Franc-maçons en BD, dernier Alexis Jenni, polar, écologie et peste marseillaise sont au menu de la rubrique Livres du mois de juin.
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Le nouveau coup de Jenni

C’est l’histoire d’un tout jeune presbytérien écossais qui, au milieu du XIXe siècle, émigre aux États-Unis avec sa famille. Petite main dans la ferme familiale, il travaille le jour et invente des machines en bois la nuit. Avant de découvrir la botanique et de changer radicalement de vie. Pour devenir le fameux John Muir, écrivain et naturaliste « concepteur » des parcs naturels et écolo avant l’heure. Une existence méconnue mais passionnante sur laquelle s’est penché Alexis Jenni, prix Goncourt 2011 pour L’Art français de la guerre. L’auteur croise avec succès sa capacité à analyser par des mots, les profondeurs de la psyché humaine et sa formation de biologiste. Le tout donne un cocktail addictif et, c’est avec tristesse que l’on referme la dernière page d’un ouvrage qui nous aura fait voyager des landes écossaises à la Floride, en passant par les montagnes de Californie. Si vous cherchez un livre pour l’été, vous pouvez choisir les yeux fermés cette biographie revisitée de celui que Theodore Roosevelt nommait "l’homme le plus libre jamais rencontré".

J’aurais pu devenir millionnaire, j’ai choisi d’être vagabond, d’Alexis Jenni, Paulsen, 220 pages, 21 euros

La maçonnerie mise en bulles

Des personnalités influentes, des rites mystérieux… La franc-maçonnerie est à l’origine de bien des clichés, démontés avec humour par le scénariste, lui-même initié. On y suit le quotidien d’un professeur qui découvre l’envers du décor : agapes dans des gobelets en plastique, rivalités mesquines entre loges, difficultés d’organisation, regard interrogatif du monde extérieur…. Avec délectation et humanisme, les auteurs brossent le portrait de jeunes lobbystes ambitieux, de vieux avocats blasés, de membres du Grand Orient snobs, ou d’universitaires idéalistes. Que l’on fasse "partie du club" ou non, cette bande dessinée se place sans conteste parmi les meilleures publications francophones de l’année, qu’il s’agisse du scénario ou de l’illustration.

Grand Orient, de Jérôme Denis et Alexandre Franc, éditions Soleil, 120 pages, 17,95 euros

Claustrophobie

Une nature hostile, un tueur sadique aux mises en scène inventives, un flic désabusé en lutte avec ses propres démons, la peur qui gagne la population et un corbeau qui fait monter la psychose, le tout dans une vallée coupée du monde... Dans son nouveau roman, Bernard Minier, l’auteur à succès de Glacé et de Nuit, use des mêmes ressorts narratifs qui ont fait l’efficacité de ses précédentes intrigues. De l’atmosphère oppressante aux personnages névrosés, tout y est et, une fois de plus, ça fonctionne. De quoi nous offrir à l’arrivée un récit toxique et addictif à souhait, porté par une intrigue dans laquelle, nous avertit-on dès le départ, quelqu’un agit "comme s’il se prenait pour Dieu...". Idéal pour nous tirer de la torpeur du confinement et nous préparer à celle de l’été.

La Vallée, de Bernard Minier, éditions XO, 520 pages, 21,90 euros

Effet miroir

Marseille, 1720 : la peste est aux portes de la ville. Sous les ordres de son médecin, maître Pancras, un quartier perché sur les hauteurs de la colline Devilliers, s’organise. Des barricades sont érigées, des vivres mis en sécurité, les habitants auscultés. Ce que l’on nommerait aujourd’hui un autoconfi nement révèle le courage des uns et l’égoïsme des autres. Mais la frange la plus importante de la population subit surtout l’ennui et la peur. Cette adaptation en BD des Pestiférés, œuvre de Marcel Pagnol, parue de manière posthume et en partie dans Le Temps des amours, fait écho à la période actuelle. La plume, qui rappelle le Sud de l’auteur de La Gloire de mon père, s’allie à des dessins où la beauté des paysages et des lumières contrastent avec les images saisissantes de la maladie.

Les Pestiférés, de Serge Scotto, Éric Stoffel et Samuel Wambre, Grand Angle, édition tricentenaire de la Peste en Provence, 137 pages, 19,90 euros

De l’art de créer sans altérer

À l’origine, Emmanuel Druon n’est ni militant écologiste, ni essayiste. Il est dirigeant d’entreprise ; à la tête depuis plus de vingt ans de Pocheco, une société spécialisée dans la fabrication d’enveloppes et, surtout, dans l’art de le faire sans porter atteinte à l’environnement, selon des pratiques respectueuses de la nature et de l’humain qui, à l’heure où les mises en garde du Giec se mêlent aux interrogations nées de la crise sanitaire, inspirent un nombre croissant d’entrepreneurs et dirigeants. Dans Écolonomie 2, son nouvel essai, c’est cette émulation collective qu’il raconte. Cet engagement partagé par une centaine de sociétés dans la transformation de leur mode de fonctionnement, cette volonté commune de "produire sans détruire". Un témoignage accessible et inspirant qui débute sur un rappel, aussi élémentaire qu’essentiel : de la même manière que « nos entreprises ne sont pas hors sol » mais connectées à un écosystème et dépendantes de la viabilité de celui-ci, leurs salariés et dirigeants "ne perdent pas leur citoyenneté en en franchissant les portes". Dès lors, impossible pour les unes et les autres de s’exonérer du devoir commun de préserver l’existant et de persister, en conscience, à détruire pour produire.

Écolonomie 2: La transformation créatrice, d’Emmanuel Druon, Actes Sud, 180 pages, 20 euros

Caroline Castets, Lucas Jakubowicz, Olivia Vignaud

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