Le directeur général France d'European Capital,Tristan Parisot, dresse pour nous un état des lieux du marché du financement unitranche et nous dévoile ses principaux intérêts.
Décideurs. Quel état des lieux faites-vous du marché du financement unitranche ?
Tristan Parisot.
Si nous avions arrangé la première dette unitranche en Europe dans le cadre d’un LBO sur le groupe Delsey en 2007, ce mode de financement n’a véritablement commencé à s’implanter en Europe qu’à partir de 2011. En 2012, nous avons recensé neuf opérations de cette nature en Europe. En 2013 vingt-neuf financements de ce type ont été réalisés. Et, au cours du premier quadrimestre 2014, dix-neuf dettes unitranche ont déjà été concrétisées ! C’est aujourd’hui un marché en plein essor estimé à 5 milliards d’euros seulement. Si les deux tiers des opérations unitranche sont réalisées au Royaume-Uni et en France, le potentiel des autres pays européens comme l’Allemagne, la Scandinavie, le Benelux et l’Espagne reste entier. Cette excellente dynamique s’explique par deux raisons principales. D’une part, les banques ont considérablement réduit la voilure en matière de financement des LBO en Europe, et celles encore présentes concentrent souvent leurs ressources sur leur marché domestique, ce qui a eu pour effet de laisser le champ libre à l’émergence de prêteurs non bancaires. D’autre part, depuis près de deux ans maintenant, les sponsors n’hésitent plus à comparer les conditions proposées dans le cadre d’un financement unitranche à celles d’une structure de financement traditionnelle en all-senior ou senior plus mezzanine.

Décideurs. À quelles entreprises s’adresse-t-il aujourd’hui ?
T. P.
Le financement unitranche s’adresse principalement aux entreprises sous LBO qui ont une valorisation inférieure à 500 millions d’euros. Pour quelles raisons ? Tout simplement parce que ces entreprises ne disposent pas de beaucoup d’autres solutions de financement que celles proposées par les établissements bancaires. Leur taille ne leur ouvre pas l’accès au marché obligataire, notamment du high yield, ou au marché américain. Ce mode de financement s’adresse avant tout aux entreprises en forte croissance ayant des ambitions de développement, par croissance organique ou croissance externe. L’idée pour ces entreprises est d’utiliser leur cash-flow opérationnel pour financer leur croissance plutôt que de rembourser leur dette bancaire. En revanche, les entreprises qui génèrent beaucoup de cash mais dont les perspectives de croissance demeurent plus limitées, sont généralement moins attirées par ce type de financement qui coûte légèrement plus cher. À ce jour, la dette unitranche ne concerne que peu de sociétés de moins de 50 millions d’euros de valeur d’entreprise, mais cela pourrait évoluer dans les mois et années à venir.

Décideurs. Quels sont les principaux atouts de ce mode de financement alternatif ?
T. P.
Le principal avantage de l’unitranche tient à sa flexibilité et notamment à son caractère non amortissable. Le remboursement in fine, c’est-à-dire au terme d’un délai de sept ans, permet à l’entreprise de consacrer l’essentiel de ses cash-flows opérationnels au financement de son développement par croissance organique ou croissance externe. Soulignons également que les négociations autour de cette offre de financement sur mesure se déroulent avec un nombre de prêteurs restreint, très souvent un seul. Enfin, les financements peuvent aisément être effectués en multi-devises (euros, dollars,…).
Pour le sponsor, en plus de la flexibilité et la rapidité, le financement unitranche offre une très grande confidentialité qui lui permet de préempter un deal plus rapidement et avec discrétion. Autre avantage et non des moindres, la documentation se révèle plus légère car il n’y a pas de négociation de droit entre créanciers seniors et juniors.

Décideurs. Comment se dessine l’avenir du financement unitranche ?
T. P.
La baisse des taux d’intérêt et l’entrée opportuniste de nouveaux acteurs sur ce marché de la dette privée a bien sûr mis une certaine pression sur les conditions. Cela dit, si l’on regarde opération par opération, la concurrence demeure en réalité très limitée car chaque prêteur a un positionnement distinct en termes de secteurs d’activités, de taille d’actifs et de profil de risque. Dans nos dernières opérations, y compris celle que nous finalisons actuellement, l’unitranche continue de faire la preuve de son attractivité tant pour les sponsors que les équipes de direction. À mon sens, cette offre de financement peut très bien coexister aux côtés de structures de finance « traditionnelles ». Dans l’environnement actuel, il y a de la place pour ces deux types de financement et sûrement d’autres dans le futur.

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