Reclaim Finance, l’ONG qui a pour ambition de pousser la finance à agir pour la transition énergétique, vient de lancer Change-de-banque.org, une plateforme d’information à destination des clients sur le financement des énergies fossiles des établissements bancaires. Entretien avec Lucie Pinson, sa fondatrice.

Décideurs. L’objectif de Reclaim Finance est de "mettre la finance au service du climat" concrètement, que faut-il faire pour l’atteindre ? 

Lucie Pinson. Il faut transformer tout l’écosystème de la finance : les banques, les assurances, les investisseurs mais aussi les régulateurs nationaux et européens ainsi que les agences de notations entre autres. Notre activité vise à enquêter sur les pratiques du secteur financier et à identifier ce qu’il doit transformer pour s’aligner sur la limite de réchauffement à 1,5 degrés. Une fois le diagnostic posé nous présentons des solutions aussi bien aux parties prenantes publiques que privés. Aujourd’hui la France a agi pour réduire ses soutiens au charbon, mais dans le contexte climatique actuel, il faut s’atteler à la sortie de toutes les énergies fossiles. La nouvelle priorité pour les acteurs financiers français est le secteur pétrolier et gazier. Le GIEC et l’agence internationale de l’énergie l’ont dit : il faut arrêter le financement de nouveaux projets d’exploitation et conditionner tout soutien à ces secteurs à l’adoption de plans de transition.

Vous lancez une plateforme d’information à destination des particuliers, pourquoi cette cible uniquement ?

La société civile peut être un important levier de transformation du monde de la finance, surtout que de nombreux acteurs très impliqués dans le financement des secteurs polluants sont exposés à des risques réputationnels forts. À ce jour la plateforme s’adresse aux particuliers en partant du principe que les individus ont toujours plusieurs casquettes : représentants de collectivité, salariés d’un grand groupe ou encore membres d’une association et tous ont un lien avec la finance car elle est le poumon de l’économie. La vocation de notre projet est de montrer que la société civile demande une transformation du monde de la finance et de mobiliser petit à petit tous les leviers du secteur, pour que par exemple, des entreprises entières revoient les règles de placement de leur épargne salariale. Pour être exhaustif nous souhaitons aussi étendre dans le futur la plateforme au secteur de l’assurance qui contribue également à rendre possible, à travers leurs investissements et couvertures d’assurance, le développement de projets d’exploitation d’énergies fossiles.

"Il faut espérer que demain les néo-banques vertes puissent convaincre, se développer et atteindre une taille critique qui leur permettra d’aller négocier avec le régulateur afin d’obtenir l’agrément nécessaire pour répondre aux besoins des entreprises."

Aujourd’hui les "néo-banques vertes" qui émergent ont une offre surtout orientée vers les particuliers, pourquoi n’est-elle pas élargie aux entreprises ?

Actuellement, la plupart de ces banques n’ont pas les moyens de répondre aux besoins des entreprises, mais il faut espérer que demain les néo-banques vertes puissent convaincre, se développer et atteindre une taille critique qui leur permettra d’aller négocier avec le régulateur afin d’obtenir l’agrément nécessaire pour répondre aux besoins des entreprises. Certaines disposent déjà d'une offre pour les professionnels, sur "change de banque" la Nef par exemple, est référencée comme banque à destination des entreprises en revance elle doit encore obtenir l’agrément pour pouvoir devenir une banque de détail à part entière.

La multiplication des fonds à impacts illustre-t-elle une plus grande prise de conscience des fonds par rapport aux banques ?

Un discours sur la responsabilité des investissements s’est développé chez les investisseurs notamment autour du règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR) mais se concrétise-t-il systématiquement par des mesures robustes d’exclusion des entreprises qui développent des nouveaux projets d’exploitation des énergies fossiles ? Dans une certaine mesure, il est plus facile pour des investisseurs d’agir face à l’urgence climatique qu’il ne l’est pour des banques ou des assureurs. Un investissement peut exclure des activités sans forcément perdre en rentabilité mais encore faut-il devenir pleinement actif dans la gestion des portefeuilles et la conjoncture actuelle, avec les profits d’acteurs comme TotalEnergies, n’aide pas. Pour une banque et un assureur, le sacrifice est plus important car l’exclusion se traduit par une réduction nette du marché sur lequel ils opèrent. De manière générale, je pense que la prise de conscience n’est pas encore là. Un exemple : un comité planche sur la révision du label ISR et nous en sommes encore à nous poser la question de l’exclusion des énergies fossiles dans le cahier des charges du label. Le strict minimum serait l’exclusion ferme des entreprises qui ne renonceraient pas à développer de nouveaux projets d’énergies fossiles. À date ce n’est pas envisagé, le comité reconnait uniquement qu’il faudra exclure dans une certaine mesure celles actives dans le charbon et quelques énergies fossiles non conventionnelles.

Propos recueillis par Céline Toni

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