Pionnier de la tech française, Bernard Liautaud est aujourd'hui à la tête de l'un des capital-risqueurs les plus respectées au monde, Balderton Capital. Métiers, start-up, investissements... il fait le point.

Décideurs. Tout d’abord, félicitations pour votre promotion au poste de dirigeant de Balderton Capital. Un Français à la tête d'une société d'investissement internationale, c'est assez rare pour être signalé.

Bernard Liautaud. Je deviens responsable du développement de Balderton Capital mais je ne suis pas seul à décider des investissements. En pratique, nous sommes cinq managing partners et la sélection des sociétés à incorporer ou sortir de notre portefeuille est collégiale. Pareillement, les profits réalisés sont répartis à égalité entre chaque associé, peu importe son grade ou sa contribution dans tel ou tel deal. Bien sûr, cette promotion me donnera plus de poids dans l'élaboration de la stratégie globale du groupe, la gestion courante des affaires et les levées de fonds de nos prochains véhicules.

 

Décideurs. Quelle est la feuille de route pour asseoir encore plus Balderton Capital dans sa position d'acteur mondial du capital-risque ?

B. L. Nous comptons poursuivre les dernières mesures directrices qui visaient à investir davantage dans l'early-stage européen. Notre point d'entrée dans une entreprise restera la Série A. Pour les tours suivants, nous n'hésitons pas à garder notre prorata même si nous n'avons pas vocation à suivre des niveaux de valorisation trop élevés. 

 

Décideurs. Vous êtes l'une des figures historiques de la tech française, pourtant vous semblez vous installer dans la finance. N'éprouvez-vous pas de nostalgie à l'égard de l'entrepreneuriat ?

B. L. Les métiers de financier et d'entrepreneur sont très différents car leurs objectifs sont binaires. D'un côté, la rentabilité et/ou la liquidité d'un actif, et de l'autre, la création d'un acteur incontournable dans son champ d'activité. Mon parcours d'entrepreneur m'a pleinement satisfait et j'ai fait l'heureux choix de rejoindre Balderton il y a huit ans déjà. Sans complètement quitter le monde de l'entreprise puisque j'ai fondé Dashlane (fournisseur de sécurité pour les mots de passe), dont je suis encore actionnaire et administrateur. En tant qu'investisseur, l'aventure intellectuelle est excitante : vous devez être à la pointe du savoir sur une multitude de secteurs (software, mobility, safety, consumer, social networks...). Le métier de capital-risqueur est difficile, contrairement à ce que les dirigeants de boîtes pensent parfois. Vous n'êtes pas au four et au moulin sur un projet mais vous êtes au four pour une dizaine de start-up. 

 

Décideurs. Concernant les participations, combien vous reste-t-il à déployer aujourd'hui ? Comment seront distribués ces différents tickets ?

B. L. Nous continuons à investir le dernier tiers de notre fonds 5, d'une taille d'un peu plus de 300 millions de dollars. Son prédécesseur, plus gros avec 480 millions de dollars, est encore très actif. Au total, nous avons collecté environ 2,3 milliards de dollars depuis le lancement du premier véhicule. Dans chaque entreprise, nous plaçons entre douze et quinze millions de dollars en moyenne.

 

Décideurs. Le visionnaire que vous êtes pourrait décider de créer quel type de société demain ?

B. L. Si je devais créer une société, ce serait dans le software d'entreprise. D'abord, je connais bien ce domaine et il est toujours plus efficace de bâtir un édifice avec des outils dont on a la maîtrise. Ensuite, je crois que ce secteur d'activités a encore énormément de valeur à générer. Les utilisateurs de logiciels d'entreprise sont d'ailleurs frustrés par le retard de ce segment comparé aux applications mobile ou home par exemple.

 

Décideurs. Prodigy Finance est l'une de vos participations dont on parle beaucoup. Comment l'évaluez-vous ?

B. L. C'est une fintech qui a pour but de financer les étudiants étrangers inscrits dans de prestigieuses écoles ou universités occidentales. Aujourd'hui, cette frange de population a très peu accès au crédit alors même que son potentiel est très important et sa probabilité de défaut faible.

 

Décideurs. La French Tech a levé plus d'un milliard d'euros en 2015. Est-ce que vous croyez à une harmonisation de l'écosystème mondial ou les start-up américaines auront-elles toujours un financement d'avance ?

B. L. Le rapport de forces a vocation à disparaître. Les entrepreneurs sont de plus en plus ambitieux. Avant, l'entrepreneur français se contentait d'une petite levée et d'une sortie à cent millions d'euros. Maintenant, il veut créer une société qui fait plusieurs milliards d'euros. Les fonds domestiques ou européens bénéficient aussi de plus grandes capacités d'investissement. 

 

FS

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