Yann Dever et Jean Wilfried Diefenbacher ont plus de vingt-cinq ans d’expérience, notamment dans le conseil aux entreprises publiques et privées sur des situations particulières. Tous deux banquiers d’affaires chez Ondra, et fortement mobilisés sur des restructurations et transactions complexes, ils reviennent sur les moments marquants de leurs carrières. 

Décideurs. Pourquoi ce métier, qu’est-ce qui vous passionne depuis vingt-cinq ans en tant que banquiers d’affaires ?

Jean Wilfried Diefenbacher. Le métier de banquier d’affaires est extrêmement riche. Les dossiers sont très diversifiés et aucun ne se ressemble. Il faut toujours se réinventer. Pour ce qui est de la stimulation intellectuelle, c’est tout à fait passionnant, vraiment fondamentalement intéressant.

Yann Dever. Je partage l’avis de Jean Wilfried. Nous avons cette chance extraordinaire de découvrir des situations nouvelles, chaque fois différentes. Au-delà de la technicité dont nous devons faire preuve, nous rencontrons des personnes confrontées à des situations particulières. C’est le moment où les masques tombent et que les forces et les faiblesses se révèlent : celles des dirigeants, de l’entreprise, et de son secteur d’activité. Nous y trouvons aussi les effets de levier à exploiter. J’ajouterai que dans notre structure, chez Ondra, nous jouissons d’une totale indépendance. Nous avons la liberté de toujours agir au mieux, dans l’intérêt de nos clients, sans conflit d’intérêts et sans aucune pression de structure.

Quelles sont les qualités à avoir ?

Y. D. Il est indispensable d’être à l’écoute et de rester maître de ses émotions, sans parler des qualités techniques qui sont un prérequis. Une crise, une restructuration sont un choc pour le dirigeant comme pour les salariés. D’où l’importance pour le banquier d’affaires de prendre de la hauteur et se détacher émotionnellement afin de permettre aux dirigeants d’adopter les bonnes décisions. Je dis souvent : « Les conseils sont là pour mettre de l’huile dans les rouages, pas pour en jeter sur le feu. »

J. W. D. Je suis entièrement d’accord avec Yann. L’écoute, la maîtrise des émotions et la patience priment. Ainsi, lors de situations conflictuelles avec les différents intervenants, il est nécessaire de s’armer de patience tout en étant capable de gérer un temps précieux.

Quel a été le dossier le plus marquant de votre carrière ?

J. W. D. En ce qui me concerne, il y a 2 ans et demi environ, lorsque je suis intervenu lors de la restructuration d’un certain nombre d’actifs de la holding Jaccar du groupe Bourbon.

Y. D. Le dossier qui m’a le plus marqué est toujours le dernier en date ; celui d’Orpea sur lequel nous intervenons. Au-delà de tous les aspects financiers dont regorge cette affaire, elle soulève des enjeux de société. Nous sommes au cœur de la vie des Français. C’est ce que j’aime aussi dans mon métier : notre mission a un sens. Sur le plan technique, le dossier est très intéressant, non seulement du fait de sa taille, mais aussi parce qu’il s’agit d’une institution de premier plan à la structure complexe et avec des ramifications au-delà de notre pays et de l’Union Européenne, ce qui pose nombre de questions. Surtout, ce dossier met en situation les règles du droit boursier et du nouveau cadre juridique de la sauvegarde qui n’a jamais été testé sur une restructuration de cette ampleur.

Y. Dever : "Au-delà de l’aspect financier dont regorge le dossier Orpea, celui-ci soulève des enjeux de société"

Quelle est votre vision du marché ? Comment le voyez-vous évoluer cette année et à l’avenir ?

J. W. D. Nous n’assistons pas à une vague de restructurations. Quant aux nouvelles problématiques rencontrées liées au coût de l’énergie, mais aussi à l’inflation, cela reste des sujets de compte de résultat, pas encore de bilan. Même si certains secteurs sont structurellement en difficulté comme le retail ou encore certains maillons de la sous-traitance aéronautique.

Y. D. Malgré des éléments macroéconomiques en défaveur des entreprises tels que l’inflation, le coût de l’énergie et des matières premières, sans oublier les remboursements de PGE, nous n’avons pas assisté à une vague de défaillances. Pour autant, le monde économique change de paradigme : désormais, le crédit devient plus rare et beaucoup plus cher. Durant la pandémie, le financement a été une commodité ; maintenant il devient une denrée rare et discriminante vis-à-vis des emprunteurs, ce qui va laisser certains d’entre eux sans accès à la ressource financière.

Parcours

Yann Dever

  • Associé chez Ondra : novembre 2017 à aujourd’hui
  • Chez Lazard pendant 11 ans de juillet 2006 à 2017, Associé-gérant à la tête de l’activité restructuring
  • Directeur chez HSBC de juin 2000 à juin 2006
  • Débuts à la direction financière du groupe Crédit Lyonnais au moment de sa restructuration et de sa privatisation

Jean Wilfried Diefenbacher

  • Associé chez Ondra de septembre 2020 à aujourd’hui
  • Managing Director chez HSBC de 2013 à 2018
  • Vice-président chez Lazard de 1998 à 2001
  • Démarre chez Lehman Brothers en M&A avec une spécialité en conseil en acquisition, ressources naturelles, énergie et infrastructures.

Propos recueillis par Laura Guetta

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