Par Jamila El Berry, avocat associé. JEB Avocats 
Plus sévère, la loi du 6?août 2012 sur le harcèlement sexuel permet de sanctionner l’auteur recherchant auprès de la victime un acte de nature sexuelle, mais aussi celui qui adopte des propos ou comportements répétés à connotation sexuelle portant atteinte à la dignité ou créant une situation intimidante, hostile ou offensante à l’égard de celle-ci. Ces cas de figure seraient nombreux en entreprise.

Voilà un sujet épidermique qui met en évidence toutes les contradictions d’une société indignée devant les comportements sexistes ou misandres, mais qui a longtemps discuté de la pertinence de leur pénalisation… Et pour cause, les limites entre le modèle d’exception de la «?galanterie française?», et les comportements potentiellement déviants sont encore à géométrie variable, selon que leur lecture est faite par des juristes, sociologues, ou féministes de la première heure. Craignant une judiciarisation excessive des rapports humains «?à l’américaine?», le discours de l’exception française, s’est construit en réaction contre la politisation des questions sexuelles aux États Unis dans les années 1980. À présent, ce même discours se déconstruit, ne résistant pas à la doxa dominante, laquelle juge avec beaucoup d’intransigeance, et au-delà de ce que sanctionne le droit, les comportements répréhensibles. Il faut bien avouer, qu’à cet égard, l’affaire DSK a été une expérience pédagogique à l’échelle nationale… L’apprentissage public par le scandale a été très efficace. Ainsi, le seuil de tolérance de l’opinion publique sur le comportement «?cavalier?» jusqu’alors accepté, a bien diminué. Le législateur s’est ainsi fait l’écho de cette évolution en introduisant dans le socle normatif une définition plus sévère du harcèlement sexuel.

Les atermoiements législatifs en proie aux évolutions sociétales

Le harcèlement sexuel est un délit introduit par la loi du 22?juillet 1992 dans le Code pénal, défini alors comme «?le fait de harceler autrui en usant d'ordres, de menaces, ou de contraintes, dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions?». Quelques mois plus tard, le harcèlement sexuel visant spécifiquement la relation de travail a fait son incursion dans le Code du travail par la loi du 2?novembre 1992 relative à l'abus d'autorité en matière sexuelle dans les relations de travail. Or, en mai?2012, une décision du Conseil Constitutionnel a privé d’effet cet arsenal législatif en abrogeant le délit de harcèlement sexuel, estimant que les éléments du délit n’étaient pas définis dans la loi pénale (1). Dans l’urgence, le législateur a voté la loi du 6?août 2012, destiné à combler le vide juridique qui avait suscité de furieuses critiques.
Au cours de cet intervalle, les faits relevant de l’ancienne qualification ont pu être requalifiés en délit d’agressions sexuelles afin de pouvoir les réprimer avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi (2).
Cette nouvelle loi a donc introduit le dispositif répressif encadrant le harcèlement sexuel (3) dans les termes suivants :
«?I. le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant ; soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante II. Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers (4).?» Ainsi, Code pénal et Code du travail prévoient dorénavant deux formes distinctes de harcèlement sexuel, permettant ainsi d'appréhender différentes situations, avec une possibilité de circonstances aggravantes. Qui plus est, le législateur a «?alourdi?» les peines antérieurement prévues par le Code pénal (5). Selon la circulaire d'application, lesdits «?comportements?» sont des «?propos, gestes, envois ou remises de courriers ou d'objets, attitudes?». Il suffit que ceux-ci revêtent une connotation sexuelle, ce qui n'exige donc pas qu'ils présentent un caractère explicitement et directement sexuel. À ce stade, la question du harcèlement sexuel se pose que lorsque l’intéressé (e) n’a pas exprimé de consentement. Sur ce point, l'absence de consentement peut se manifester à travers un silence face aux agissements du harceleur supposé ou une demande d’intervention adressée à un supérieur hiérarchique. En tout état de cause, les actes doivent être répétés, à l’exception du «?chantage sexuel?», lequel se manifeste par l’usage (unique ?) des pressions graves dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles. Il appartient donc à l’employeur de gérer, de manière préventive, les relations de travail dysfonctionnelles quels que soient les cas de figure auxquels il est confronté. La tâche est ardue, mais l’obligation de sécurité de résultat à laquelle il est astreint, réduit son champ des possibles. Le cas échéant, il s’expose, certes, aux sanctions pénales mais aussi et surtout aux sanctions civiles, lesquelles peuvent lui coûter cher.

Une lecture du délit sans concessions : la première condamnation rendue sous l’empire de la nouvelle loi
Se livrant à une radiographie du «?comportement acceptable?», les juges pourront promouvoir une approche rigoriste, ou non, de ce nouveau délit. La tendance répressive se dessine déjà. Ainsi, un éminent chercheur, dont la légitimité scientifique faisait l’unanimité, mais qui avait pour fâcheuses habitudes, d’être enclin «?aux mauvaises plaisanteries?» d’avoir un «?langage vert?» ; de fréquenter les lieux de travail en petite tenue après ses séances de sport, et de revendiquer haut et fort toute son affection pour les pratiques sadomasochistes, a été condamné par le Tribunal Correctionnel de Versailles pour harcèlement sexuel en janvier dernier (6). Le tribunal a estimé, en effet, que l’auteur des faits avait créé à l’encontre des deux victimes, par son comportement et ses propos à connotation sexuelle une situation offensante. Le tarif de la mauvaise plaisanterie ? Neuf mois ferme d’emprisonnement, une lourde amende ainsi que des dommages et intérêts à verser aux victimes. Qui plus est, l’employeur a révoqué le chercheur, de ses fonctions. Il vaut donc mieux manier l’humour avec esprit et précautions… 

1 Cons. cons. déc. 4 mai 2012, n° 2012-240 QPC
2 CA Paris, 19 décembre 2013 n° 12/48617
3 L. n° 2012-954, 6 août 2012, art. 12 : JO, 7 août
4 C. travail, art. L. 1153-1.
5 C. pénal art. 222-33. Le harcèlement sexuel est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000?euros d’amende. Ces peines sont portées à trois ans d'emprisonnement
et 45 000?euros d'amende lorsque les faits sont commis : 1° Par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions (…).
6 Tribunal correctionnel de Versailles 27 janvier 2014 n°146/2014

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