Après un an de guerre en Ukraine, les marchés financiers ont intégré dans leurs positions un conflit parti pour durer. Leur perception des risques géopolitiques a également changé, selon Benjamin Melman, Global chief investment officer chez Edmond de Rothschild AM.

Décideurs. Quel est l’impact de la guerre en Ukraine sur les marchés financiers ?

Benjamin Melman. Il s’est avéré très important. Si des pressions inflationnistes émergeaient depuis un an, le choc sur les prix de l’énergie a amplifié la vague et conduit à une hausse du prix de toutes les matières premières. Ensuite, il y a eu une prime d’incertitude sur les actifs européens, les investisseurs se demandant si le continent avait assez d’énergie pour passer l’hiver. Au début du conflit, l’indice de confiance du milieu des affaires allemand, IFO, s’est effondré pour retrouver le même niveau que lors de la chute de Lehman Brothers. Les chefs d’entreprise d’outre-Rhin n’avaient plus de visibilité. Finalement, le scénario du pire a été évité.

Quand les marchés l’ont-ils acté ?

Il y a eu un tournant au quatrième trimestre. On a vu que les stocks de gaz étaient bien remplis et que l’envolée excessive de prix était due au fait que tout le monde stockait en même temps. À cela se sont ajoutés un hiver particulièrement doux et une modération de la consommation surprenante dans le bon sens du terme. Les marchés ont retrouvé de la visibilité en ce qui concerne l’énergie. Même si les prix restent élevés, ils sont intégrés comme un désavantage compétitif pour les entreprises européennes mais c’est un problème de moyen terme. En début d’année, beaucoup d’investisseurs, américains et asiatiques, sont revenus sur les marchés européens.

"L’Inde tire son épingle du jeu"

Le conflit ukrainien a-t-il changé la perception des risques géopolitiques par les investisseurs ?

Oui. Tout le monde avait déjà conscience que la globalisation était en train de se fracturer. Le mouvement s’est accentué sous la présidence Trump mais des divergences existaient auparavant entre les États-Unis d’Obama et la Chine. Même si cela fait des années que celle-ci ne cesse d’augmenter ses budgets militaires, la question de l’invasion de Taïwan restait un débat entre diplomates. Et ce parce que les obstacles à une telle invasion sont nombreux. Mais ils étaient aussi nombreux concernant l’invasion de l’Ukraine. Un tabou a été levé et beaucoup d’observateurs avisés ont estimé que la réponse de l’Occident à l’attaque de l’Ukraine allait impacter la manière dont la Chine pouvait agir avec Taïwan. Ce n’est pas un hasard si l’an dernier beaucoup d’investisseurs sont sortis des actifs taïwanais. Depuis, on constate des signes de détente mais la situation reste compliquée.

Melman

Que disent les positions des investisseurs sur la vision qu’ils ont de la suite du conflit ?

Les marchés ont compris que les prix de l’énergie seraient plus hauts qu’auparavant. Ils intègrent surtout une guerre qui se fige et ne trouve pas d’issue. Ils ne font pas l’hypothèse dans leurs positions d’un renversement du conflit d’une manière ou d’une autre.

Certains pays pourraient-ils bénéficier de cette nouvelle donne ?

La guerre en Ukraine a fait ressortir la question des chaînes d’approvisionnement, essentiellement en énergie. La politique chinoise interroge. Toutes les entreprises occidentales qui ont eu une stratégie d’expansion en Chine se demandent comment la faire évoluer par rapport au nouveau contexte géopolitique. Les entreprises installées en Chine vont y rester mais lorsqu’elles voudront accroître leur potentiel de production, elles agiront hors du pays. L’Inde semble tirer son épingle du jeu car le pays entretient d’excellentes relations avec l’Occident et constitue un pilier de la stratégie américaine en Asie. Le Mexique fait pour le moment partie des gagnants et séduit les entreprises américaines qui souhaitent se rapprocher de leur marché national.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

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