En huit a, les gardes à vue ont explosé (+140 %), si bien qu’aujourd’hui, avocats ou magistrats iatisfaits et policie inquiets s’iurgent contre Michèle Alliot-Marie qui tarde à présenter sa réforme de la procédure pénale. La ministre de la Justice promet que la révision du dispositif sera examinée en premier.

En huit ans, les gardes à vue ont explosé (+140 %), si bien qu’aujourd’hui, avocats ou magistrats insatisfaits et policiers inquiets s’insurgent contre Michèle Alliot-Marie qui tarde à présenter sa réforme de la procédure pénale. La ministre de la Justice promet que la révision du dispositif sera examinée en premier. En attendant, les voix à charge s'élèvent.

On la pensait réservée aux braqueurs et aux criminels, on y trouve pourtant désormais des dirigeants, des couples en crise ou des chauffards ! La garde à vue est partout plus fréquente, et avec elle son cortège de conditions vexatoires, voire dégradantes.

La scène est quotidienne. Banale. Elle reflète le caractère disproportionné du dispositif :  

« J’ai été mise en garde à vue à 3 heures du matin parce que j’avais 0,61 gramme d’alcool dans le sang. Sur le trajet pour aller au poste, on m’a interdit d’utiliser mon portable pour prévenir ma mère. On m’a même retiré ma montre. J’avais perdu jusqu’à la notion du temps. Dans la cellule, il y avait des excréments sur les murs. Ma garde à vue a duré seize heures. »
René Vestri, sénateur UMP des Alpes-Maritimes, l’affirmait en séance le 9 février 2010 : « Oui, j’ai signé n’importe quoi pour que l’on me libère au plus vite. » Robert Badinter s’est insurgé quant à lui des « conditions scandaleuses » des gardes à vue. Et le sénateur centriste François Zocchetto de conclure : « Une réforme est indispensable. »
Qu’ils soient de droite ou de gauche et conspués par les avocats, magistrats et syndicats de police, les politiques s’accordent à vouloir réformer le dispositif de la garde à vue, pour éviter que ne se reproduisent des gardes à vue de jeunes filles de 14 ans, comme en février dernier. Nicolas Sarkozy l’avait promis : la réforme de la procédure pénale s’accompagnera d’un renforcement des droits de la défense. Venues au secours de la Place Vendôme, les conclusions du rapport Léger (maintien de l’entretien d'une demi-heure entre le mis en cause et son défenseur et possibilité d'un nouvel entretien à la 12e heure avec accès aux procès-verbaux d'audition et présence du défenseur aux auditions à la 24e heure) n’y font rien Bien au contraire.

Aucun régime de retenue n'existe

Pour Jean-Yves Le Borgne, vice-bâtonnier du barreau de Paris, l’augmentation du nombre de gardes à vue est un phénomène relativement ancien, dont on a seulement pris conscience récemment. Afin de limiter l’ampleur d’un régime qui n’a cessé de croître (entre 580 000 gardes à vues officielles et plus de 800 000 officieuses, soit 1,23 % de la population en 2009)

et qui demeure loin de s’appliquer aux seuls crimes et délits (plus de 200 000 cas concerneraient des infractions au code de la route) la garde des Sceaux Michèle Alliot-Marie envisage d’encadrer le régime de la garde à vue.
Le droit est strict. Les policiers ne peuvent retenir dans leurs locaux qu’à la condition de garder à vue. Aucun autre régime juridique de retenue n’existe, que ce soit pour une journée ou un quart d’heure. Aussi la commission Léger, à la demande du président de la République, a-t-elle envisagé dans son rapport sur la procédure pénale remis le 1er septembre 2009 de limiter et d'encadrer la garde à vue, à travers la création d’une alternative : la mini-garde à vue.


La proposition du rapport Léger : une mini-garde à vue

Il s’agit d’une retenue judiciaire d’une durée de six heures maximum, pour les personnes soupçonnées d'une infraction punissable d'une peine inférieure à cinq ans d’emprisonnement. L’enregistrement des gardes à vue deviendra obligatoire et les retenues seront limitées à la fois aux cas où la contrainte est nécessaire et également aux faits punissables d'au moins un an de prison.
Enfin, le comité Léger propose d'inscrire dans la loi le principe selon lequel la garde à vue est une « mesure coercitive et qu'il ne doit y être recouru que si la contrainte est totalement nécessaire. »
Sur le modèle précédent, la Chancellerie prévoit de son côté pour les infractions mineures une interpellation d'une durée de quatre heures, où le « suspect libre » pourra être interrogé, sans être placé en garde à vue. La garde à vue ne s’appliquera que dans des cas de crimes et délits punis de peines d'emprisonnement.
Pour l’heure, le seul dialogue entre les officiers de police judicaires (OPJ) et l’avocat se borne au motif de l’interpellation et à sa date. C’est largement insuffisant pour l’avocat, qui ne peut entrer dans la phase de conseil. Selon eux, il faut repenser le Code de procédure pénal dans son ensemble et créer un système de retenue plus bref, où l’homme de robe sera présent pour conseiller et aviser. Pour Jean-Yves Le Borgne, l’avocat doit être constamment présent avec son client. Comme durant l’instruction, à armes égales. « Il faut une justice de la démonstration scientifique de la preuve et non une justice de l’extorsion de l’aveu ! »


Le funambulisme politique

La conciliation d’exigences contradictoires relève pour la réforme de la garde à vue du funambulisme politique. Invoquant le principe général du droit de la défense et le respect de l’égalité des armes entre la défense et l’enquête, les avocats réclament la possibilité d’être présents pendant l’ensemble de la garde à vue, ainsi que l’accès au procès verbal détaillant les faits reprochés. La police invoque les nécessités de l’enquête et le devoir de chacun de participer à l’œuvre de la justice. C’est une évolution progressive qui a conduit à cette impasse et aux zones d’ombre de la garde à vue.

Les critères de "performance"

Ils ne sont pas rares les officiers de police judiciaire, seuls compétents pour décider du placement en garde à vue, qui rappellent le temps où il leur était reproché de ne pas suffisamment y avoir recours.
Ils sont plus nombreux encore ceux qui soulignent que depuis 2002, le nombre de gardes à vue est un critère officiel pour évaluer la performance (et la dotation budgétaire) des forces de sécurité.

Le 27 janvier dernier, défendant un amendement au projet de loi de la sécurité intérieure, le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux se félicitait des résultats obtenus pour la période 2002-2008, citant « un nombre de personnes placées en garde à vue progressant de 51,52 % ». Aussitôt, les avocats n‘ont pas manqué d’invoquer des gardes à vue « sorties de leur contexte » qui ne sont pas motivées par les besoins de l’enquête, mais par la volonté de sanctionner la petite délinquance sans engager une procédure longue et coûteuse. Des gardes à vue de confort.


La Cour européenne des droits de l'homme intervient

Las, les juges pourraient forcer la main du parlement. Des modèles types de demande d’annulation des gardes à vue circulent. Le 28 janvier 2010, le tribunal correctionnel de Paris a annulé cinq d’entre elles au motif que l’entretien de trente minutes avec un avocat « ne correspond manifestement pas aux exigences européennes ». Ces annulations font suite aux prises de position de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui ne cessent d’inquiéter la Chancellerie.
Dans un arrêt du 13 octobre 2009, la Cour a rappelé « le droit de tout accusé à être effectivement défendu par un avocat, au besoin commis d’office ». Le défaut d'assistance d'un avocat à une personne en garde à vue a déjà valu à plusieurs pays européens, dont la Turquie, des condamnations de la CEDH. Le motif ? Le détenu n’a pas bénéficié de l'assistance d'un avocat « dès les premiers interrogatoires de la police ». Toutefois, selon le greffe de la Cour européenne, aucune requête française n'a encore été jugée ni même enregistrée sous l'angle de l'insuffisance de l'assistance des avocats aux personnes gardées à vue.

Le coût de l'aide juridictionnelle

La course de vitesse entre les politiques est enclenchée. Et c’est à celui qui saura susciter un consensus transpartisan. La proposition de loi déposée par le député socialiste André Vallini mentionne la présence d’un avocat pendant toutes les auditions. C’est faire peu de cas du coût de la mesure dû à l’aide juridictionnelle, surtout en période de crise des finances publiques. Christian Peltier, avocat au barreau de Paris, rappelle, non sans regret, que le budget de l’aide juridictionnelle en Grande-Bretagne est d' 1,4 milliards d'euros contre 250 millions pour la France.

Le débat autour de la garde à vue pourrait contribuer à la recomposition politique postérieure aux élections régionales. Le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Jean-François Copé, reste confiant : « Le gouvernement est conscient de l'urgence de la réforme et nous, parlementaires, avons peut-être plus de retour du terrain ». Pas sûr que le grand public sorte confiant et serein quant à la bonne conduite de l’instruction et de la justice en générale.

Ironie du sort, quand on sait d’une part que le dispositif de la garde à vue se veut avant tout protecteur des droits (limitation de la durée de privation de liberté, entretien de trente minutes avec un avocat, information sur la nature de l’infraction, etc.) et quand on réalise d’autre part que les grands désastres judiciaires (Outreau, Patrick Dils, etc.) ont sans doute porté en leur sein dès le stade de la garde à vue les prémices de l’erreur.
La garde à vue effectuée sans présence de l’avocat relègue chaque individu à l’autodéfense. C’est à dire à l’absence totale de défense.

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