La présidente de la commission fiscalité du Medef et présidente exécutive de Sonepar revient sur la politique fiscale du gouvernement
Décideurs. Quelle est, selon vous, la position des entreprises françaises vis-à-vis de l’État ?

Marie-Christine Coisne-Roquette.
Les deux enjeux majeurs pour la compétitivité des entreprises et pour l’attractivité du pays sont la sécurité et la stabilité. L’état d’insécurité et d’instabilité fiscale a atteint un vrai paroxysme ces dernières années, à cause notamment de certaines mesures contre-productives. Les entreprises ne savent jamais quelle va être la norme et elles sont quand même obligées de prendre des décisions dans un contexte financier et fiscal incertain. Cette instabilité crée une espèce de paranoïa dont la conséquence directe est un freinage des décisions d’investissement.
On parle beaucoup de mesures de compétitivité, mais le postulat de base d’une telle politique réside dans la stabilité et la sécurité de la norme, qui doit être la plus efficace ou la moins nocive possible. Malheureusement, on en est loin, d’où ce climat, parfois de défiance, souvent délétère… En vérité, l’État ne joue plus son rôle premier, celui d’apporter de la stabilité alors même que l’étymologie du mot État est la même que celle du mot stabilité !



Décideurs. À force de jouer pouvoir d’achat contre création d’emplois, l’État ne s’est-il pas trompé de cible ?

M.-C. C.-R.
Durant ces dix dernières années, la quote-part des entreprises dans la contribution aux finances publiques n’a cessé de croître par rapport à celle des particuliers, alors que l’effort devrait être rééquilibré vers les ménages. Aujourd’hui, notre modèle de protection sociale repose essentiellement sur le travail et l’entreprise. Le coût exorbitant du travail se fait au détriment des salaires, qui s’amenuisent, et de l’entreprise, qui voit ses charges salariales prendre une part de plus en plus élevée. C’est un effet très pervers.
Globalement, c’est l’esprit de la fiscalité des entreprises qu’il faut changer, en abandonnant les prélèvements intermédiaires. Au-delà des charges sociales, les nombreux impôts et taxes sur les facteurs de production grèvent le compte de résultat des entreprises, donc leur rentabilité. Les entreprises payent beaucoup plus d’impôts et taxes divers que d’impôt sur les sociétés. Comme le montre une enquête du Medef, en moyenne et avant de gagner un euro de profit, vous devez acquitter l’équivalent de douze points de valeur ajoutée. Et dire que notre taux d’IS est déjà l’un des plus élevés d’Europe ! Dans le contexte actuel, si l’État a besoin de recettes supplémentaires, il vaudrait mieux augmenter l’impôt sur les bénéfices plutôt que ces impôts intermédiaires qui érodent – et font fuir – nos entreprises. L’efficacité est aussi synonyme de simplification.



Décideurs. Concrètement, qu’attendez-vous en matière de fiscalité pour 2013 ?

M.-C. C.-R.
J’attends l’arrêt des mesures rétroactives et l’énoncé d’une politique, d’un pacte fiscal, qui soient fondés sur la recherche d’une plus grande efficacité économique et non pas sur la moralité. Cette dernière ne devrait pas avoir d’impact autre que la chasse aux fraudeurs. Une bonne loi fiscale génère des recettes qui ne ralentissent pas l’activité. Si on fait l’inventaire, les entreprises viennent de subir une aggravation de la quote-part des frais et charges au titre des plus-values, l’affichage d’un principe de non-déductibilité partielle des frais financiers (de 15 % en 2012 à 25 % en 2014), et la taxe de 3 % sur les dividendes.
Cette double imposition est scandaleuse. L’entreprise doit payer un impôt lorsqu’elle distribue des dividendes déjà taxés à l’IS. On taxe la rémunération du capital alors que je ne connais personne qui serait d’accord pour devenir actionnaire d’une entreprise sans la perspective de gagner de l’argent. L’autre mesure contradictoire est le plafonnement de la déductibilité des frais financiers qui ne sont plus considérés comme des charges d’exploitation normales intégralement déductibles du résultat taxable. Ainsi, on pénalise tous les moyens de financer l’entreprise, la dette et le capital. En termes de cohérence économico-financière, le signal que le gouvernement donne aux entreprises est surprenant et abracadabrant.


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