder les start-up en cercle fermé. Enfin, c’est un fonds d’amorçage, une première étape dans la vie d’un projet entrepreneurial qui, pour se développer, aura besoin à terme de nouveaux relais de croissance et de financement.

Propos recueillis par Céline Toni

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